Il y a deux semaines, nous annoncions déjà que le recul de l’épidémie à l’échelle nationale est menacé par des progressions à l’échelle Provinciale. La conséquence est là maintenant que l’épidémie ne recule plus :
- le nombre de cas hebdomadaires progressé depuis 2 semaines (de 2’499 à 2’714 cas cette semaine) après avoir décru pendant 16 semaines,
- le taux de positivité hebdomadaire augmente de nouveau (de 3.62% à 3.91% cette semaine) après avoir décru depuis la semaine du 08 novembre et nous avons relevé ce risque depuis quelques semaines.
Toutefois quelques Même si la limite haute de l’intervalle de confiance à 98% du taux de progression est remontée au dessus de l’unité le mercredi 03 mars, il n’y a peut-être pas encore de raisons de s’alarmer puisque, pour l’instant :
- l’épidémie régresse encore dans 41 des 75 Provinces (même si c’est depuis 67 jours pour Aousserd) et seulement dans 5 des 12 Régions (et seulement depuis 8 jours à Fes-Meknes) ; la récente remontée du taux de progression de Casablanca au-dessus de l’unité semble avoir déjà impacté défavorablement les Provinces où l’épidémie était en régression.
- malgré cela, nous sommes encore loin de la catastrophe puisque :
- depuis 15 semaines, il y a eu division par 11.4 du nombre de cas actifs (de 49’800 à 4’365 cette semaine),
- le nombre de décès hebdomadaires s’est lui aussi érodé pour la 8ème semaine consécutive (à 41) après avoir été stable au voisinage de 200 pendant 2 semaines.
Si le maintien du taux de progression au dessus de l’unité devait continuer, la pression sur les soignants pourrait revenir et le désengorgement des services qui s’occupent des cas graves différés puisque :
- même si le rythme des guérisons hebdomadaires a dépassé celui des nouveaux cas depuis le 22/11/2020 (3’609 cette semaine face à 3’194), leur différence mettra encore longtemps à éponger les 4’365 cas actifs de ce dimanche 14/03,
- corollaire des fortes contaminations du mois de novembre, le nombre de cas graves confirmés COVID19, qui avait oscillé pendant 6 semaines entre 933 et le record de 1’097 cas atteints le 18/12, est remonté à 275 semaine.
Nous le disons déjà depuis le 15 novembre, la baisse du taux de positivité a eu lieu malgré la limitation aux cas « les plus suspects » qui aurait pourtant eu pour effet de l’augmenter. Le nombre de tests hebdomadaires, qui était repassé au dessus de la barre de 100’000 hebdomadaires pendant trois semaines, s’est situé autour de 69’401. Et pourtant, quand le nombre de cas se fait de plus en plus rare, il faut de plus en plus de tests pour débusquer le même nombre de personnes infectées, sans doute faudrait-il retourner au strict « détecter, tracer, isoler » tel qu’il était appliqué avant Aïd El Adha.
Certes, nous affirmons depuis longtemps et ne nous lasserons pas de répéter que les chiffres confirment sans réserve que l’on aurait dû interdire la célébration de l’Aïd El Adha qui a dispersé la contamination et en a accéléré le rythme, il y va forcément de l’irresponsabilité ou l’incompétence de quelques mauvais conseillers qu’il serait bon d’écarter. Ceux-ci n’ont pas qu’une partie des morts sur leur conscience mais aussi une partie de l’impact négatif, sur les vivants, des restrictions ayant suivi l’accélération de la contamination de cet été. Les Autorités Sanitaires en ont, semble-t-il, tiré quelque leçon puisqu’elles ont pris des mesures pour limiter les contacts sociaux de célébrations du nouvel an 2021, mais avait-on réellement besoin de les faire durer jusqu’au 14 janvier pour les prolonger encore plus ?
Toutes les données sont quotidiennement mises à jour auprès de sites du Ministère de la Santé[i]. Certes, des voix[ii] les auraient accusées de ne pas refléter la réalité mais ce sont les seules données dont nous disposons.
Figure 1 Tableau récapitulatif de la situation en fin de semaine
EVOLUTION DES TESTS DE DEPISTAGE COVID-19
Il s’agit ici de tests dits « PCR ». Le Maroc a aussi fait des tests de dépistage en entreprise pendant les dix semaines précédant le 7 septembre 2020, mais depuis cette date c’est le retour au dépistage des seuls cas « suspects » et leurs contacts[iii]. Dans nos rapports des dernières semaines, nous nous sommes toujours inquiétés de l’insuffisance de la capacité de tests. Ceci dit, même la définition des cas « suspects » avait changé une première fois la semaine du 18/05 puisqu’on avait dû quasiment y doubler le nombre de tests hebdomadaires mais cette fois-ci, nous n’avons pas trouvé d’information sur la définition la plus récente des « cas suspects« . A ce sujet, il est intéressant de lire ce qu’on écrit les Professeurs Jamal Eddine Kohen, Lahcen Belyamani et Ahmed Rhassane El Adib sur les stratégies de communication en temps crise sanitaire[iv].
L’évolution des tests réalisés chaque semaine (bleu clair) ainsi que celle de leur total (bleu roi) sont montrées en Figure 1 (l’échelle du graphique de droite est logarithmique de sorte que chaque carreau représente une multiplication par dix). Le 14/03, c’est maintenant 14.777% de la population qui a été testée en atteignant un total de 5’312’601 et le nombre de tests effectivement réalisés est au moins triple de ceux qui sont représentés puisque, pour être déclaré rétabli, chaque contaminé est supposé présenter deux tests négatifs. De début juin à début juillet, le nombre de nouveaux tests hebdomadaires se tenait entre 100 et 120’000 par semaine et la cadence s’était accélérée en début août entre 150 et 160’000 par semaine pour diminuer par la suite.
A 69’401, le rythme des tests de dépistage hebdomadaire n’a pas été aussi bas depuis fin mai 2020. Quand une épidémie régresse, les cas d’infection se font de plus en plus rares et il faut de plus en plus de tests pour les débusquer. Depuis le début, nous relevons la moindre baisse du rythme des tests et notre inquiétude, maintenant partagée par d’autres médias2, n’a pas suscité d’explication de la part autorités sanitaires !
