Ecrit par Houssifi el houssaine |
Le budget d’investissement s’essouffle. Il devient impératif de dépenser le minimum possible et obtenir le maximum de produits, services et de rendement. Instaurer et renforcer les pratiques de bonne gouvernance paraît la solution idoine.
Au cœur du PLF 2022 trône majestueusement le tableau relatif à l’équilibre des ressources et des charges de l’Etat. Les chiffres qui ornent le tableau peuvent donner le tournis aux âmes faibles. Nourri de pessimisme, on y voit un monceau des vertes et pas mures. Fort d’optimisme, on y voit une solution pour se dégager d’un bourbier. Pour l’embrasse, il faut démonter un à un les tableaux qui sont sous-jacents. C’est un vrai mystère. Comme tous les tableaux, il ressemble au bikini, ça donne des idées mais ça cache l’essentiel. Dans ce papier, nous tenterons de lever le voile sur le chapitre investissement de ce livre poignant.
Le budget d’investissement et la LOF
Une somme coquette de 87 Mds de dirhams est réservée à l’investissement. Elle devrait, selon l’article 17 de la loi organique des finances, être destinée principalement à la réalisation des plans de développement stratégique et des programmes pluriannuels, en vue de la préservation, la reconstitution ou l’accroissement du patrimoine national. En aucun cas, les dotations budgétaires allouées à l’investissement, à croire ledit article 17, ne peuvent être affectées à la couverture des dépenses du personnel ou de matériel afférentes au fonctionnement des services publics.
Nous savons tous que dissimuler c’est gouverner. En effet, l’investissement marche, dans plusieurs cas, sur les plates-bandes du fonctionnement. Camoufler des dépenses de fonctionnement dans le budget d’investissement est une pure hypocrisie qui tente d’amadouer les bailleurs de fonds. Inutile de rappeler combien la poussée des dépenses de fonctionnement mécontente les usuriers.
Le budget d’investissement et le dopage
En botoxant l’investissement, les pouvoirs publics dopent le seuil d’autorisation de l’endettement du pays. En effet, l’article 77 de la loi organique des finances autorise les gouvernants à s’endetter à hauteur des dépenses d’investissements majorées du remboursement en principal de la dette. Une hypocrisie budgétaire pour faire beau aux yeux des bailleurs de fonds risquent d’hypothéquer l’avenir des générations futures. Il ne s’agit pas d’un péché véniel, mais d’un crime d’une gravité majeure. La Cour des comptes doit jouer un rôle de premier plan pour identifier et décrier cette situation et ce dans l’intérêt de la postérité.
Le registre de l’investissement doit être attaqué sans ambages et sans délai, non seulement, au niveau de la détermination de sa masse, mais également sur le plan de son engagement. En effet, face au plafonnement voire la raréfaction des recettes de l’État, il devient impératif de dépenser le minimum possible et obtenir le maximum de produits, services et de rendement. Instaurer et renforcer les pratiques de bonne gouvernance paraît la solution idoine.
Le budget d’investissement : Programmation selon stratégie
Les pouvoirs publics doivent mettre en place des stratégies nationales, régionales ou locales. Ainsi aucun projet ne sera programmé s’il ne s’intègre pas dans les axes stratégiques préétablis. Cette option permettra aux projets de concourir aux objectifs nationaux, régionaux ou locaux, et ce de façon intégrée. Ainsi un terme sera mis à la programmation de projets sans intérêt général qui font fortune aux entreprises et appauvrissent les hères.
Le budget d’investissement et les estimations administratives
Les instances publiques sont également invitées à mettre de l’ordre dans les conditions d’établissement des estimations administratives des projets. Il n’est plus accepté de réserver des crédits pharaoniques pour des projets lilliputiens. Elles doivent accélérer la sortie de l’observatoire des prix et penser à l’intégration de l’estimation administrative parmi les responsabilités personnelles des ordonnateurs. Ces deniers doivent répondre personnellement des abus constatés. L’exagération de ces estimations permet sans aucun doute d’enrichir sans cause les entreprises.
En outre, lors de l’établissement des estimations, il ne faut pas perdre de vue que les dépenses d’investissement génèrent des dépenses de fonctionnement. Il serait judicieux d’intégrer dans les dépenses d’investissement les coûts différés qui apparaissent sur la durée de vie desdits projets. L’évaluation des coûts de fonctionnement est l’une des conditions même de la viabilité et de la durabilité de l’investissement. Inutile d’inventorier les projets terminés, jamais entrés en service, faute d’avoir pensé aux frais de leurs fonctionnements.
Le budget d’investissement victime des ententes
Enfin, l’Etat social doit être vigilent avec les entreprises avides de profits, cupides et ayant vendu leurs âmes au diable. Lui, qui a œuvré pour la préférence nationale, n’a fait que tendre le cou à ces entreprises qui manquent de nationalisme qui se permettent de s’entendre pour se répartir le butin. Le Conseil de la concurrence doit intervenir pour protéger l’argent du contribuable contre les pratiques anticoncurrentielles. Ces pratiques constituent en fait une attaque à main armée et un hold-up orchestrés par des cols blancs pour dévaliser le Trésor public.
Nous voulons tous que l’argent du contribuable soit converti en édifices de belle taille, de rails qui serpentent entre les différents coins du royaume, et en ports ouverts sur le monde au lieu de ruisseler dans les égouts. L’effort considérable opéré par les instances publiques ne peut cacher le manque scandaleux en infrastructures dont souffrent plusieurs régions du pays. Il est donc temps d’optimiser les dépenses d’investissement en mettant en place des pratiques qui ne coutent rien.