Dans un nouveau chapitre de son rapport sur la stabilité financière, le FMI rappelle que le volume de la dette souveraine intérieure détenue par les banques dans les pays émergents a bondi durant la pandémie de COVID-19 et représente en moyenne un cinquième environ des actifs du secteur bancaire, et 200 % des fonds propres réglementaires. Cette augmentation des avoirs a renforcé les liens d’interdépendance entre les banques et les États.
Dans un contexte de durcissement des conditions financières mondiales et d’intensification des tensions géopolitiques après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les pays émergents sont confrontés à des défis particuliers alors que depuis la pandémie, leurs perspectives de croissance se sont généralement davantage dégradées par rapport aux pays avancés, que leur espace budgétaire est plus limité et que les risques de refinancement se sont accrus.
La dette publique ayant atteint des niveaux historiquement élevés et les perspectives des crédits souverains se détériorant dans de nombreux pays émergents, un approfondissement des liens entre l’État et les banques pourrait mettre en péril la stabilité macrofinancière en cas de grave choc défavorable.
À partir d’un échantillon mondial de 54 pays émergents, le chapitre 2 du rapport du FMI sur la stabilité financière met en évidence, de façon empirique, trois grands canaux par lesquels les États et les banques peuvent exercer une influence mutuelle sur leur santé financière : l’exposition des banques à la dette souveraine par l’intermédiaire de la dette publique qu’elles détiennent (le « canal de l’exposition ») ; les garanties implicites et explicites des États aux banques (le « canal du filet de sécurité ») et les liens indirects entre les deux secteurs par l’intermédiaire de l’économie réelle (le « canal macroéconomique »).
En cas de choc défavorable sur un secteur, ces canaux tendent à interagir et à amplifier les vulnérabilités sectorielles, produisant une chaîne de réaction négative.
L’analyse de ce chapitre montre qu’une augmentation du risque souverain peut nuire au bilan des banques et à leur volonté d’accorder des prêts, en particulier dans les pays dont les systèmes bancaires sont moins bien capitalisés et qui ont davantage de vulnérabilités budgétaires.
Le sentiment d’une plus faible capacité à aider les banques après une crise de la dette souveraine peut saper la confiance des investisseurs et la performance des banques, et amener les banques qui s’appuient en temps normal sur des garanties explicites ou implicites plus importantes à prendre davantage de risques. Une crise de la dette souveraine peut également présenter des risques pour les entreprises non financières.
Le FMI démontre dans ce chapitre qu’un abaissement de la notation souveraine peut réduire l’ensemble des investissements des entreprises et leurs financements. Cet effet est particulièrement prononcé sur les entreprises soumises à la règle du plafond souverain, et risque de réduire la qualité du portefeuille de prêts des banques dans les pays où ces entreprises sont les plus nombreuses.
Les conclusions de ce chapitre permettent de penser que les décideurs des pays émergents doivent procéder à des arbitrages complexes pour atténuer l’impact d’un choc défavorable sur la dette souveraine. Les réactions des pouvoirs publics doivent varier en fonction des particularités de chaque pays.
Dans le cas des pays qui disposent d’une marge de manœuvre budgétaire limitée et dont les conditions d’emprunt sont strictes, il est impératif d’améliorer l’efficience et le ciblage des dépenses budgétaires pour favoriser la reprise et ancrer la politique budgétaire dans des plans budgétaires à moyen terme crédibles et durables afin de renforcer la résilience.
Il faudrait en outre préserver les moyens des banques d’absorber les pertes en limitant les distributions de capital selon que de besoin. Les tests de résistance des banques doivent être conçus en prenant en considération les multiples canaux par lesquels les banques et les États sont interdépendants.
Une fois que la reprise économique se sera installée et que les mesures de soutien au secteur financier liées à la pandémie se seront normalisées, les pays pourraient étudier les moyens de réduire les incitations à détenir une dette souveraine excessive, notamment une exigence supplémentaire de fonds propres sur les obligations souveraines détenues par les banques au-dessus de certains seuils.
Plus généralement, une diversification de la base d’investisseurs institutionnels nationaux et un développement et un approfondissement du marché des capitaux sont autant de mesures importantes pour éviter une concentration du risque souverain.
Les risques que pose l’interdépendance entre les banques et les emprunteurs souverains ne se limitent pas aux pays émergents mais se sont également manifestés dans des pays avancés par le passé.
C’est pourquoi le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire doit envisager de reprendre ses efforts en vue d’élaborer des normes internationales qui prévoient un traitement plus sensible aux risques en matière de réglementation et de surveillance. Dans un premier temps, et afin d’encourager une discipline de marché, les banques devraient être tenues de divulguer les données sur les risques souverains importants auxquels elles sont exposées.