Figure 2 Evolution réelle et simulation journalière (gauche) et hebdomadaire (droite) du nombre de tests
Au vu des expériences asiatiques, nous continuons à penser que non-seulement le nombre de tests mais même la capacité de test actuelle (entre 23 et 24’000 quotidiens, soit 161 à 168’000 hebdomadaires), sont insuffisants. Plus de tests sont indispensables pour pouvoir détecter et soigner dans les temps sinon la contamination d’abord et les décès ensuite peuvent s’en ressentir. Le début de la vaccination ne justifie pas la réduction du nombre de tests car la durée de l’opération de vaccination sera largement suffisante pour faire remonter la contamination à des niveaux inacceptables puisque nous avons vu que le nombre de cas hebdomadaires a pu se multiplier par 64 en 5 mois entre mi-juin et mi-novembre.
EVOLUTION DES RESULTATS DES TEST
Résultats des tests COVID-19
Le graphique de gauche de la Figure 3 montre l’évolution du nombre de tests et de leurs résultats alors que le graphique de droite en montre la structure. La courbe bleue, se rapportant à l’échelle de droite du graphique de droite, montre l’évolution de la part de la population marocaine testée qui atteint 14.777% ce dimanche 14/03/2021. Plus on teste, plus on peut isoler de porteurs susceptibles de contaminer leurs contacts et moins le virus pourra se propager puisque, semble-t-il, une première contamination immunise pendant au moins six mois[v] et depuis le début de l’épidémie, bien que seulement 3 cas de réinfection par COVID-19 aient été rapporté en septembre 2020[vi], une étude anglaise les a chiffrés à 0.11% en janvier 2021[vii]. L’immunité grégaire ou collective[viii] nécessite qu’une grande part de la population ait été immunisée, par contamination ou vaccinée, au moins 70% selon l’Institut Pasteur[ix]. Ce dimanche 07/03/2021, nous sommes encore très loin de ce pourcentage puisque les 488’937 contaminés ne représentent que 1,36% de la population (35.951 Mhab).
Figure 3 Evolution du nombre de tests et de leurs résultats
Le test PCR est fait sur un échantillon de glaire prélevée dans la gorge ou le nez mais encore faut-il que le virus s’y trouve[x] ? – En effet, la gorge et le nez sont des « points de passage » de COVID-19 avant qu’il ne se niche, si le manque d’immunité du patient le lui permet, dans les poumons qui sont son lieu de prédation. Donc, dans la gorge ou le nez, COVID-19 n’est plus détectable longtemps après l’infection puisqu’il semble qu’on n’y détecte plus de virus viable au-delà de 9 jours après le début de la maladie, même en cas de persistance d’une charge virale élevée[xi].
Vaccination contre COVID-19
En ajoutant les 4’210’770 vaccinées aux personnes déjà contaminés, nous n’en sommes qu’à 13,07% de la population supposée immunisée. La Figure 4 montre l’évolution du nombre de personnes vaccinées. Les paliers des dimanches sont parfaitement normaux à cause eu égard à la fermeture des centres de vaccination. Avec 318’552 cette semaine, l’excellente organisation logistique a permis de tenir une vitesse de croisière actuelle autour d’un million de vaccinations hebdomadaires après s’être multipliée par 3 en 2 semaines. Le rythme actuel corrobore de moins en moins le haut de la fourchette de 3 à 5 mois annoncée mi-février par le Ministre de la Santé pour atteindre donc l’immunité collective au plus tard mi-juillet 2020[xii] : en effet, si nous considérons que l’immunité collective peut être atteinte avec 60% de la population immunisée, nous ne serons là que vers mi-juillet 2021. Mais puisque la limitation du rythme est complètement exogène à cause de la disponibilité des vaccins fabriqués à l’étranger et que les élections ne sont plus très loin, il vaut mieux être prudent quant aux annonces de choses qui ne dépendent pas de nous !
Figure 4 Evolution du nombre de vaccinés : Quotidien à gauche – Hebdomadaire à droite
Ceci étant dit, puisque l’on garde la deuxième dose pour ceux qui ont déjà reçu la première, les 4.2 millions de personnes qui ont reçu la première dose du vaccin ont déjà pratiquement épuisé (ou réservé) les 8.5 millions de doses qui étaient reçues par le Maroc jusqu’à ce dimanche 14/3. A la cadence actuelle, celles-ci devraient être de nouveau épuisées (ou réservées) dès le début de la semaine entrante.
Segmentation des testés positifs
Le graphique de gauche de la Figure 5 montre l’évolution historique du nombre de porteurs de COVID-19 dont les décédés, les rétablis et les actifs (en cours de soin) alors que le graphique de droite montre l’évolution de la segmentation des ces testés positifs. Dans le graphique de droite, la courbe blanche représente l’évolution du pourcentage des tests positifs (échelle de droite). Elle s’est déjà infléchie et indique qu’à terme, un peu moins de 9% des personnes testées au Maroc auront été positives ; et même si ce pourcentage était celui de la population marocaine immunisée, il serait insuffisant pour atteindre l’immunisation collective.
Figure 5 Evolution historique du cumul des testés positifs et de leur devenir
Dans le graphique de gauche de la Figure 5, les « trois vagues » sont parfaitement visibles sur les cas actifs représentés en couleur orange. Dans le graphique de droite, on voit bien que le pourcentage global des cas actifs, après avoir légèrement augmenté, a repris sa lente décroissance qui devrait, à terme, finir à zéro. Le graphique de droite de la Figure 5 montre bien comment hausse du pourcentage des rétablis (vert) « grignote » le taux des cas actifs (orange). La baisse du taux de positivité hebdomadaire qui tire à la baisse le pourcentage des cas actifs et que nous annoncions dès novembre est établie et continue à tirer vers la bas le pourcentage des cas actifs.
Toutefois, la lenteur de cette décroissance du pourcentage des cas actifs permet d’apprécier visuellement la longue durée qui nous sépare encore d’une « pseudo fin de l’épidémie« . Comment atteindre zéro infection ? – Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans les propos du Pr. Didier Raoult qui, courbe en main, a dit : « La courbe [de contamination] est une courbe en cloche… les épidémies commencent, s’accélèrent, culminent, diminuent puis disparaissent sans qu’on sache pourquoi« . Il faut interpréter ce que ceci signifie dans la bouche de quelqu’un qui a vu plus de nombreuses courbes de contamination épidémique.
