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L’institution de Hassan Boulaknadel braque ses projecteurs sur les youtubers et les influenceurs qui ne dĂ©clarent pas la rĂ©munĂ©ration des services exportĂ©s. Un dĂ©lai d’un mois leur est accordĂ© pour se mettre en conformitĂ©.Â
Jeunes, vieux, femmes aux foyers, couplesâŠ, beaucoup ont trouvĂ© dans les rĂ©seaux sociaux une source importante de revenus. Certains en ont fait mĂȘme une activitĂ© journaliĂšre qui leur garantit une entrĂ©e sĂ»re dâargent.
En effet, lâĂ©mergence des influenceurs et des youtubers ces derniĂšres annĂ©es est un flĂ©au qui prend de plus en plus de lâampleur. Filmer son quotidien, partager ses passions, donner des conseils ou encore faire des camĂ©ras cachĂ©es entre membres de la famille est devenu une tendance qui pupille sur les rĂ©seaux sociaux. Il suffit dâun tĂ©lĂ©phone et dâune connexion pour se lancer dans tous les dĂ©lires et toutes sortes d’excĂšs. Malheureusement, ce contenu mĂ©diocre, pour la grande majoritĂ© des cas, trouve suiveurs.
Câest ce qui a favorisĂ© un nouveau business juteux qui rapporte gros. Plus le nombre de vues et de followers (internautes abonnĂ©s au profil d’une personnalitĂ©) augmente, plus la moisson est bonne. Et plus ça buzze, plus ça chiffre. Pour donner un ordre de grandeur, les revenus mensuels dâun youtuber sur youtube ou dâun influenceur sur Snapchat et Instagram peuvent atteindre des sommes mirobolantes allant jusquâĂ 50.000 DH/mois voire plus.
Les prix ne sont pas fixes puisquâils dĂ©pendent de plusieurs paramĂštres notamment le nombre dâabonnĂ©s ou de followers, le prix du CPM (coĂ»t pour mille) ou du CPC (coĂ»t par clic), la provenance des internautes (nationaux ou internationaux)âŠ
Ce qui est sĂ»r câest que pour un investissement de quasiment 0 DH et 0 effort, plusieurs personnes tirent profit de ce business florissant. La question est de savoir si ces crĂ©ateurs de contenu web paient leurs impĂŽts ?
Pas si sûr. Ce business génÚre des milliers voire des millions de DH chaque jour qui passent entre les mailles du filet du fisc.
Câest pourquoi, lâOffice des changes a braquĂ© ses projecteurs sur cette activitĂ©.  Dans une lettre adressĂ©e aux personnes physiques qui exportent des services et reçoivent de la devise de façon informelle, lâinstitution de Hassan Boulaknadel appelle ces personnes Ă se mettre en rĂšgle.
« Dans le cadre de sa mission de contrĂŽle, lâOffice des changes effectue habituellement des contrĂŽles rĂ©guliers auprĂšs des assujettis Ă la rĂ©glementation des changes quâils soient des personnes physiques ou morales et ce, afin de vĂ©rifier la conformitĂ©, par rapport Ă la rĂ©glementation des changes en vigueur, des opĂ©rations rĂ©alisĂ©es par ces derniers (importation de biens et de services, exportations de biens et de services, investissements, âŠ) », nous a prĂ©cisĂ© une source au sein de lâOffice.
Un rappel Ă lâordre pour les revenus encaissĂ©s entre 2016 et 2018 relatifs aux opĂ©rations dâexportation de services.
« Selon les Ă©lĂ©ments dâinformation en possession de lâOffice des Changes Ă ce jour vous avez rĂ©alisĂ© entre 2016 et 2018 des opĂ©rations dâexportation de services sans transmettre Ă cet organisme les comptes rendus y affĂ©rents et ce conformĂ©ment aux dispositions de lâinstruction gĂ©nĂ©rale des opĂ©rations de change du 1er janvier 2019 que vous pouvez consulter au site Internet de lâOffice des Changes », lit-on dans ladite lettre.
La chasse Ă ceux qui ne dĂ©clarent pas, par ignorance ou volontairement, a commencĂ©. LâOffice dĂ©bute toutefois par la voie passive en invitant ceux qui sont en situation irrĂ©guliĂšre de se conformer. Ils ont un dĂ©lai maximum dâun mois pour complĂ©ter leur dossier. Parmi les Ă©lĂ©ments Ă fournir, un compte rendu des exportations de services rĂ©alisĂ©s au titre des annĂ©es 2016, 2017 et 2018 Ă©tablis par annĂ©e, et ce conformĂ©ment au modĂšle 10 de la Liasse des DĂ©claration OpĂ©rateurs du 1er janvier 2019.
