Ecrit par S. Es-Siari |
Les banques ont bien résisté dans ce contexte de crise comme en témoignent leurs résultats financiers. Néanmoins, force est de constater qu’une fois les béquilles pour venir en aide aux secteurs sinistrés ôtées, les crédits bancaires décélèrent. Les dépôts bancaires, quant à eux, affichent une bonne tenue. Paradoxe.
Le besoin de liquidité des banques s’est atténué en décembre à 64,8 milliards de dirhams en moyenne hebdomadaire, contre 71,5 milliards un mois auparavant, reflétant essentiellement la hausse des réserves de change.
Cette hausse s’explique notamment par la fermeture des frontières et la baisse de la pression sur les devises à cause de la limitation des voyages.
Selon les pronostics de BAM, le déficit de liquidité devrait s’alléger sous l’effet du renforcement des réserves de change pour se situer à 64,4 milliards de dirhams à fin 2021 avant de se creuser à 70 milliards à fin 2022 et à 83,6 milliards à fin 2023.
Le crédit bancaire peine à décoller
Autre indicateur important pour le secteur bancaire : le crédit, la raison même de sa création. Dans un contexte pareil, le crédit bancaire progresse timidement à cause d’un manque de visibilité aussi bien chez les opérateurs que chez les ménages comme le démontrent les enquêtes de ménages effectuées par le HCP.
Selon les dernières données publiées par BAM, l’encours du crédit bancaire s’est établi à 965,3 Mds de DH affichant une légère hausse de 0,8% par rapport à fin 2020. Cette hausse est tirée notamment par l’évolution des comptes débiteurs et crédits de trésorerie de 9,0%.
Elle demeure toutefois, selon CDG Capital, atténuée par la baisse des crédits à la promotion immobilière de 8,5%, en phase avec le ralentissement constaté dans le secteur, tel qu’illustré dans les mises en chantier et le recul des crédits à l’équipement de -0,4% à fin novembre.
Le faible décollage du crédit bancaire s’expliquerait d’une part par l’achèvement des programmes d’aide au financement mis en place dans le cadre de la réponse à la crise et d’autre part par le début d’augmentation des taux d’intérêt débiteurs pour les TPME et pour les particuliers à la différence des grandes entreprises qui bénéficieront d’une amélioration de leurs conditions de financement.
« Tenant compte des perspectives de l’activité économique et des anticipations du système bancaire, son encours ressortirait en hausse de 3,7% cette année, un rythme qui se consoliderait à 3,4% en 2022 avant de s’accélérer à 4,4% en 2023 « , annonçait Jouahri lors du dernier conseil de BAM tenu au mois de décembre.
Force est de reconnaître que l’atonie des crédits bancaires n’est pas propre au Maroc mais également à d’autres pays et ce pour différentes raisons liées aux caractéristiques intrinsèques du contexte.
Si la dynamique de crédit est faible au cours des dernières années c’est à cause de la faiblesse de la demande. Les entreprises petites ou grandes ne prennent pas de crédits à cause du manque de visibilité, des incertitudes fortes voire même de la pénurie des bons de commande.
L’atonie des crédits s’explique également par la situation oligopolistique, une des principales caractéristiques du paysage bancaire marocain. Ce marché imparfait est problématique étant donné qu’il génère des taux d’intérêt plus élevés et donc affecte la demande de crédits.
Notons que face à une évolution aussi modérée des crédits bancaires, le total des dépôts s’est amélioré de 3,6% à 1046,0 Mds de DH à fin novembre 2021 par rapport à fin 2020. Une croissance due principalement à l’évolution des dépôts à vue auprès des banques de 3,4% à 671,1 Mds de DH, et une évolution des dépôts en devises de 32,3% à 52,6 Mds de DH.
Cette augmentation de dépôts a concerné principalement le secteur public (hors administration centrale). Ce dernier a vu ses dépôts en devises passer de 1,86 Md de DH en décembre 2020 à 9,3 Mds de DH en novembre 2021, soit une hausse de plus que 400%, selon Bank-Al-Maghrib.
Créances en souffrance : la chape de plomb
Les banques souffrent drastiquement des créances en souffrance en progression continue. La crise sanitaire a provoqué une hausse fulgurante des créances en souffrance qui ont progressé de 5,7% à fin 2021 par rapport à fin 2020 à 84,8 Mds de DH. Et par conséquent, le taux d’impayé s’est dégradé de 0,4 pts à 8,8% à fin novembre 2021.
A noter que les créances en souffrance constituent une véritable chape de plomb aussi bien pour les institutions financières en tant qu’entités créancières que pour le secteur réel en tant qu’entité débitrice. La tendance à leur accumulation atteste, en effet, de la persistance des tensions financières au niveau des pans entiers du secteur productif réel.
Pour remédier un tant soit peu à la situation, le marché secondaire des créances verra le jour. Sur ce chantier, le Maroc travaille avec la SFI, filiale de la Banque Mondiale pour qu’il puisse être fonctionnel en 2022.