« Ne pas savoir pourquoi elles disparaissent » traduit l’incompatibilité entre les théories mathématiques pour qui les « courbes en cloche » finissent en diminuant progressivement sans jamais s’annuler alors que les courbes de contamination réelles subissent bien un jour une dégringolade « chaotique » à zéro puisque les épidémies s’arrêtent dès lors que les derniers porteurs ne peuvent plus communiquer le virus à un hôte qui ne soit pas immunisé. Mais encore faut-il les conditions pour que ceci se réalise ce qui ne peut plus se faire dans un temps raisonnable sans immunité collective3.
Depuis déjà plusieurs mois, le dépistage via les clusters est devenu d’autant plus complexe que le Maroc avait déjà atteint 1’121 clusters actifs au 16 septembre[xiii] et que ce chiffre est sans doute en forte progression compte tenu des chiffres récents et du fait que le chef du gouvernement n’en annonçait que 467 lors de séance commune des deux Chambres du Parlement, mi-mai 2020. Il est d’ailleurs significatif que les chiffres officiels n’évoquent pratiquement plus le nombre de clusters, bien que l’épidémie est descendue aux centaines de nouveaux cas par jour.
Le contingentement des tests et les chiffres bas des lundis
Le graphique de gauche de la Figure 6 montre l’évolution du nombre quotidien de cas positifs (en diamants bleus se rapportant à l’échelle de gauche) et du taux de positivité des tests de dépistage effectués (en triangles rouges se rapportant à l’échelle de droite).
Figure 6 Evolution du nombre quotidien de cas positifs et du taux de positivité des tests de dépistage effectués
Dans le graphique de gauche de la Figure 6, les symboles des lundis sont volontairement agrandis depuis le 10/08 pour montrer que depuis cette date, il y a une forte baisse du nombre de cas positifs annoncés tous les lundis (diamants bleus agrandis) ! Le même graphique de gauche de la Figure 6 montre qu’il y a toujours une forte baisse du taux de positivité annoncé tous les lundis (triangles rouges agrandis) jusqu’au 23/11, ce qui traduit un contingentement hebdomadaire des profils des personnes testées.
Puis, jusqu’à il y a deux semaines, seul le nombre de cas positifs a baissé les lundis mais le taux de positivité était resté dans le nuage moyen. Le même phénomène est observé au niveau provincial. Il fallait bien trouver au moins une explication au fait que les résultats des tests devenaient périodiquement beaucoup plus erratiques que la progression réelle du virus (qui ne peut souffrir de telles discontinuités). Le graphique de droite de la Figure 6 montre, quant à lui, comment les données des taux positivité deviennent nettement moins fluctuantes dès que les lundis sont « lissés » (reprises dans la Figure 14 plus bas).
Ainsi, même au-delà des raisons médicales (prélèvement) ou biologiques (test) de la détection, les taux de positivité des tests sont aussi influencés par l’organisation de l’infrastructure de test qui inclut elle-même un contingentement hebdomadaire des profils testés, chose que nous suspections depuis le début et qui nous incite à préférer, tant que possible, des fenêtres de temps de 7 jours aux journalières.
Puisque le nombre de tests des lundis est inférieur à celui des autres jours, on peut prévoir sans boule de cristal que les nouvelles infections quotidiennes qui seront annoncées le soir de ce lundi prochain seront encore significativement inférieures à celles du dimanche précédent et à celles du mardi suivant.
EVOLUTION DES CHIFFRES DE LA SEMAINE
Décès, guérisons et cas actifs parmi les cas positifs
La Figure 7 montre l’évolution hebdomadaire du nombre de personnes testées positives et, parmi celles-ci, celles qui sont décédées, rétablies ou encore actives (nouveaux cas dans le graphique de gauche et leurs cumuls dans celui de droite). Le nombre de cas hebdomadaires progresse depuis 2 semaines (de 2’499 à 2’714 cas cette semaine) après avoir décru pendant 16 semaines.
Figure 7 Evolution hebdomadaire du devenir des testés positifs de la « troisième vague » (nouveaux à gauche et cumul à droite)
Cumulant 488’937, il se confirme 2’714 nouveaux cas face aux 2’569 de la semaine précédente (en diamants rouges, échelle de gauche), soit la 2ème augmentation depuis 16 semaines. Encore à 4’365, le nombre de cas actifs (en cercles oranges, échelle de gauche), qui n’avait pas diminué depuis la semaine du 28/09, a, grâce au dépassement par les guérisons (en triangles verts, échelle de gauche), décru pendant 17 semaines d’affilée baissant encore quelque peu, mais de moins en moins vite, la pression sur les soignants et leurs infrastructures. Heureusement qu’une très large majorité des cas positifs est asymptomatique et ne nécessite qu’un isolement sans hospitalisation. Comme les autres données, le nombre de décès (en carrés noirs, échelle de droite) a lui aussi dépassé son maximum hebdomadaire et entamé son régime de saturation.
Certes, les 275 cas actifs graves confirmés COVID19 de ce dimanche 14/03 ne saturent sans doute pas les lits COVID disponibles à l’échelle nationale, mais la répartition inégale des cas actifs maintient sans doute encore une certaine pression sur les hôpitaux des provinces les plus contaminées (75 au total). Bien qu’en ce moment, seul 1 patient sur 26 cas actif soit « grave » et même si la capacité du Maroc en lits dédiés n’a jamais été saturée, les 200 réanimateurs des hôpitaux publics ne permettraient de servir correctement 400 lits de réanimation, selon le Dr. Jamal Eddine Kohen[xiv], Président de la FNAR.
Comment a-t-on fait pour servir les 1’097 patients graves du 18 décembre avec une capacité fonctionnelle de 400 ? Le médecin avait pourtant affirmé que si l’on avait pu additionner les structures de la CNSS, les privées et les militaires, le Maroc aurait pu atteindre une capacité fonctionnelle de 700 lits de réanimation. Des voix médicales compétentes, comme celle du Pr. Ahmed Rhassane El Adib[xv], ont relevé l’inadaptation des procédures de diagnostic, de traitement et de suivi des patients à la situation épidémiologique. Selon ce réanimateur, ces procédures sont mises en œuvre par des ressources humaines démotivées face au nombre croissant de malades et suivent des circuits de diagnostic et de traitement inappropriés et auraient pour effet une difficulté d’accès aux tests, des retards des résultats et donc du retard à débuter les traitements de référence (même pour les patients symptomatiques).
