Entretien réalisé par Soubha Es-Siari |
La certification des comptes de l’Etat est bel et bien sur les rails. Les travaux menĂ©s dans le cadre du jumelage TGR-DGFIP, devraient appuyer la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume pour se prĂ©parer au premier exercice de certification des comptes de l’Etat. Mis en Ćuvre depuis dĂ©cembre 2019, le jumelage de la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume avec la Direction GĂ©nĂ©rale des Finances publiques (DGFIP) s’Ă©tale sur une durĂ©e de 24 mois.
Le point avec Noureddine Bensouda, Trésorier général du Royaume.
EcoActu.ma : Pouvez-vous nous rappeler dans quel cadre sâinscrit le jumelage entre la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume (TGR) et la Direction GĂ©nĂ©rale des Finances publiques (DGFIP) ?
Noureddine Bensouda : Dans le cadre du partenariat entre le Royaume du Maroc et lâUnion europĂ©enne, la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume a bĂ©nĂ©ficiĂ© dâun jumelage avec la Direction GĂ©nĂ©rale des Finances Publiques (DGFIP) de France.
Ce jumelage institutionnel rĂ©alisĂ© dans le cadre du programme « HAKAMA », est financĂ© par lâUnion europĂ©enne Ă hauteur dâun million dâeuros et gĂ©rĂ© par le MinistĂšre de lâEconomie, des Finances et de la RĂ©forme de lâAdministration Ă travers la Cellule d’accompagnement du Programme « RĂ©ussir le Statut avancĂ© » (CAP-RSA).
Ce projet de jumelage a pour objectif dâamĂ©liorer la bonne gouvernance publique au Maroc par le renforcement du systĂšme de gestion des finances publiques.
Il vise, plus particuliĂšrement Ă soutenir la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume pour la mise en Ćuvre des rĂ©formes de la gestion financiĂšre publique et la dĂ©matĂ©rialisation des procĂ©dures touchant lâensemble de ses mĂ©tiers.
Ce jumelage sâinscrit ainsi en droite ligne des rĂ©formes engagĂ©es par le Maroc en matiĂšre de modernisation du systĂšme de gestion des finances publiques.
Le but du Webinaire que vous organisez ce 25 mars, est de dresser un bilan dâĂ©tape. Quel est le degrĂ© de rĂ©alisation des objectifs fixĂ©s au prĂ©alable dans le programme ?
Il faudrait rappeler, dâabord, que ce jumelage a Ă©tĂ© mis en Ćuvre depuis dĂ©cembre 2019 pour une durĂ©e de 24 mois.
Aujourdâhui et au bout de 15 mois de mise en Ćuvre opĂ©rationnelle de ce jumelage on ne peut que se fĂ©liciter des multiples rĂ©sultats obtenus par ce projet, dans un contexte assez difficile marquĂ© par les contraintes liĂ©s Ă la crise sanitaire.
Pour ne citer que quelques ordres de grandeur, ce jumelage a mobilisé à ce jour 188 hommes-jours pour mener à bien 24 missions et remettre 34 livrables opérationnels.
Mais au-delà des statistiques, des résultats concrets ont été atteints en matiÚre :
- de travaux préparatoires du processus de certification des comptes en ciblant les actions prioritaires et les postes du bilan à grands enjeux ;
- dâamĂ©lioration du cadre rĂ©glementaire du contrĂŽle Ă travers lâĂ©laboration d’un projet de modification du dĂ©cret relatif au contrĂŽle des dĂ©penses de lâEtat et dâun projet de circulaire dâapplication et ce, pour une plus grande responsabilisation des services gestionnaires ;
- dâĂ©laboration dâun plan d’extension de la dĂ©matĂ©rialisation et dâun cahier de charges pour le dĂ©veloppement d’une plateforme de stockage et d’Ă©change des informations relatives Ă la production des comptes des services de l’Etat à la Cour des comptes;
- de conception d’un projet de stratĂ©gie de formation en ligne et des outils y affĂ©rents avec la finalisation dâun module pilote de e-learning.
Dans un souci de sincĂ©ritĂ© des comptes, de transparence et de bonne gouvernance, il est question de la rĂ©forme de la comptabilitĂ© de lâEtat Ă travers notamment lâadoption des normes comptables principalement les IPSAS. OĂč en sommes-nous de cet objectif ?
En effet, comme vous le savez, la nouvelle gestion financiĂšre publique quâentend promouvoir la  Loi Organique relative Ă la Loi de Finances de 2015, repose en grande partie sur une forte progression de la logique comptable par l’introduction du principe de sincĂ©ritĂ© des comptes qui s’articule principalement autour de la nouvelle comptabilitĂ© de lâEtat en droits constatĂ©s.
Cette rĂ©forme consacre le passage Ă une comptabilitĂ© Ă trois dimensions dont la comptabilitĂ© gĂ©nĂ©rale constitue le pivot. Elle est destinĂ©e Ă la fois Ă retracer lâexĂ©cution de la loi de finances, dĂ©crire la situation financiĂšre et patrimoniale de lâEtat et mesurer le coĂ»t exact des actions, projets et programmes engagĂ©s.
Ce chantier pilotĂ© par la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume a Ă©tĂ© entamĂ© bien avant lâadoption de la loi organique prĂ©citĂ©e. En effet, les normes comptables pour lâEtat, conformes aux standards internationaux en vigueur pour le secteur public, ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©es par une commission ad-hoc et validĂ©es par le Conseil National de la ComptabilitĂ©.
