Le contrôle fiscal du Centre Monétique Interbancaire, outre la recette fiscale conséquente, nous interroge sur le comportement des grands comptes au regard de l’impôt. L’évasion fiscale est devenue un sport national. Tout le monde est prêt à adopter dans plusieurs cas, en plus des risques démesurés, un comportement loin du civisme.
La chasse aux recettes fiscales cachées
Très sollicitées par les appels de fonds exigés pour la mise en marche des multiples stratégies de l’État nécessitant la réalisation de moult projets et la satisfaction de ses différents engagements, les caisses de l’Etat se vident de façon vertigineuse. Étant donné que l’impôt reste l’aliment vital du Trésor, la Direction Générale des Impôts (DGI), profitant des bienfaits de la dématérialisation des obligations déclaratives a dépêché ses vieux loups de mer pour traquer les dus de l’État. Les équipes de la DGI sont montées au filet avec pour mission de ne laisser aucun passer entre ses mailles.
Les résultats ne se sont pas fait attendre. Étaient appelés à banquer plusieurs hôtes du MASI et du MADEX. Un simple examen de leurs publications financières, donnera une idée sur l’ampleur de l’impact des missions du contrôle fiscal sur leurs résultats.
Le tour au CMI
Comme on est égaux devant l’impôt, le Centre Monétique Interbancaire, communément connu sous le nom ou marque CMI, n’a pas échappé au contrôle étroit de l’Administration fiscale. Les vérificateurs avaient pour ordre de mettre les comptes du CMI sous la loupe et de tacher de ne louper aucune irrégularité.
La moisson n’a pas été décevante. Le CMI s’est fait remonté les bretelles en lui exigeant de payer, après les négociations avec le Fisc, la chouette somme de 62,80 MDH. Le Centre devra donc chauffer toutes ses cartes bleues pour honorer les échéances du protocole d’accord arrêté avec l’Administration fiscale.
Le comportement fiscal du CMI, en présence de textes devenus plus clairs comme de l’eau de roche, ne peut être qualifié ni d’optimisation fiscale ni d’évitement fiscal. Ce comportement ne porte pas seulement atteinte à la personne morale « CMI » mais également aux différentes entités constituant son tour de table. Comment ces dernières acceptent-elles des dividendes, qui se sont élevés en 2016 à 68,74 MDH et en 2017 à 78,56 MDH, issus en partie du non respect des dispositions fiscales en vigueur. Et dire qu’un bien acquis par fraude ne dure jamais assez longtemps. Le Top Management du centre, au lieu de fournir au moins des explications plausibles à ses bailleurs, se plie en quatre pour leur faire avaler l’insignifiance de l’impact du contrôle fiscal sur les résultats. Après cette opération de contrôle, le casier fiscal du Centre n’est plus vierge et la réhabilitation commence par la reconnaissance de l’erreur.
Le rabais qui dérange
Le clou du spectacle est également le gros rabais dont a bénéficié le CMI. En effet, à en croire le management du CMI, le montant initial du redressement se chiffrait à 255 MDH, avant d’être ramené à 62.80 MDH. Comment alors, à l’heure où les textes sont devenus plus lisibles, les circulaires plus simples et la communication avec l’Administration Fiscale aussi souple, les auditeurs de ladite Administration se tromperaient sur le montant exact de la correction ? Force est de constater que la facture, initialement salée, a été allégée de l’ordre de 192,20 MDH. Il n’est donc pas concevable de balayer d’un revers de main un tel butin.
Objectivité oblige, il faut rappeler que le risque fiscal dans lequel flottait depuis au moins quatre années, période couverte par le contrôle fiscal, n’a pas été signalé dans les rapports des auditeurs externes du Centre.
Le cas de la vérification fiscale du CMI et les résultats dégagés à l’issue de cette mission démontrent que contrairement à ce qui s’échange sur l’ampleur de la pression fiscale au Maroc, on peut encore demander plus aux contribuables et moins à l’impôt.
Mieux encore, transparence fiscale oblige, il est temps que la Direction Générale des Impôts emboîte le pas à la Cour des comptes en procédant annuellement à la publication d’un rapport récapitulant, pour les contribuables les plus importants, les résultats des différentes missions de vérifications conduites par leurs auditeurs. Une telle publication pourrait dissuader plus d’un chacun à éluder le paiement de l’impôt et de rendre la jurisprudence fiscale à la portée du public.
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