La Figure 8 montre quelques pourcentages qui méritent commentaire.
Figure 8 Evolution hebdomadaire de quelques pourcentages (gauche) et journalière du taux de progression (droite)
Au stade actuel, le graphique de gauche de la Figure 8 enseigne les choses suivantes :
- Abstraction faite de toutes les causes rapportées comme aggravant le risque de décès (âge, obésité, diabète, faiblesses cardiaques ou autres), les statistiques actuelles indiquent que les porteurs de COVID‑19 du Maroc ont eu 1.784% de chance d’en mourir, en moyenne cumulée. Avec une telle létalité le Maroc se maintient à peu près au milieu du palmarès mondial de 191 pays[xvi]. Après avoir décru depuis le 12 avril, ce taux de décès cumulé de tous les testés positifs a augmenté depuis 1,50% le dimanche 02 août à 1,88% le dimanche 06 septembre pour amorcer une très lente baisse jusqu’à 1,63% au dimanche 15 août avant de remonter très lentement depuis. Si les conditions actuelles continuent, il devrait finir autour de 1,8%.
- Dès lors qu’il y a suffisamment de critères pour que les protocoles hospitaliers ou les accords de test considèrent un individu comme étant « bon à tester » (pour entourage ou pour symptômes), il y a :
- environ 9.20% de chance d’être porteur de COVID-19, chiffre qui, après avoir remonté depuis 1,71% atteints le dimanche 19 juillet, a recommencé à baisser depuis le 02 janvier,
- environ 0.164 % de chance d’en mourir, chiffre qui décroît très lentement depuis le 24 janvier.
Comme montré dans le graphique de la Figure 8, la décroissance du taux de positivité au test PCR n’est plus de mise. Nous ne pensons pas que la remontée du nombre de cas des 2 dernières semaines soit conjoncturelle.
Dans nos rapports des mois d’octobre, nous avions prévu l’augmentation du taux de positivité au test PCR (avant le 01/11 sur la Figure 8) qui est due au fait que l’on ait :
- cessé les tests en milieu professionnel3 qui produisent peu de cas positifs en limitant aux cas « fortement suspects » et leurs contacts2,
- et que, sous la contrainte d’un nombre croissant de « cas suspects« , on en est sans doute venu à limiter le nombre de cas à tester aux plus suspects d’entre eux.
Le graphique de droite de la Figure 8 montre le taux de progression du virus qui permettrait, théoriquement, de connaître le nombre moyen de personnes qu’un porteur contagieux pourrait infecter. Ce taux est le ratio des nouveaux infectés des 7 derniers jours à ceux des 7 précédents (et non plus glissés d’un jour comme précédemment). Ce taux dépend des conditions « offertes » à la propagation de l’épidémie durant la dernière semaine : lorsque le plus probable passe en-dessous de 1, on dit qu’il devient probable que l’infection soit en train de reculer mais dès que la partie haute de l’intervalle de confiance passe en-dessous de 1, on a alors 98% de chance pour que l’infection soit en train de reculer. Le taux de progression de l’épidémie a vu la limite haute de son intervalle de confiance à 98% passer en dessous de l’unité le vendredi 20/11 mais même s’il était sporadiquement repassé une fois au dessus de la barre de l’unité, il régresse encore dans 41 des 75 Provinces et dans 5 des 12 Régions.
Cas sévères, dont ceux intubés, parmi les cas actifs
Le graphique du haut de la Figure 9 montre l’évolution récente des cas actifs (échelle de droite) et celle du nombre de cas graves (échelle de gauche). Le graphique de gauche de la Figure 9 montre l’évolution du taux de gravité parmi les cas actifs (échelle de gauche) et de la part des intubés parmi les graves (échelle de droite) alors que celui de droite montre le nombre de décès rapportés aux cas graves de la veille.
Figure 9 Actifs dont graves et intubés (haut) – Taux de gravité et d’intubation (gauche) – Taux de décès des cas graves (droite)
Depuis le 13 juillet 2020 :
- Nous n’avons ni information suffisante pour interpréter les chiffres qui suivent, ni la compétence requise pour en expliquer la cause, toutefois :
- Le taux de gravité, cas graves confirmés par cas actif, aurait augmenté de 1 cas sur 70 (1.4%) à 1 cas sur 45 (2.2%) puis à une moyenne de 1 cas sur 28 (3.6%) depuis mi-décembre. A-t-on changé la définition de la « gravité » et sinon, quelle serait la cause de la croissance du taux de gravité ?
- Le taux d’intubation, intubés par cas grave, est descendu de 22 à 9% depuis fin septembre. Quel est la cause, sans doute heureuse, de ce moindre recours à l’intubation ?
- Au niveau des décès : pour 12 cas graves d’un jour, 1 décède le lendemain. Toutefois, il s’avère qu’après qu’il ait pointé à près de 1 cas sur 6 vers la fin du mois d’Août, ce taux est descendu en dessous de 1 cas sur 20 depuis fin décembre et oscille même actuellement autour de 1 cas sur 30, ce qui est une excellente nouvelle pour ralentir la croissance de la létalité globale citée plus haut. Espérons que le semblant de remontée de la fin ne soit que conjoncturel.
Répartition des cas positifs à l’échelle Régionale et Provinciale
Le graphique de gauche de la Figure 10 montre la carte de répartition géographique de l’impact (cas par million d’habitants) sur les différentes Provinces et Préfectures du Maroc alors que la courbe qui y est insérée rappelle la forme de l’évolution du total des cas. Le graphique de droite de la Figure 10 montre, quant à lui, la carte de répartition géographique des cas hebdomadaires et totaux sur les différentes Régions du Maroc alors que l’histogramme qui y est inséré montre le classement de l’impact par Région (en nombre de cas par million d’habitants). Dans cette dernière carte, la taille des cercles augmente avec le nombre de cas.