Il faut souligner toutefois que cette rĂ©forme, eu Ă©gard Ă lâampleur des changements quâelle induit, a Ă©tĂ© entamĂ©e avec une dĂ©marche prudente et pragmatique pour lui garantir toutes les chances de rĂ©ussite.
Ainsi et conformĂ©ment au calendrier de mise en Ćuvre de la Loi Organique relative Ă la Loi de Finance, la rĂ©forme comptable fondĂ©e sur les normes IPSAS est entrĂ©e en vigueur depuis 2018.
Les travaux menés dans le cadre du jumelage devraient notamment appuyer la Trésorerie Générale du Royaume pour se préparer au premier exercice de certification.
Dans le mĂȘme sillage, oĂč en est le Maroc dans la rĂ©alisation des prĂ©requis pour la mise en place de la comptabilitĂ© de lâEtat (allusion faite Ă lâinventaire du patrimoine de lâEtat immobilier financier, endettement … ) ?
En effet les prĂ©requis pour la mise en place de la rĂ©forme comptable ne sont pas que rĂ©glementaires, ils sont Ă©galement dâordre procĂ©dural, technique et technologique.
Ainsi, une solution informatique aux standards du marchĂ© a Ă©tĂ© acquise pour prendre en charge lâensemble des fonctions comptables de lâEtat. Les rĂšgles de gestion, les paramĂ©trages nĂ©cessaires et les schĂ©mas comptables ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s au niveau de cette solution et les instructions comptables ont Ă©tĂ© rĂ©digĂ©es.
ParallĂšlement, un vaste chantier de recensement du patrimoine de lâEtat a Ă©tĂ© menĂ© par la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume en coordination avec lâensemble de ses partenaires, et a abouti Ă lâĂ©laboration du premier bilan dâouverture pour lâannĂ©e 2018.
Qu’en est-il du projet de la certification des comptes de lâEtat par la Cour des comptes ? Pour plus dâefficacitĂ© nâest-il pas opportun dâĂ©tendre le contrĂŽle aux comptes des collectivitĂ©s locales bien entendu suite Ă une consolidation des comptes ?
Il convient de rappeler que le premier exercice de certification des comptes de lâEtat concerne les comptes de lâannĂ©e 2020.
Les travaux préparatoires de la certification se déroulent conformément à un calendrier mis en place en commun accord avec la Cour des comptes.
La clĂŽture des comptes de lâEtat de lâannĂ©e 2020 et la prĂ©paration des Ă©tats financiers sont en cours de finalisation.
Toutefois, il est Ă souligner quâil sâagit des comptes de lâEtat, tenus par environ 790 comptables publics, rĂ©partis sur tout le territoire national et au niveau des diffĂ©rentes reprĂ©sentations diplomatiques du Maroc Ă lâĂ©tranger. Ces comptables publics effectuent des millions dâopĂ©rations relatives au budget gĂ©nĂ©ral, aux comptes spĂ©ciaux du TrĂ©sor et aux services de lâEtat gĂ©rĂ©s de maniĂšre autonome.
Pour ce qui est des collectivitĂ©s territoriales, il importe de prĂ©ciser quâun projet de refonte comptable est en cours, en vue de permettre la tenue dâune comptabilitĂ© gĂ©nĂ©rale par les collectivitĂ©s territoriales, avec pour objectif notamment de parvenir Ă terme, Ă une consolidation des comptes de lâEtat et des collectivitĂ©s territoriales.
Le contrÎle se veut un préalable à la bonne certification des comptes. Comment le jumelage aide-t-il le Maroc à disposer de ressources humaines qualifiées dans ce domaine ?
Comme vous le savez,  la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume, qui a fĂȘtĂ© en 2017 son centenaire, est une administration qui peut se prĂ©valoir dâun savoir-faire et dâune expertise reconnue et apprĂ©ciĂ©e dans plusieurs domaines (dĂ©penses publiques, comptabilitĂ©, recouvrement, finances locales, contrĂŽle, gestion comptable du portefeuille et de la dette publique …), ce qui lui a permis dâanticiper, depuis plusieurs annĂ©es, un certain nombre de rĂ©formes et de prendre de lâavance au regard des dispositifs nouveaux Ă mettre en Ćuvre.
Pour autant, cela ne doit pas occulter lâampleur des transformations et des chantiers dâadaptation auxquels elle est confrontĂ©e pour les prochaines annĂ©es, dâautant plus que ses missions sont particuliĂšrement diverses.
En effet, et pour ne citer que ces exemples, lâimportance de la rĂ©forme comptable et de ses implications notamment au regard de la certification des comptes, de mĂȘme que le processus de transformation des mĂ©tiers qui rĂ©sulte de la digitalisation, sont autant de dĂ©fis auxquels la TGR est confrontĂ©e aujourdâhui et quâelle doit maĂźtriser.
A cet égard, la Trésorerie Générale du Royaume considÚre la formation comme un levier stratégique de développement des compétences de ses ressources humaines.
Il sâagit dans le cadre du projet de jumelage dâappuyer la TrĂ©sorerie GĂ©nĂ©rale du Royaume pour le renforcement de son investissement en matiĂšre de formation notamment Ă travers le dĂ©veloppement d’une plateforme de formation en ligne et le dĂ©ploiement de e-learning pilotes.
Voir Ă©galement : [WebTV] Reddition des comptes : Philippe Leray s’exprime sur la certification des comptes de l’Etat marocain