Le confinement a eu de lourdes conséquences sur l’affichage urbain, en proie à plusieurs dysfonctionnements. Mais la crise persiste menaçant plus de 10.000 emplois selon l’Association Marocaine des sociétés d’Affichage Publicitaire (AMAP).
Parmi les secteurs lourdement impactés par le confinement strict observé au Maroc depuis la troisième semaine de mars à la première semaine de juin figure l’affichage urbain.
Un secteur qui passerait presque inaperçu si ce n’est l’Association Marocaine des sociétés d’Affichage Publicitaire (AMAP) qui décrit une situation intenable des sociétés du secteur sous le poids de « lourdes redevances que leur réclament les collectivités locales. Le secteur est lui aussi au bord de la faillite ».
Et ce sont plus de 10.000 emplois directs et indirects qui se retrouvent sur la corde raide.
Des sociétés qui n’ont puisé dans leur trésorerie pour maintenir tous les emplois et régler toutes les factures fournisseurs.
« Le problème se posera dans quelques mois, lorsque il n’y aura rien à recouvrer puisque nous n’avons rien facturé pendant la période de confinement. Et c’est justement pour ça que nous sollicitons une exonération des redevances d’occupation du domaine public. On tire la sonnette d’alarme », alerte M’hammed Fahmi, vice-président de l’AMAP.
A l’heure où les sociétés constatent que de nombreux clients ont suspendu les contrats et les paiements à cause de la crise, elles doivent verser les redevances aux collectivités locales.
Tous les professionnels concernés s’accordent à affirmer que pour sauver l’activité, cette seule solution, pratique, s’impose : «il faut agir sur les redevances, aussi bien celles collectées par les collectivités locales que celles payées aux régies d’électricité, pour éviter une vague de licenciements et de fermetures qui touchera même les plus grandes sociétés», apprend-on.
L’AMAP souligne aussi que malgré le déconfinement, et ce semblant de reprise, l’activité n’a pas réellement repris et les différentes restrictions imposées ici et là dans plusieurs villes du pays continuent d’handicaper le secteur. « Face à cette situation alarmante, les collectivités locales, notamment à Casablanca, ne daignent même pas répondre aux sollicitations des acteurs pour trouver une solution qui satisfasse les deux parties », s’indigne l’Association.
Saisie à deux reprises par écrit, la Mairie de Casablanca n’a, à ce jour, donné aucune réponse à ces appels à discuter, souligne-t-on. Et ça ne date pas d’aujourd’hui puisque depuis plus d’une année, l’AMAP a attiré l’attention du Conseil de la Ville sur un certain nombre de problématiques qui plombent le secteur.
Les problèmes sont antérieurs à la crise
L’AMAP en expose quelques une notamment, « la déconnexion incompréhensible et le déphasage glaçant des redevances versées à la ville par rapport au chiffre d’affaires réalisé par le secteur. Des redevances d’exploitation du domaine public qui ont augmenté de … 500 à 600%, passant de 12.000 à 60.000 – 100.000 dirhams par an et par panneau sur les 10 dernières années ; alors même que le prix moyen de vente d’une face de panneau est passé, durant la même période, de 15.000 dirhams à 4.000 dirhams par mois » ajoute Adil Lahlou, président de l’association.
Avec une moyenne très optimiste de 6 mois de vente d’affichage publicitaire par an, le secteur a du mal à couvrir les redevances avec les revenus générés, déplorent les opérateurs.
Par ailleurs, la redevance pour certains panneaux appelés « unipôles » est fixée entre 100.000 et 200.000 dirhams selon le zoning. Or, les professionnels expliquent que seule la face dans le sens de la circulation est vendue. « L’autre face, appelée face B, est souvent bradée et même accordée en gratuité. Elle ne génère quasiment pas de revenu pour l’opérateur. Les communes doivent comprendre cette particularité dans notre métier. Finalement, nous nous acquittons d’une redevance par panneau pour deux faces, mais nous générons du chiffre d’affaires à partir d’une seule face », souligne Adil Lahlou.
Et lorsqu’il s’agit d’exploiter le domaine privé (les murs ou le toit d’un immeuble par exemple) c’est encore plus compliqué. « Là, en plus de payer un loyer au syndic de l’immeuble, les sociétés doivent s’acquitter de la redevance d’exploitation du domaine public, très élevée et disproportionnée ; une double-peine en quelque sorte, qui handicape le développement du métier et freine les investissements », précise le président de l’AMAP Lahlou.
Exonération immédiate des redevances pour sauver le secteur
La ville de Casablanca reçoit annuellement 300 MDH de redevances, soit 50% des revenus de l’affichage sur l’ensemble du pays. Dans le contexte de crise tel que décrit, les opérateurs réclament une exonération des redevances.
« Le secteur demande une exonération des redevances d’occupation du domaine public qui couvre la période allant du 1er avril au 31 décembre de l’année. Car, lissé sur l’année, le secteur a perdu 60% de ses revenus à cause de cette crise sanitaire. Une approche de solution ne peut pas être partielle, mais doit concerner la totalité des 9 mois restants de l’année à partir du 1er avril. Le secteur n’a aucune visibilité sur le reste de l’année et les conséquences de cette pandémie se feront ressentir sur plusieurs années encore », détaille M’hammed Fahmi.
L’AMAP évoque un courrier de la Direction Générale des Collectivités Locales adressé à toutes les communes a vaguement évoqué une exonération du 2e trimestre et d’une partie du 3ème trimestre. Or, il n’existe pas de prorata dans le paiement des redevances, et le courrier ne précise pas si les sociétés d’affichage sont concernées par une telle exonération, explique-t-on.
L’AMAP précise que plusieurs courriers envoyés à la DGCL sont restés sans réponse à ce jour. « Nous avons besoin d’être fixés pour prendre des décisions. On est dans l’urgence, plusieurs communes nous pressent de régler les redevances et nous ne savons pas comment réagir » précise Fahmi.