Figure 10 Répartition Provinciale (gauche) et Régionale (droite) de l’impact et classement des cas positifs et de leur impact
Avec une moyenne nationale encore montée à 13’600 cas détectés par million d’habitants au 15/03 (soit 1.3600% de la population), on trouve au Maroc tous les impacts intermédiaires entre celui des Provinces de Casablanca, la plus impactée avec 4.1773% de la population (qui a pris la place de Oued-Ed-Dahab depuis le 26/11), et celui de Moulay Yaacoub, la moins impactée, stabilisée à 0.1419% de la population depuis le 14/01 (graphique de gauche de la Figure 11).
Figure 11 Répartition régionale et classement par impact (gauche) et évolution du taux de reproduction à Casablanca
La répartition territoriale de l’impact ne semble pas suivre de règle géographique évidente et la variation spatiale de l’impact provincial varie d’un facteur 29.0116 qui remonte s’est stabilisée depuis mi-janvier 2021 bien que sa valeur était en fait double mi-octobre 2020. La forte variation de ce facteur dans les phases de d’accélération ou de décélération de la contamination caractérise la différence des cinétiques d’évolution de la contamination dans les différentes Provinces.
En tant que Préfecture la plus peuplée et la plus contaminée (même par habitant), le poumon économique du pays qu’est Casablanca contribue fortement à la contamination du pays (29.8% des cas) et toute amélioration de sa situation ne saurait être sans impact sur le reste. A ce titre, le graphique de droite de la Figure 11 montre l’évolution du taux de progression depuis l’Aïd El Adha. Sa brève remontée au dessus de l’unité le 30/11 a fortement contribué à l’augmentation du taux de progression national (graphique de droite de la Figure 8). Toutefois, contrairement à ce que nous espérions et à l’inverse de la remontée du 20/01, la récente remontée du taux de progression de Casablanca au-dessus de l’unité semble avoir déjà impacté défavorablement le nombre de Provinces où l’épidémie était en régression ainsi que le taux de progression à l’échelle nationale.
Le graphique de gauche de la Figure 12 montre l’évolution dans le temps des cas positifs dans les différentes Régions alors que le graphique de droite montre l’évolution du pourcentage représenté par chaque Région.
Figure 12 Régions : évolution du nombre de cas (haut à gauche), de la part (haut à droite) et de l’incidence par Mhab (bas)
Le graphique en haut à gauche de la Figure 12 montre qu’en fait le nombre de positifs de plusieurs Régions a connu des « sauts » dus à la découverte des divers foyers épidémiques :
- Darâa-Tafilalet aux 20-26 avril renforcée par une multiplication par 8 depuis début août,
- Guelmim-Oued Noun aux 22-26 avril,
- Rabat-Salé-Kénitra aux 03-13 mai et 18-20 juin,
- Laâyoune-Sakia El Hamra les 20-26 juin,
- Tanger-Tetouan-Assila les 23-26 juin,
- Souss-Massa les 25 juillet–22 août puis les 10-20 septembre.
Même si certains influencent plus significativement le taux de positivité national, le saut du nombre de contaminations le plus spectaculaire a été celui Laâyoune-Sakia El Hamra. Casablanca-Settat a, elle aussi, connu un changement de rythme qui a commencé durant la deuxième moitié de juillet et coïncidant avec les préparatifs de Aïd El Adha. Il semble que les « méga-foyers » professionnels de la « deuxième vague » soient complètement dilués dans la masse puisque la quasi-totalité des cas des derniers mois provient des contacts des contaminés et non des dépistages d’anticipation en entreprise (à moins que l’on retrouve de nouveau les capacités de faire les deux).
Par une évolution de plus en plus plate de sa structure, le graphique de droite de la Figure 12 montre que la part de chaque Région dans le total des contaminations s’est stabilisée depuis fin novembre 2020.
Si la concentration géographique des contaminés pose des problèmes d’hospitalisation, elle se prête mieux à l’isolation des zones contaminées et le Maroc avait atteint 1’121 foyers le 16/097 alors que, mi-mai 2020, le chef du gouvernement n’en annonçait que 467 lors de séance commune des deux Chambres du Parlement. Nous allons voir que la célébration de l’Aïd El Adha a contribué à « déconcentrer » la contamination.
La célébration de l’Aïd El Adha a dispersé la contamination et en a accéléré le rythme
Le graphique de droite de la Figure 12 montre que depuis début mai, ce sont toujours les mêmes cinq Régions qui concentrent plus de trois-quarts des cas positifs : Casablanca-Settat, Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, Fès-Meknès, Marrakech-Safi et Rabat-Salé-Kénitra. Mais il est utile de voir comment cette concentration avait baissé après l’Aïd El Adha.
Dans la Figure 13, la courbe en cercles rouge se référant à l’échelle de droite montre bien comment le nombre de cas hebdomadaires s’est multiplié par 20 en 3 mois et que son décollage coïncide avec :
- Une baisse de la part des contaminations (en diamants bleus se rapportant à l’échelle de gauche) dans les cinq Régions les plus contaminées (Casablanca-Settat, Marrakech-Safi, Fès- Meknes, Rabat-Salé-Kénitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceïma) qui révèle la diffusion à l’extérieur de celles-ci puisque de nombreuses Régions « tranquilles » se sont « réveillées » après l’Aïd El Adha. Malgré la transhumance pour vacances annuelles de juillet, les cas se sont concentrés dans ces 5 Régions jusqu’à 95% atteints juste avant Aïd El Adha. Depuis lors, la concentration a baissé jusqu’à mi-septembre, à cause de la contamination des 7 autres Régions. Depuis mi-septembre, l’effet de l’Aïd El Adha s’est s’estompé laissant des traces irréversibles puisque la concentration n’est plus durablement remontée à depuis.
- Une hausse de la part (en triangles bleus se rapportant à l’échelle de gauche) des contaminations en dehors des 8 Provinces qui avaient été classées en zone rouge le 26 juillet 2020[xvii], quelques jours avant l’Aïd El Adha. Malgré la transhumance pour vacances annuelles de juillet, la part des contaminations hors de ces 8 Provinces est descendue légèrement en dessous de 20% jusqu’à Aïd El Adha avant de dépasser durablement la moitié des contaminations hebdomadaires (pour 72% de la population). Ainsi, en plus des dégâts collatéraux causés par la précipitation au classement en zone rouge à la veille de l’Aïd El Adha des 8 Provinces les plus contaminées, celui-ci n’aura même pas suffi à protéger les Provinces majoritairement rurales comme nous le verrons ci-dessous.
