Ecrit par S. Es-Siari |
Depuis plusieurs décennies, le Maroc souffre d’un déficit commercial chronique. Les accords de libre-échange signés par le Maroc au fil de l’eau n’ont pas contribué à améliorer la situation. Bien au contraire, ils sont pratiquement tous déficitaires. Autrement dit, ils sont favorables aux pays partenaires. En 2021, les importations en provenance de la Turquie ont explosé.
En pleine crise sanitaire et face à la dégradation du déficit commercial conjugué à la montée en puissance de la notion de souveraineté chez les Etats, le Maroc est déterminé à se lancer dans le processus de substitution aux importations. Le leitmotiv est bien entendu de réduire sa dépendance outrancière vis-à-vis des autres pays, de réduire les importations de produits non nécessaires et par ricochet réduire son déficit commercial. D’après les récents des indicateurs, le déficit commercial du Maroc s’est établi à près de 116,8 Mds de DH à fin mai 2022, en hausse de 36,9% par rapport à la même période une année auparavant
Ainsi et dans le même sillage, il a été procédé sous la houlette de l’ex-ministre de l’industrie Moulay Hafid Elalamy de procéder à la révision de l’ALE avec la Turquie dans la mesure où il s’agit de l’accord le plus déficitaire.
A noter que la limitation des importations n’est pas fortuite. Une étude menée au préalable par l’Office des changes a permis de dresser la fiche des produits pouvant faire l’objet d’une compression. La présente fiche dresse, ainsi, une liste très large de produits importés pour mise à la consommation dont sont exclus principalement les intrants nécessaires aux secteurs exportateurs.
Les chiffres dévoilés par l’Office des changes dans son rapport annuel 2021 du commerce extérieur montre que les importations réalisées dans le cadre des Accords de libre-échange enregistrent une hausse de 22,3% en 2021, soit +31,4Mds DH.
Néanmoins, leur contribution dans les importations totales baisse légèrement : 32,6% en 2021 contre 33,2% en 2020 . Ces importations demeurent prédominées par les achats effectués dans le cadre de l’Accord avec l’Union Européenne avec une part de 69,9%, en perte de 2,2 points comparativement à l’année 2020. En termes de valeur, ils s’élèvent à 120,3Mds DH contre 101,3Mds DH.
Par pays signataires de l’accord, cette augmentation est relevée notamment au niveau des importations originaires de l’Espagne (+8,8Mds DH), du Portugal (+2,4Mds DH) suivi de l’Italie (2,1Mds DH) .
Par groupe de produits, cet accroissement est expliqué principalement par l’augmentation des importations de demi produits (+7,3Mds DH) et des achats des produits de consommation (+7,2Mds DH) .
Les importations dans le cadre de l’Accord avec les Etats-Unis augmentent de 6,5Mds DH sous l’effet conjoint de l’accroissement des importations des produits énergétiques (+5,4Mds DH) et de la hausse des importations des produits alimentaires (+2,1Mds DH) .
les importations réalisées dans le cadre de l’ALE avec la Turquie atteignent un niveau record de 22,5 Mds DH
De leur côté, les importations réalisées dans le cadre de l’Accord de libre-échange avec la Turquie atteignent un niveau record de 22,5 Mds DH, après la légère baisse enregistrée en 2020. La ventilation des importations fait ressortir que les importations de l’alimentation, boissons et tabacs ont progressé de 33% par rapport à 2020. Elles sont suivies de celles de l’énergie et des lubrifiants de 16%.
Dans une moindre mesure, cette dynamique concerne également les importations ayant bénéficié du régime préférentiel prévu par l’Accord d’Agadir, qui s’établissent à 7,2 Mds DH en 2021 contre 5,3 Mds DH un an auparavant. Par contre, les marchandises originaires de la zone de libre‐ échange établie avec les pays de l’AELE enregistrent en 2021 un recul de 4,1% ou -103 MDH et se chiffrent à 2,4 Mds DH.
Attention aux trous dans la raquette
Il faut dire que le Maroc est à tous ses débuts en matière de substitution aux importations pour réduire aussi bien sa dépendance que son déficit commercial qui pèse lourdement sur l’équilibre budgétaire allant même jusqu’à creuser son déficit jumeaux.
Pour ce faire, il est appelé à mener à bon escient son processus industriel qui se consolide d’année en année et surtout mettre en place un cadre fiscal incitatif pour attirer le secteur privé à se lancer dans le processus d’industrialisation et investir essentiellement dans les industries à forte valeur ajoutée.
L’enjeu est très important parce que lorsque nous parlons de préférence nationale ou de substitution à l’importation, cela veut dire que le Maroc est en mesure d’avoir une production en substitution. La première hypothèse qui sous-tend cette aspiration est d’avoir un tissu productif local à même de le faire .
Or, valeur aujourd’hui nous sommes dans une sorte de décalage temporel entre les deux phénomènes. Il est facile d’arrêter l’importation d’un produit donné mais on ne dispose pas de la production de substitution pour satisfaire la demande, il faut attendre encore et encore.
C’est là d’ailleurs le rôle du gouvernement qui doit agir dans le sens de la cohérence entre la substitution à l’importation et la robustesse du tissu économique national.
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