Mais pas seulement. LâOffice demande des prĂ©cisions et justifications utiles au sujet de la nature des opĂ©rations dâexportation de services en faveur de leurs clients « Google Ireland Limited » et « Unity Technologies » et sur les conditions et dĂ©marches entreprises par leurs soins. BientĂŽt la fin de lâĂ©vasion et le passage Ă la caisse du fisc. Il faut dire que les temps sont durs et que dans un contexte empreint de marges de manoeuvre trop rĂ©duites, lâEtat tire sur tout ce qui bouge.
Quid des opérations au niveau national ?
Si le caractĂšre de transaction internationale a fait bouger lâOffice, on se demande quâen est-il des opĂ©rations qui se font entre les influenceurs nationaux et les entreprises locales.  Car ce business ne concerne pas que les services exportĂ©s mais Ă©galement des services fournis au niveau national qui Ă©chappent au radar du fisc. Câest le cas des influenceurs qui reçoivent des rĂ©munĂ©rations importantes pour mettre en avant des produits ou des marques.
Pour donner un ordre de grandeur, pour un influenceur avec 1 million de followers, les tarifs peuvent dĂ©marrer Ă 10.000 DH/poste. Le compteur peut rapidement exploser en fonction du secteur dâactivitĂ© et du niveau dâinfluence de la personne sur son public. Câest une nouvelle forme de pub dĂ©guisĂ©e qui concurrence les canaux classiques de communication.
Malheureusement, il nây a pas de donnĂ©es sur le chiffre dâaffaires gĂ©nĂ©rĂ© par cette activitĂ© encore moins sur sa contribution ( si contribution il y a) aux recettes de lâEtat. DâaprĂšs une personne opĂ©rant dans le secteur, la grande majoritĂ©, pour ne pas dire la totalitĂ©, ne dĂ©clare pas ses revenus. Ces nouvelles superstars sont payĂ©es soit en liquide, sans obligation de prĂ©senter de facture, soit en contrepartie de produits de la marque quâelles revendent ou gardent pour usage propre.
En dâautres termes, leurs bĂ©nĂ©fices Ă©chappent Ă lâimpĂŽt. Et pourtant, ces opĂ©rations devraient ĂȘtre rĂ©gies par le Code de commerce.
Cette situation ne fait que confirmer lâiniquitĂ© fiscale dont jouit notre systĂšme. Une iniquitĂ© qui non seulement dĂ©courage lâinvestissement mais encourage le recours aux pratiques informelles pour ne citer que lâĂ©vasion et la fraude fiscale qui gangrĂšnent lâĂ©conomie.
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EncadrĂ© Ce que prĂ©voit la rĂ©glementation de change Les opĂ©rateurs Ă©conomiques personnes morales ou physiques rĂ©alisant des opĂ©rations dâexportation de services qui dĂ©signent, au sens de la rĂ©glementation des changes, les prestations rendues au Maroc ou Ă lâĂ©tranger par un rĂ©sident en faveur dâun non-rĂ©sident et donnant lieu Ă une rĂ©munĂ©ration, sont tenus de :  - procĂ©der au rapatriement du montant intĂ©gral des recettes de leurs exportations et ce, dans un dĂ©lai de 90 jours Ă compter de la date de rĂ©alisation des prestations de services ; effectuer une dĂ©claration annuelle Ă lâOffice des Changes faisant ressortir le chiffre dâaffaires rĂ©alisĂ© au titre des exportations de services et les rapatriements effectuĂ©s. Il est Ă prĂ©ciser que les exportateurs de services, personnes morales et personnes physiques inscrites au Registre de Commerce, sont autorisĂ©s Ă ouvrir des comptes en devises ou en dirhams convertibles auprĂšs des banques marocaines, destinĂ©s Ă couvrir leurs dĂ©penses professionnelles en devises et peuvent y loger jusquâĂ 70% des recettes dâexportation rapatriĂ©es. Les banques marocaines sont autorisĂ©es dans ce cadre Ă dĂ©livrer aux exportateurs de services, titulaires de ces comptes des chĂ©quiers et des cartes de paiement internationales.