Le Maroc occupe la 95ème position dans le classement du commerce électronique entre entreprises et consommateurs, devancé par nombre de pays à économie similaire. L’informel et l’absence d’une fiscalité dédiée participent pour beaucoup dans cette performance moyenne.
La révolution numérique et l’usage massif des nouvelles technologies, ont radicalement modifié les modes de consommation. Parmi les changements notoires, l’émergence du e-commerce qui gagne de plus en plus du terrain. D’année en année, sa part dans le commerce mondial augmente de façon considérable. Au Maroc, c’est une croissance annuelle de plus de 50 %, avec plus de 13 millions de Marocains qui ont effectué des achats en ligne en 2018. Ce sont les chiffres annoncés récemment par le ministre de tutelle Moulay Hafid Elalamy.
Toutefois, malgré ce développement, le Maroc est encore à la traîne par rapport à d’autres pays. Sur 152 pays de l’index 2019 de la CNUCED du commerce électronique entre entreprises et consommateurs (B2C) récemment publié, il occupe la 95ème position.
Le pays est devancé par la Tunisie qui occupe la 70ème place, le Liban 68ème place, l’Arabie Saoudite 49ème position, le Qatar 47ème position ainsi que les Emirats à la 28ème place. A noter que cet indice mesure la préparation d’une économie au soutien de l’achat en ligne.
Toutefois, les raisons de ce classement est à chercher dans le caractère informel dans lequel se développe cette activité. Rappelons que les millions de DH gérés chaque jour par les transactions e-commerce échappent au fisc et donc à toute traçabilité.
Il faut dire qu’en l’absence d’une fiscalité spécifique au e-commerce, beaucoup profitent de ce vide juridique pour faire des bénéfices dans l’informel. Nous avions déjà soulevé cette problématique à la veille des Assises sur la Fiscalité (tenues les 4 et 5 mai dernier) en faisant réagir Khalad Zazou, qui était à l’époque Directeur de la Législation, des études et de la coopération internationale à la DGI.
Ce dernier, qui occupe actuellement le poste de Directeur par intérim de la DGI, nous avait affirmé que le fisc était penché sur la question. Malheureusement, et contrairement aux attentes, la question de la fiscalité du e-commerce n’a pas été soulevée lors desdites Assises. Conclusion, une fiscalité spécifique au e-commerce n’est certainement pas pour demain.
Ce qui n’est pas sans conséquences pour l’économie marocaine puisqu’en l’absence d’un régime fiscal dédié, de plus en plus de commerçants s’orientent vers la vente en ligne qui reste un canal plus compétitif, très rentable et surtout qui échappe au radar. Un secteur informel qui gagne du terrain face au formel menaçant au passage la survie de millions de commerçants traditionnels. Les propos du ministre de l’Industrie, du Commerce et de l’Economie Verte et Numérique à ce sujet avaient été très critiqués sur la toile. Il avait affirmé que l’ouverture de toutes les portes du e-commerce menacerait le petit commerçant qui dans nos économies est fondamental puisqu’il a un rôle de proximité, d’accompagnement, de crédit, d’amortisseur social.
Le message du ministre était pourtant limpide, le développement de cette activité doit être accompagné par des mesures et un dispositif pour protéger l’économie et ses acteurs. L’administration fiscale doit faire son travail afin de garantir cette équité fiscale que tout le monde réclame.
« L’administration fiscale doit jouer son rôle en contrôlant les entreprises et les particuliers qui opèrent dans le e-commerce. Les possibilités de contrôle existent bel et bien. Malheureusement, l’administration fiscale manque de moyens de contrôle pour surveiller toutes les activités et les personnes à revenus », nous avait précisé Zaya Mimoun, Docteur en droit public et ex-cadre de la DGI.
Alors pour tirer profit réellement de ce secteur, il est impératif de mettre des garde-fous pour endiguer l’hémorragie due à la fraude, aux fausses déclarations et surtout mettre la main sur une manne qui échappe encore à l’Etat.