- Une hausse de la part des cas (en carrés bleus se rapportant à l’échelle de gauche) dans les 34 Provinces majoritairement rurales[xviii]. Ici non plus, la transhumance pour vacances annuelles de juillet n’avait pas augmenté la part d’infection dans les 34 Provinces à majorité rurale. A l’inverse, la part des contaminations dans celles-ci était même en train de descendre jusqu’autour de 7.5% à la veille de l’Aïd El Adha. Puis, la part de la contamination dans ces 34 Provinces rurales (représentant 29.3% de la population) est montée durant les semaines qui suivirent pour atteindre 25% début septembre après quoi, elle a commencé à décroître lentement dès que l’effet des contacts commerciaux et familiaux de l’Aïd El Adha a commencé à s’estomper. Mais l’Aïd El Adha semble avoir laissé des traces irréversibles puisque la part des cas oscille entre 13 et 18% sans vouloir retourner vers ce qu’elle était en Juillet.
Figure 13 Effet de Aïd El Adha sur les parts de contaminations dans divers groupes de Régions et Provinces
Il s’avère donc que non seulement on aurait dû faire les choses autrement (précipitation) mais, surtout, qu’on aurait dû interdire la célébration de Aïd El Adha 1441, comme on avait déjà interdit la prière collective du vendredi depuis mars. Certes, l’indiscipline marocaine a un fort impact sur l’évolution de la situation autour de l’Aïd El Adha mais le gouvernement a semble-t-il complètement perdu le sens des priorités en sous-estimant le prix que paierait le pays en cédant au lobby des grands éleveurs d’ovins. Il y a sans doute quelques mauvais conseillers ou décideurs qui devraient être écartés et rendre des comptes. Il semble que les Autorités Sanitaires en aient tiré quelque leçon puisque l’on a pris des mesures pour éviter des célébrations de la fin de l’année 2020 avec trop de contacts sociaux. Le problème étant que quelques unes de ces mesures perdurent à aujourd’hui.
SIMULATIONS ET PREVISIONS A COURT TERME
Synthèse des hypothèses des conditions de simulation
Jugeant déraisonnable de simuler directement le nombre de cas positifs dès lors que la cadence des tests avait augmenté trop vite, nous avons modifié graduellement la méthode de prévision. Nous avons d’abord remplacé les « fonctions de Gauss » initialement utilisées par des « fonctions Gamma » qui permettent de mieux traiter des cinétiques différentes en montée et en descente de l’infection. Ensuite, nous les avons appliquées au taux de positivité quotidien (pourcentage des tests positifs) et non plus directement au nombre de cas positifs.
Puis nous les avons progressivement appliquées à chacune des « trois vagues » subies par le Maroc. En effet, à peine étions-nous heureux de la stabilisation de la « première vague » durant la première semaine de juin, que nous avons vu arriver la « deuxième vague » due aux divers foyers professionnels découverts à Lalla Maymouna, Tanger, Casablanca, Safi et ailleurs. Celle-ci ne s’était même pas encore calmée que nous avons vu arriver la « troisième vague » dans l’énorme réservoir des contacts de contaminés qui s’était alors trouvé gonflé au maximum par la période d’achat et de retrouvailles de Aïd Al Adha.
Puis, depuis la fin de la première semaine de septembre, la capacité de tests étant insuffisante, on a cessé les dépistages en milieu professionnel pour ne plus tester, comme au début de la crise, que les cas « fortement suspects » et leurs contacts ce qui a eu pour effet d’augmenter le taux de positivité. Chacune de ces « trois vagues » a été décrite par une fonction « fonction Gamma » séparée puis une quatrième et une cinquième ont été ajoutées pour bien décrire la dernière phase. Ayant adopté 5 « fonctions Gamma » pour les taux de positivité, il a aussi fallu considérer 5 « fonctions Gamma » pour ajuster les décès et de même pour les guérisons. Le nombre de cas actifs est calculé en ôtant le total des décès et des rétablis du total des cas positifs.
Tout impact de la vaccination sur la propagation de la maladie est pour l’instant complètement négligé.
Synthèse graphique des simulations du taux de positivité
Toutes les projections ci-dessous risquent d’être complètement obsolètes si le taux de positivité continue à croître !
La simulation du taux de positivité journalier par les cinq « fonctions Gamma » successives (courbe rouge) est confrontée aux valeurs réelles (diamants rouges) dans la Figure 14 qui révèle l’aspect journalier (graphique de gauche) et l’aspect hebdomadaire (graphique de droite) de cette confrontation. Les courbes continues montrent les simulations.
Figure 14 Taux de positivité : Quotidien à gauche – Hebdomadaire à droite
La méthode de simulation adoptée est aussi satisfaisante aux grandes valeurs (entre 20 et 30%), qui prévalaient au début de l’épidémie, qu’aux très faibles valeurs de taux de positivité (inférieures à 1%), qui ont été relevées entre mai et juin 2020. Dans le graphique de droite, le lissage des oscillations journalières par le traitement hebdomadaire permet de mieux apprécier la qualité de la méthode de simulation.
Ceci étant dit, depuis 4 à 6 semaines, notre modèle (courbe en bleu sur le graphique de gauche de la Figure 14) descend plus vite que le taux de positivité hebdomadaire réel. Démarrage d’une nouvelle vague ou simple artefact ? – Peut-être que les données de la semaine prochaine (notamment celle du taux de reproduction) permettront de savoir s’il faut retoucher le modèle ou y ajouter carrément une nouvelle « fonction Gamma » pour considérer une nouvelle vague.
