Ecrit par S. Es-Siari |
L’Administration devrait être le catalyseur de changement, elle est le bras droit de l’Etat. Ce dernier peut mener toutes les réformes qu’il souhaite mais sans une administration efficace, les réformes sont vouées à l’échec.
C’est hier le 3 juin 2021 qu’ont démarré les travaux sous format hybride du symposium international : un demi-siècle de reformes : quels effets sur la gouvernance des organisations de l’Etat ? organisé conjointement par Policy Center for the New South (PCNS) et le groupe ISCAE.
Le symposium intervient à un moment opportun marqué par les prémices de la fin de la pandémie et surtout par la publication du rapport sur le nouveau modèle de développement (NMD).
Ce symposium s’étalant sur une journée et demi a pour objet de stimuler le débat entre chercheurs, experts, praticiens et consultants des affaires publiques.
Dans son mot d’ouverture, Tarik El Malki Président de l’Édition 2020 du Symposium et de l’ADIMAP, Directeur de l’ISCAE-Rabat a tenu à rappeler que le nouveau modèle de développement a donné naissance au Pacte national visant à responsabiliser les différentes parties prenantes à travers une charte qui garantit un certain nombre de droits mais impose par ailleurs des obligations. Ce pacte est de nature à raffermir la confiance entre la société et les institutions politiques. Une confiance qui, faut-il reconnaître, a tendance à s’effriter au fil des années.
Justement parmi les leviers devant accompagner la mise en œuvre de ce NMD figure la réforme de l’administration publique et de l’Etat en général.
Après avoir rappelé le rôle joué par l’Administration dans le développement socioéconomique du pays, Tarik El Malki rappelle que plusieurs réformes ont été adoptées au cours des 20 dernières années sous l’égide du nouveau concept d’autorité pour rendre opérationnel le cadre constitutionnel de 2011 qui impulse un nouveau rapport entre l’Administration et le citoyen. Ajoutons à cela le lancement de la charte des services publics adoptée en 2019 qui définit les règles de bonne gouvernance.
Ceci étant et c’est là où le bât blesse, notre administration continue de souffrir de plusieurs maux. Ceux qui reviennent en boucle le plus souvent aussi bien chez les opérateurs que chez les citoyens sont :
Les capacités limitées du secteur public en matière de conception et de mise en œuvre des services publics accessibles et de qualité ;
La persistance dans l’administration d’une culture de la conformité plutôt qu’une culture de performance et de leadership ;
Le manque flagrant de coordination entre les politiques publiques ;
L’absence de réédition des comptes dans la fonction publique ;
L’insuffisance du suivi des résultats due à un faible contrôle a posteriori…
Et la liste est loin d’être exhaustive.
« La crise sanitaire a montré, malgré un engagement exemplaire de l’Etat afin de limiter l’impact négatif de cette crise sur le plan sanitaire et socio-économique, les limites et les insuffisances de ce dernier notamment sur le plan social », rappelle T. El Malki. Et d’ajouter : « C’est dans ce contexte qu’a démarré le chantier de la généralisation de la couverture sociale à l’ensemble de la population sous l’initiative de SM le Roi ».
Partant de là, l’Etat doit se réformer en profondeur et se baser sur trois fonctions essentielles :
Un Etat visionnaire et stratège tout d’abord, un Etat protecteur et régulateur ensuite et enfin un Etat efficace à même de faire appliquer les politiques publiques et délivrer les résultats pour les citoyens.
Aussi et dans le but d’accompagner le NMD, l’Administration publique est confrontée à un certain nombre de dilemmes. Assurer l’efficience et l’efficacité des services publics dans un pays où les besoins sociaux ne cessent d’augmenter et veiller à la rationalisation des dépenses publiques dans un contexte de crise économique sévère. Un contexte où les marges de manœuvre sont faibles du fait de la conjoncture économique internationale.
Mohammed Amine Benabdallah, Professeur de droit public à l’Université Mohammed VI Polytechnique a rappelé à son tour que la commission chargée du NMD a mis en exergue les paradoxes de l’administration marocaine notamment dans son volet de rapport avec les citoyens. Or, l’Administration devrait être le catalyseur de changement, elle est le bras droit de l’Etat. Ce dernier peut mener toutes les réformes qu’il souhaite mais sans une administration efficace, les réformes seront vouées à l’échec. Le pays a donc besoin d’une Administration dynamique et moderne à même de jouer le rôle de locomotive.
Ahmed Laamoumri secrétaire général au département de la réforme de l’Administration publique au MEFRA est de l’avis que l’organisation et le rôle de l’administration doivent être repensés, réinventés et adaptés à un contexte en pleine mutation. Aujourd’hui, l’Administration offre ses services à une population de plus en plus exigeante. Les orientations économiques qui s’inscrivent dans le cadre de l’ouverture économique à l’international exigent de nouveaux modes des interventions de l’Etat dans la vie économique et une approche plus dynamique en termes de soutien aux entreprises. L’un des points les plus critiques des administrations aujourd’hui est leur taille, leur poids et leur foisonnement. Le chevauchement des missions régaliennes qui in fine biaise l’objectif escompté ne serait-ce que la bonne gouvernance.
Dans l’optique de développer davantage de synergies, d’économies d’échelle et de cohérence dans l’action publique, un vaste chantier de redéfinition substantielle du secteur public a été lancé pour traiter les dysfonctionnements structurels des EEP. Ce projet de réformes instaure l’obligation d’évaluation de la pertinence du maintien des EEP existants à travers l’appréciation de leur mission.
Une chose est sûre : le Maroc entame un grand virage et a besoin de toutes ses facultés pour le réussir. On ne cessera jamais de le dire et de le répéter : sans une administration forte et transparente, les ambitions de l’Etat, actuellement du NMD ne seront que des vœux pieux.