Processus normalisé depuis les années 90, la veille permet à l’entreprise de collecter des informations clés sur les différentes forces qui s’exercent sur son marché (concurrents, clients, nouveaux entrants, réglementation, fournisseurs), d’anticiper les événements pouvant bouleverser les actions de chacun d’eux (crise économique, enjeux écologiques, innovations technologiques…) et pouvant atteindre sa propre structure (réputation, investissements, réglementations).
L’ensemble des contraintes actuelles et la vitesse d’apparition de nouvelles contraintes ne laissent pas le choix quant à la nécessité de disposer d’un système de veille efficace, permettant de collecter, de traiter et d’analyser des informations sur son environnement tant concurrentiel que commercial ou encore réglementaire.
La réflexion quotidienne du PDG d’AXA « Qui va tuer mon entreprise ? » est un postulat de base intéressant à intégrer lorsque se pose la question du déploiement d’une veille.
Les noms des concurrents seront certainement l’une des réponses les plus naturelles. Suivre l’action de ces concurrents frontaux, directs s’imposent à minima pour ne pas perdre de distance en termes de services apportés, de qualité de services, d’offres commerciales. Mais suivre ces concurrents directs ne suffit pas toujours. Ainsi le secteur de l’assurance a été lui aussi perturbé par l’arrivée des nouvelles technologies. Avec la révolution numérique, des nouveaux entrants, souvent des start-ups, sont venus bouleverser le panorama de l’assurance traditionnelle en modifiant les modèles économiques (services assurantiels exclusivement numérique, micro-assurance, assurance à l’usage (km, journalier), assurance rechargeable), ou en prenant en charge des risques nouveaux (cyber-risques, handicap, précarité). Les assureurs traditionnels, qui avaient en grande majorité sous-estimé ce phénomène et l’impact qu’il allait avoir sur leurs activités, ont trouvé ensuite la parade d’acheter ces start-ups ou d’entrer au capital. Axa, CNP Assurance ont fait le choix, par exemple, d’investir de façon importante dans ces nouvelles entités.
La révolution numérique a un impact sur l’ensemble du modèle économique des assurances. Elle touche en premier lieu la relation client. Si certaines entreprises du secteur se sont constituées sur des modèles exclusivement digitaux, la place de la technologie dans les différents interactions clients (souscription, déclaration de sinistre, paiement des primes…) est devenue une réalité que nul ne peut ignorer. Et les évolutions technologiques autour des nouvelles formes de monétisation (bitcoin cryptomonnaie), des nouveaux usages de la téléphonie, engendreront certainement de nouvelles attentes de la part du consommateur et de nouvelles évolutions pour les prescripteurs de services.
Certaines assurances ont fait le choix de déployer de vraies démarches de benchmark afin d’importer des pratiques propres à certaines secteurs au sein du secteur assurantiel. La micro-assurance trouve ainsi son origine dans la microfinance. Déployée originellement pour les pays en voie de développement, elle trouve aujourd’hui ses applications face à la paupérisation de certaines classes sociales dans les pays en développement.
Le suivi des politiques publiques de certaines pays (nordique, germanique, nord-américain…) apportent aussi des retours d’expériences intéressants pour les entreprises françaises et marocaines, bien souvent présentes à l’international, sur les relations qu’elles peuvent entretenir avec les institutions nationales de protection sociale. La remise en cause de l’Etat providence dans de nombreux pays amènent des réflexions chez nous comme chez nos voisins qu’il est utile de suivre afin de réfléchir conjointement à des solutions adaptées, et de proposer individuellement des offres répondant aux attentes nouvelles de la société.
L’activité juridique et réglementaire est également une donnée pouvant impacter fortement les entreprises. Les nouvelles législations nationales (Loi Hamon, Loi Chatel, Loi Sapin, …) ainsi qu’au niveau international, notamment au Maroc (RGPD, Solvabilité II…) peuvent peser sur les obligations des assurances en termes de capitalisation, de protection des données, et de services aux consommateurs, qui ont des incidences sur les modèles économiques actuelles et ouvrent parfois des « brèches » à l’arrivée de nouveaux concurrents.
Le développement de nouvelles technologies (cloud computing, intelligence artificielle…), de nouvelles formes de travail (télétravail, auto-entrepreneur…) sont autant d’impacts possibles sur les assureurs qui peuvent y voir autant de menaces (augmentation des indemnisations, changement des régimes de couvertures actuelles…) que d’opportunités (digitalisation de la distribution, meilleure analyse des risques et des coûts grâce au big data par exemple).
Se passer d’une structure de veille adaptée semblerait être un risque très important, alors même que le risque est l’un des pires ennemis de l’assureur !
Par Christelle Urvoy, Consultante en Veille Stratégique et Intelligence économique, Dirigeante du Cabinet Advicie à Paris et Rabii Benadada Cadre supérieur, Chargé de la Veille dans une Institution financière publique Marocaine.
1 comment
Propos fort juste sur le risque pris par l’absence de veille. A plusieurs niveaux, avec un facteur multiplicateur entre eux.
► Le risque de ne pas évoluer avec son environnement comme il est précisé dans l’article
► Le risque de se dé-synchroniser de son audience, ses prospects et ses clients. Danger !
► Le risque d’entrer en dépendance d’autres acteurs qui auront su pré-voir ces évolutions
Ces risques se matérialisent au mieux par une érosion du CAff, et au pire (même si cela peut être salutaire….mais brutal) par une remise en cause du modèle économique. J’insisterais en sus sur un risque qui me semble encore plus grand.
Celui de priver l’organisation d’un « mindset » dont tout business development a besoin aujourd’hui. Cela peut faire échouer un projet, puis un autre, ou déséquilibrer tout un portefeuille. Cela pousse à la démotivation des équipes qui donnent toute leur énergie pour des projets qui mettent souvent trop longtemps…à échouer.
La posture de Veille Stratégique dont il est question ici a quelque chose à voir avec l’agilité sans aucun doute.
► On a le droit ne pas trouver une information. Pas celui de ne pas se questionner avec honnêteté – consistance
► Remettre en cause ses schémas de pensée est un devoir. Plus motivant que rester figer sur ses vieilles lunes
► La Veille porte de multiples voies d’apprentissage sur le métier, les tendances, les comportements. S’étonner
La Veille est indispensable. Je pense qu’il est important d’identifier les Talents dans l’entreprise qui peuvent y contribuer. Et quand vous savez qu’il est avant tout question de curiosité, flexibilité, pensée visuelle, association d’idées, communication, vous en avez forcément autour de vous. Pas toujours ceux auxquels vous pensez en premier lieu. Ensuite vous parlerez outils, plateforme, big data bien plus sereinement.