On ne l’a pas vu venir celle-là. La nouvelle du limogeage de l’Argentier du Royaume par le Roi, hier en début d’après-midi a eu l’effet d’une bombe. Elle a pris tout le monde de court et chacun y est allé, dans le feu de l’action, de sa propre analyse des quelques lignes contenues dans le communiqué du Cabinet royal. Mohamed Boussaid a fait les frais de l’application du principe de reddition des comptes introduit par la Constitution de 2011. Mais on n’en saura pas plus sur les faits reprochés au désormais ancien ministre de l’Economie et des Finances, si ce n’est que le Chef de gouvernement a été consulté avant. Saadeddine El Othmani gagnerait d’ailleurs, en chef de file de l’Exécutif d’expliciter clairement les raisons de ce limogeage pour couper court aux rumeurs qui circulent. Ce limogeage est-il en lien direct avec les deux rapports présentés simultanément par le Wali de Bank Al-Maghrib et le Président de la Cour des comptes au Roi Mohammed VI le 29 juillet à Al Hoceima, ou existent-ils d’autres griefs contre Boussaid ? La cour des Comptes justement avait publié en mai 2016 un rapport traitant de l’ancrage stratégique et de la gouvernance des entreprises et établissements publics EEPs, auquel le ministre a répondu… deux années plus tard. En tout état de cause, la spéculation ne doit pas supplanter l’information. D’autant plus que le citoyen a le droit d’accéder à l’information comme le stipule justement la Constitution.
La surprise est d’autant plus compréhensible que Mohamed Boussaid était présent à la réunion consacrée à l’activation concrète des mesures contenues dans le Discours du Trône, présidée par le Roi.
Cette décision intervient dans un contexte de préparation du projet de la Loi de Finances 2019. D’ailleurs, l’on s’étonnait du retard qu’accuse la lettre de cadrage qui constitue la base de départ des consultations pour l’élaboration dudit projet. D’autant plus que le pays s’inscrit dans un long processus tendant vers plus de sincérité budgétaire et cela suppose que ce PLF 2019 prenne tous ces éléments en ligne de compte. Cette décision, qui constitue un coup dur pour le Rassemblement national des indépendants et l’ampute de l’un des portefeuilles ministériels le plus important et le plus convoité, ne doit pas accentuer le sentiment d’attentisme qui accompagne le mandat d’El Othmani, qui n’a su insuffler une dynamique réelle à l’économie nationale. Un mandat émaillé également de mouvements de protestation sociale qui a révélé une communication politique défaillante de la part du Gouvernement.
Se pose alors la question : qui pour assurer la relève et prendre en main un département stratégique et central dans la vie de l’Exécutif et de la vie économique et financière du Royaume, que Boussaid a piloté pendant près de cinq ans ?
Saadeddine El Othmani se rattrapera-t-il lors du conseil du gouvernement qui se tient aujourd’hui pour faire franc jeu?