Synthèse graphique des simulations des positifs, actifs, guéris et décédés
Dans la Figure 15, on peut voir :
- les valeurs réelles du nombre total de contaminés (diamants bleus) déduits du taux de positivité de la Figure 14 et du nombre de tests de la Figure 3 ainsi que leurs simulations et prévisions extrapolées (trait continu bleu),
- les valeurs réelles du nombre total de guéris (triangles bleus) ainsi que leurs simulations et prévisions extrapolées (trait continu bleu),
- les valeurs réelles du nombre total de décédés (carrés rouges) ainsi que leurs simulations et prévisions extrapolées (trait continu rouge),
- les valeurs réelles (multipliées par 10 sur le graphique) du nombre de cas actifs (cercles rouges) ainsi que le calcul déduit des simulations et prévisions extrapolées précédentes (trait continu rouge), et, pour l’instant, les simulations indiquent qu’il devrait se situer autour de 1’397 cas actifs à la fin de mars 2020.
Figure 15 Total des positifs, guéris, actifs et décédés ainsi que leurs simulations extrapolées (échelle logarithmique à droite)
Avant la « deuxième vague », nos espérions encore ne pas dépasser 8’964 cas de contamination (7’831 selon un rapport du HCP[xix]) alors que nous en sommes déjà à 488’937 et nous serions sans doute à même de dépasser ce chiffre à terme, après avoir ajouté des centaines de milliers de cas additionnels générés par des foyers qui auraient peut-être pu être circonscrits plus tôt si on avait avancé l’accélération des cadences des tests et, surtout, si l’on avait interdit la célébration de Aïd El Adha.
Déduite des variations de la Figure 15, la Figure 16 montre les nouvelles simulations extrapolées avec maintien des conditions de propagation des dernières semaines :
- du nombre de cas positifs quotidiens (à gauche et en trait continu bleu fluctuant comme le nombre de tests) dont la moyenne descendrait autour de 72 contaminations quotidiennes fin mars,
- du nombre de cas décédés quotidiens (à gauche et en trait continu rouge) dont la moyenne descendrait autour de 3 à 4 décès quotidiens vers mi-mars,
- du nombre de cas guéris quotidiens (à gauche et en trait continu bleu) dont la moyenne descendrait autour de 100 guérisons quotidiennes vers fin mars laissant encore 1’304 cas actifs dont le nombre a déjà subi ses baisses quotidiennes les plus rapides à la mi-décembre 2020.
Figure 16 Simulations et prévision des positifs, guéris et décédés quotidiens (échelle logarithmique à droite)
Synthèse numérique des simulations et leurs extrapolations
Comme montré dans le tableau de la Figure 17, les prévisions basées sur les simulations établies dans les conditions actuelles d’évolution de l’épidémie au Maroc.
Figure 17 Tableau récapitulatif des résultats de simulation
Ces projections sont très peu différentes de celles des dernières semaines.
Il est bien entendu qu’elles seront révisées la semaine prochaine au vu des nouveaux chiffres car, à l’instar de l’anthropologue qui donne la taille d’un individu sur la base de fragments de son squelette, les extrapolations de fonctions mathématiques dont on ne connaît que des fragments sont d’autant plus précises que les fragments d’histoire connus sont grands, le tout étant d’attendre suffisamment pour qu’elles ne soient plus farfelues mais pas trop sinon les prévisions deviennent de l’histoire !
ET POUR TERMINER…
Les deux médecins cités plus haut se sont joints au Président de la Société Marocaine de Médecine d’Urgence, le Pr. Lahcen Belyamani, pour publier un document3 insistant sur la nécessité du recadrage de la communication pendant cette crise sanitaire.
En plus des autres références déjà citées, nous ne saurions trop recommander la lecture du « Bilan des efforts actuels pour lutter contre la COVID-19 au Maroc« [xx] rédigé par le Dr. Hafid Soualhine et le Dr. Hassan Badrane pour la « Biomatec’s COVID-19 Monitoring Task Force ».
L’aplatissement de la courbe de contamination ressemble de plus en plus à un rêve devenu impossible à atteindre après Aïd El Adha puisque le nombre de foyers de contamination est désormais devenu trop diffus et trop épars pour être à la portée d’une approche sécuritaire dans un pays où l’incivisme est la règle.
Ceci étant dit, depuis notre premier rapport hebdomadaire de début avril, nous rappelons qu’« une hirondelle ne fait pas le printemps » et même les évolutions des autres pays nous enseignent que l’on peut même avoir un taux de reproduction en-dessous de l’unité tout en ayant encore des centaines ou même des milliers de nouveaux cas par jour qui pourraient faire repartir l’épidémie en cas de relâchement. Même si les taux de positivité sont sans doute suffisamment bas pour, à mon humble avis, reprendre sérieusement l’activité économique et laisser les gens retourner gagner leur vie le plus normalement possible, il est nécessaire de faire ce qu’il faut pour « vivre avec ce virus ». Il faut aussi montrer un minimum de visibilité aux entrepreneurs pour permettre aux gens de gagner leur vie ! La vie humaine n’a certes pas de prix, mais elle a un coût dont les composantes humaines deviennent de moins en moins supportables ! Espérons aussi que toute la lumière sera faite sur les affaires de « méga-clusters » du Gharb et de Safi et que tous les responsables seront jugés et sévèrement punis au moins pour mise en danger volontaire de la vie d’autrui. L’enquête qui été confiée à la Direction Centrale de la Gendarmerie Royale a déjà abouti à des mises en examen et il faudrait mettre les mis en cause en détention préventive ou au moins faire une saisie conservatoire de leur biens pour les empêcher de les « liquider » pour se mettre préventivement en situation d’insolvabilité. Il faut aussi que les victimes et leurs familles se portent partie civiles afin d’être indemnisées au détriment des responsables.
Doit-on rappeler qu’à l’instar de beaucoup d’autres pays, le Maroc n’a aucune connaissance du nombre réel de personnes infectées à cause des porteurs asymptomatiques du COVID-19 (sans aucun symptôme) qui peuvent le transmettre à toutes les personnes approchées sans précautions ?
Il faut rappeler que les chiffres d’avant août 2020 n’étaient bons que parce le confinement avait fortement ralenti la transmission du virus et, qu’à l’inverse, le relâchement de l’Aïd El Kebir les a fait exploser.
