Ecrit par Imane Bouhrara |
Le travail du gouvernement pour ses premiers 100 jours de vie a été scruté sous toutes les coutures. Et pour cause, le gouvernement actuel a suscité l’enthousiasme après la fulgurante victoire du 8 septembre, bien que la fièvre est tombée d’un cran à l’annonce du programme gouvernemental. Après plus d’un trimestre aux commandes, que faudra-t-il retenir des premiers pas de l’équipe Akhannouch ? Quelle couleur a-t-elle annoncé ?
Les 100 jours d’un quinquennat, cette tradition qui remonte à l’époque de Napoléon s’est bien ancrée dans la tradition politique marocaine pour ne pas dire plus chez les médias qui s’intéressent de très près à l’appréciation de cette période fatidique révélatrice de la couleur d’un mandat.
Et l’on peut dire sans craindre de se tromper que le chantier de la protection sociale lancé par le Roi en avril dernier s’est taillé la part du lion dans le travail du gouvernement particulièrement en terme de production de textes de loi, avec 18 décrets pour faire avancer ce chantier qui opère une véritable révolution sociale au Maroc et qui bénéficie de la plus haute attention royale.
Sauf qu’un élément manque encore à l’appel pourtant d’une extrême importance dans la pérennisation des sources de financement de chantier à ce jour rares, la réforme de la compensation.
En effet, l’aboutissement d’un tel programme nécessite non seulement la modification d’un ensemble de textes législatifs et réglementaires existants, l’élaboration de nouveaux textes, mais également le lancement d’un ensemble de réformes structurelles qui concernent la mise à niveau du système de santé, la réforme du système de compensation, de manière à remédier aux déséquilibres au niveau du ciblage des catégories éligibles à l’aide, parallèlement à l’opérationnalisation du registre social unifié.
De ces réformes, la plus épineuse est certainement celle de la compensation qui fait face à la contrariété de ce timing empreint par la flambée des matières premières et le surenchérissement des prix des biens de première nécessité.
Ce qui expliquerait que ce sujet qui fâche est quelque peu voire totalement éclipsé des différentes actions de la majorité en ces 100 premiers jours du mandat. Ni aucune trace dans la LF 2022 qui prévoit un budget de compensation de 17 Mds de DH dont 16 Mds de DH pour la Caisse de compensation.
Force est de reconnaître que ce chantier qui passe par la mise en œuvre du RSU avec un ciblage des populations, est quelque peu biaisé par le contexte de crise qui a provoqué une vague de perte d’emplois sans précédent et une vulnérabilité de différentes couches sociales.
La réforme des retraites, autre sujet épineux sur la table du gouvernement
Force est de reconnaître que le chantier de la protection sociale va donner du fil à retordre à l’exécutif. En effet, le troisième volet de chantier titanesque consiste en l’élargissement en l’an 2025 de l’assiette des adhérents aux régimes de retraite pour inclure les personnes qui exercent un emploi et ne bénéficient d’aucune pension, à travers la mise en application du système des retraites propre aux catégories des professionnels et travailleurs indépendants et personnes non-salariées qui exercent une activité libérale, afin d’englober toutes les catégories concernées. Une population estimée à 5 millions de personnes, qui vient s’ajouter aux actifs des bénéficiaires des régimes de retraite.
Ce qui rappelle une autre réforme structurelle dont l’actuel gouvernement a hérité : celle de la retraite.
Il y a lieu de souligner les principaux relatés dans le rapport 2020 de l’ACAPS présenté le 12 janvier au chef de gouvernement. Ainsi, les études actuarielles menées par l’Autorité en 2020 montrent que les principaux régimes de base connaissent une situation financière difficile marquée globalement par l’importance de leurs dettes implicites et par l’épuisement de leurs réserves à divers horizons.
La situation financière des régimes de base s’est dégradée en 2020 en enregistrant un déficit technique de 10,8 milliards de dirhams contre 7,1 milliards en 2019. Avec un solde financier excédentaire de 10,9 milliards de dirhams en 2020, en progression de 1,7% par rapport à 2019, le solde global a enregistré un déficit de 500 millions de dirhams contre un excédent de 3,3 milliards de dirhams sur l’exercice précédent.
En 2020, les actifs cotisants couverts par les régimes de retraite ont atteint 4,5 millions de personnes, en baisse de 4,1% par rapport à 2019. Cette baisse est due principalement à la diminution des actifs de la CNSS de 6,7%, suite aux répercussions de la crise sanitaire sur le marché de l’emploi.
Le taux de couverture s’est situé ainsi à 42,4% de la population active occupée en 2020 contre 42,5% une année auparavant, soit une baisse de 0,1 point par rapport à 2019.
L’effectif des bénéficiaires de ces régimes a enregistré une hausse de 5,4% pour s’établir à 1,5 million de personnes dont 69,4% de retraités et 30,6% de bénéficiaires de pensions de réversion (conjoints et orphelins).
Selon les projections actuarielles réalisées par l’Autorité sur un horizon de 60 ans, le rapport démographique de la CNSS connaitrait une dégradation importante à long terme et se situerait à 1,2 retraité pour un actif en 2080 contre 7,5 en 2020. Ceux des deux régimes du secteur public (CMR-RPC et RCAR-RG) connaitraient également une dégradation due à l’accroissement plus important des flux des sorties futures à la retraite comparativement aux nouvelles recrues des administrations et des établissements et entreprises publics. Ce rapport s’établirait respectivement pour ces deux régimes à 1,7 et 1,1 actif pour un retraité à l’horizon des projections (2080). Quant à la CIMR, son rapport démographique se situerait à 1,5 en 2080 contre 2,8 en 2020.
Un bien sombre tableau auquel tentera de remédier la réforme systémique de la retraite (système à deux pôles, public et privé) qui est en phase de préparation et qui ambitionne d’instaurer une tarification équilibrée pour ces régimes pour les droits futurs mais également de résorber, dans des proportions importantes, les engagements passés non couverts.
L’étude relative à la conception technique de scénarios dans le cadre d’un système à deux pôles (public et privé) est à un stade avancé, selon l’ACAPS. Nous voilà rassurés !
Il est certes aberrant de juger un gouvernement au bout de 100 jours de travail, mais par les temps qui courent des signaux semblent nécessaires pour maintenir l’enthousiasme ressenti le jour de la mise en place de la nouvelle équipe aux manettes.
Voir également : [Emission Hiwar] Khalid Aït Taleb à cœur ouvert sur les leviers de réussite de la généralisation de l’AMO