La Direction générale des impôts a demandé aux comptables compétents de suspendre la notification des ATD. Au-delà des raisons qui ont poussé l’administration à surseoir au recouvrement forcé, la DGI peut-elle décider à la place du législateur ? Réponse de Khalid Cherkaoui Semmouni expert en finances publiques.
Depuis quelques jours, la Direction générale des impôts a publié une circulaire selon laquelle elle décide de suspendre provisoirement le recouvrement forcé de l’impôt par voie d’Avis tiers détenteur (ATD) et ce jusqu’à nouvel ordre. Cette suspension rappelle celle réclamée par l’ex-Chef de gouvernement Abdelillah Benkirane et dont il avait fait le grand étalage des dernières Assises nationales de la fiscalité tenues au mois d’avril 2013.
Dans la circulaire publiée le 11 mars, il ressort que le but escompté de cette suspension est de repenser l’action de recouvrement par voie d’avis à tiers détenteurs, à la lumière de l’évolution des opérations initiées dans le cadre de cette procédure de recouvrement forcé.
Aussi, a-t-il été précisé dans la présente circulaire qu’une note sera établie pour définir le nouveau cadre d’opérationnalisation de ce mode de diligences.
Dans le cadre de cette circulaire, il est demandé aux comptables compétents de suspendre la notification des ATD. En principe les actes de recouvrement forcé sont exécutés par les agents de certification et d’exécution du Trésor spécialement commissionnés à cet effet. Ils exercent ces attributions pour le compte des comptables chargés de recouvrement et sous leur contrôle.
Après la publication de la circulaire par la DGI, la question qui se pose d’emblée : l’Administration fiscale dispose-t-elle de prérogatives réglementaires pour mettre en veilleuse une loi ? Ou plus précisément jouit-elle de la liberté de décider à la place du législateur ?
Interrogé sur la question, Khalid Cherkaoui Semmouni expert en finances publiques explique : « L’ Administration fiscale a la possibilité de suspendre l’ATD si elle constate que la procédure n’est pas bien respectée. Elle peut également suspendre le recouvrement forcé si cette procédure pourrait causer un impact social ou économique portant préjudice ».
« Toutefois, l’Administration ne peut pas annuler la procédure de recouvrement forcé au risque de contrecarrer la loi », ajoute notre source.
Interrogé sur l’existence dans la loi 15-95 formant code de recouvrement de créances publiques d’un article qui stipule la possibilité de suspension de l’ATD, notre source répond par la négative estimant que le recours à l’ATD est un choix discrétionnaire. Autrement dit, l’Administration est libre de porter une appréciation sur l’utilité et l’opportunité de recourir au recouvrement forcé. A ce titre, il est utile de rappeler qu’il existe d’autres types de recouvrement : l’hypothèque sur les titres fonciers, la saisie des biens, la vente après la saisie.
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En effet, après la suspension, l’administration peut décider de reprendre la procédure lorsqu’elle juge que le moment est propice et que toutes les conditions sont réunies.
Khalid Cherkaoui tient tout de même à préciser que le recouvrement forcé n’a lieu que lorsque l’Administration épuise le recours au recouvrement à l’amiable.
Même son de cloche chez Zaya Mimoun, Docteur en droit public qui considère que la suspension est légitime lorsque la procédure de recouvrement forcé n’est pas respectée comme il se doit. « Le plus souvent, ladite procédure est entachée d’erreurs. Pis encore, parfois c’est le système informatique qui génère des états de non-paiement ». D’où la nécessité de bien gérer la migration d’un système informatique vers un autre.
En guise de rappel, la loi 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques entrée en vigueur depuis les années 2000 s’inscrit dans le cadre de l’amélioration des recettes des organismes publics, du renforcement des garanties offertes au Trésor et la limitation de l’insolvabilité. Elle requiert la réunion d’un certain nombre de conditions légales.
Souvent, le dispositif de l’ATD reste le moyen le plus efficace et dissuasif pour marquer une certaine évolution en matière de recouvrement des créances surtout lorsque le redevable refuse de régulariser sa situation.