Nous sommes loin d’être à l’abri compte tenu de la durée d’incubation du virus et de la difficulté à identifier les personnes qui auraient été infectées par les contaminés récents. Identifier et tester les contacts de quelques dizaines de contaminés par jour est une chose alors que le faire pour des milliers nécessite des ressources décuplées et il n’est pas évident que nous les ayons. Les chercheurs nous répètent que la peau de ce virus est faite d’une huile qui est diluée par les savons, qu’il se transmet à la bouche, au nez et aux yeux par la salive ou les postillons qui, sans projection (toux), se projettent à moins d’un mètre tout en sachant qu’il ne dure pas plus de quelques heures sur une surface inerte. En comprenant bien ceci, on saura ce qu’il reste à faire si l’on veut éviter de s’exposer et surtout exposer les autres au risque de contamination. Maintenant, « sortir du hammam (des restrictions) n’est pas aussi simple que d’y rentrer » dit le dicton marocain et on cherche encore un moyen de nous en sortir puisque le proverbe ne dit pas que c’est impossible ! Ceci dit, des questions restent en suspens :
- Pourquoi n’a-t-on pas accéléré les tests quelques semaines plus tôt au début de l’épidémie ?
- Pourquoi la cadence de tests a-t-elle baissé entre mi-novembre et fin décembre ?
- Pourquoi a-t-on, fin juillet, exigé l’exécution immédiate de restrictions qui a précipité une partie de la population vers un risque accru d’accident sur des routes surchargées ?
- Pourquoi, après avoir interdit la prière collective du vendredi, n’a-t-on pas interdit la célébration de l’Aïd El Adha qui comportait un double risque de création de foyers d’infection (contacts incontrôlables dans les marchés aux bestiaux suivis des regroupements familiaux élargis) ?
- Aurait-on si bien retenu la leçon qu’on a appliqué des restrictions pour nous protéger contre les risques d’une célébration du nouvel an… jusqu’à février ? « Point n’en faut, trop n’en faut« , dit le proverbe.
Enfin, peut-on encore se gargariser de « l’exemplarité du Maroc« , malgré les décisions maladroites du gouvernement et l’indiscipline de la populat
Par Amin BENNOUNA, sindibad@uca.ac.ma
[i] Ministère de la Santé, Portail Officiel du Coronavirus au Maroc, Bulletins COVID quotidiens http://www.covidmaroc.ma/Pages/AccueilAR.aspx, Conférences de Presse Quotidiennes, https://web.facebook.com/ministere.sante.ma/videos/589852328286641 et Rapport quotidiens depuis l'arrêt de celles-ci http://www.covidmaroc.ma/Pages/LESINFOAR.aspx [iv] Dr. Kohen Jamal Eddine, Dr. Belyamani Lahcen, Dr. Ahmed Rhassane El Adib, "Crises sanitaires et stratégies de communication", Site web de la Société Marocaine d'Anesthésie, d'Analgésie et de Réanimation (SMAAR), Septembre 2020, https://www.smar.ma/uploads/documents/CriseSanitaireStrateegiesdeCommunication.pdf [v] Euronews, 23 Juin 2020, "L'immunité aux coronavirus humains pourrait ne durer que six mois selon une nouvelle étude", https://fr.euronews.com/2020/05/27/l-immunite-aux-coronavirus-humains-pourrait-ne-durer-que-six-mois-selon-une-nouvelle-etude [vii] Dr. Jimmy Mohamed, “Covid-19 : que sait-on des cas de réinfection par le virus ?”, Europe 1, 09 janvier 2021, https://www.europe1.fr/sante/covid-19-que-sait-on-des-cas-de-reinfection-par-le-virus-4017347 [viii] Wikipédia, “Définition de l’immunité grégaire”, https://fr.wikipedia.org/wiki/Immunit%C3%A9_gr%C3%A9gaire [ix] Institut Pasteur, "Qu’est-ce que l’immunité collective ?", 15 Avril 2020, https://www.pasteur.fr/fr/espace-presse/documents-presse/qu-est-ce-que-immunite-collective [x] Dr. Michel Nahon, Campus numérique de Médecine d'urgence en langue française, Site de Urgences-Online, https://urgences-serveur.fr/covid-19-mise-au-point-quotidienne.html [xi] Marc Gozlan "SARS-CoV-2 : que sait-on de la dynamique de la charge virale, des durées d’excrétion et de contagiosité du virus ?", Le Monde, 27 Novembre 2020, https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2020/11/27/sars-cov-2-que-sait-on-de-la-dynamique-de-la-charge-virale-des-durees-dexcretion-et-de-contagiosite-du-virus/, citant une article publié dans "The Lancet Microbe" le 19 novembre 2020 (https://doi.org/10.1016/ S2666-5247(20)30172-5), [xv] Dr. Ahmed Rhassane El Adib, Blog Personnel, le 3 septembre 2020, https://web.facebook.com/177204763007491/posts/692697864791509/?sfnsn=mo&extid=28N6eOW9kz7b7eTC&_rdc=1&_rdr [xvi] Wikipédia, "Pandémie de Covid-19 par pays et territoire", https://fr.wikipedia.org/wiki/Pand%C3%A9mie_de_Covid-19_par_pays_et_territoire [xvii] Il s'agit des 8 Provinces : Casablanca, Fès, Marrakech, Meknes, Rabat, Tanger et Tetouan [xviii] Il s'agit des 34 Provinces dont le taux d'urbanisation est inférieur à 50%. Par ordre de ruralité décroissante il s'agit de : Fahs-Anjra, Aousserd, Chefchaouen, Taounate, Tahannaout, Zagora, Chichaoua, Azilal, Moulay Yacoub, Sidi Bennour, Tinghir, Ouezzane, Essaouira, Sidi Ifni, Kelaat Sraghna, Driouch, Taroudant, Sidi Kacem, Boulemane, Al Hoceima, Benguerir, Chtouka-Aït Baha, Tata, Settat, Youssoufia, Ouarzazate, Taza, Fquih Ben Salah, Sidi Slimane, El Jadida, Midelt, Tiznit, Errachidia, Guercif [xix] Haut Commissariat au Plan, "Pandémie COVID19 dans le contexte national", 9 Mai 2020, https://www.hcp.ma/Pandemie-COVID-19-dans-le-contexte-national-Situation-et-scenarios_a2504.html [xx] Dr. Hafid Soualhine, Dr. Hassan Badrane, "Bilan des efforts actuels pour lutter contre la COVID-19 au Maroc", BIOMATEC (Association de Biologistes Marocains), https://web.facebook.com/groups/521316971887826/ roups/521316971887826/