Ecrit par la Rédaction |
Le CNDH a publiĂ©, lors dâune confĂ©rence de presse tenue ce 13 juillet, les conclusions prĂ©liminaires de sa mission dâinformation suite Ă lâincident tragique devant le point de passage entre Nador et Melilia qui a coĂ»tĂ© la vie Ă 23 migrants et a enregistrĂ© 217 blessĂ©s dont 140 membres des forces de lâordre.
Le 24 juin 2022, quelques 2000 migrants avaient tentĂ© de traverser en masse de Nador vers Melilia, principalement Ă travers le point de passage du Barrio Chino. L’incident constitue un prĂ©cĂ©dent eu Ă©gard Ă la stratĂ©gie adoptĂ©e, lâampleur et le nombre de migrants impliquĂ©s et le nombre de victimes et de blessĂ©s, etc.
23 migrants sont dĂ©cĂ©dĂ©s et 217 personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es, dont 140 parmi les membres des forces de l’ordre et 77 parmi les migrants. Les forces de l’ordre ont eu recours au gaz lacrymogĂšne et autres armes non lĂ©tales pour faire face aux tentatives massives. Les migrants ont utilisĂ© des pierres, des bĂątons et des outils tranchants pour prendre d’assaut la clĂŽture sĂ©parant Nador et Melilia.
ImmĂ©diatement aprĂšs les incidents tragiques, la prĂ©sidente du CNDH a dĂ©pĂȘchĂ© une mission dâinformation Ă la ville de Nador et ses environs en vue de mener des entretiens avec toutes les parties prenantes, y compris les autoritĂ©s, la sociĂ©tĂ© civile et les migrants.
La mission dâinformation a collectĂ© des donnĂ©es et a recueilli les faits et les informations concernant cet incident. L’un des faits majeurs rĂ©vĂ©lĂ©s par le rapport est que les dĂ©cĂšs enregistrĂ©s ont Ă©tĂ© causĂ©s par asphyxie mĂ©canique sur suffocation provoquĂ©e par la bousculade et lâagglutination du nombre important de victimes dans un espace hermĂ©tiquement clos (catastrophe de masse), avec mouvement de foule en panique. L’autopsie demeure la seule voie Ă mĂȘme de vĂ©rifier avec prĂ©cision les causes de dĂ©cĂšs dans chaque cas.
Dans ce sens, le Conseil prend note avec satisfaction de la dĂ©cision dâeffectuer des autopsies visant Ă dĂ©terminer les circonstances des dĂ©cĂšs, ainsi que les analyses ADN Ă mĂȘme de garantir les droits des familles des dĂ©funts et leur inclusion dans les dossiers des procĂšs.
Selon des informations recueillies, en particulier de la part d’organisations non gouvernementales, la commission invoque l’hypothĂšse de survenance de violences derriĂšre la clĂŽture en raison de la rĂ©ticence ou de l’hĂ©sitation des autoritĂ©s espagnoles Ă fournir l’assistance et les secours nĂ©cessaires, malgrĂ© les bousculades et l’accrochage des migrants devant les  portes tourniquets restĂ©s hermĂ©tiquement fermĂ©es ; ce qui a eu pour effet probable une aggravation  du nombre de dĂ©cĂšs et de blessĂ©es.
Voici les constatations et conclusions préliminaires de la mission :
Les donnĂ©es collectĂ©es et les tĂ©moignages recueillis sur les mĂ©thodes adoptĂ©es pour franchir la clĂŽture mĂ©tallique ont permis dâĂ©laborer un cadre gĂ©nĂ©ral chargĂ© dâenseignements relatifs aux formes, Ă©volutions et mutations qui caractĂ©riseront inĂ©vitablement les futures tentatives menĂ©es par les migrants.Â
Tout en renouvelant ses condolĂ©ances aux familles des 23 dĂ©funts, le Conseil National des Droits de l’Homme prĂ©sente les conclusions prĂ©liminaires suivantes :
- Au total, 23 personnes sont dĂ©cĂ©dĂ©es lors de cet incident. Ce nombre a Ă©tĂ© vĂ©rifiĂ© par le CNDH. Parmi elles, cinq sont arrivĂ©es dĂ©cĂ©dĂ©es Ă lâhĂŽpital. Le nombre de blessĂ©s est de 217, dont 77 parmi les migrants et 140 parmi les forces publiques.
- Les dĂ©cĂšs enregistrĂ©s ont Ă©tĂ© causĂ©s par asphyxie mĂ©canique sur suffocation provoquĂ©e par la bousculade et lâagglutination du nombre important de victimes dans un espace hermĂ©tiquement clos (catastrophe de masse), avec mouvement de foule en panique. L’autopsie demeure la seule voie Ă mĂȘme de vĂ©rifier avec prĂ©cision les causes de dĂ©cĂšs dans chaque cas.
- La commission nâa pu dĂ©terminer si lâorigine des blessures de certains migrants quâil a visitĂ©s provenait des chutes et des bousculades ou de blessures rĂ©sultant dâun recours disproportionnĂ© de la force.
- Aucune des personnes dĂ©cĂ©dĂ©es lors de la tentative de franchir la clĂŽture n’a Ă©tĂ© enterrĂ©e. La Commission dâinformation sâest assurĂ©e du nombre des corps lors de sa visite Ă la morgue. La commission rĂ©gionale des droits de lâHomme assure le suivi des procĂ©dures dâautopsie et dâanalyse ADN.
- La commission a menĂ© des entretiens avec les autoritĂ©s et les associations non gouvernementales et a rencontrĂ© les migrants blessĂ©s hospitalisĂ©s. Tous ont unanimement soutenu quâil nây a pas eu de recours aux balles, que les forces de lâordre ont utilisĂ© des matraques et du gaz lacrymogĂšne.
- Les soins mĂ©dicaux nĂ©cessaires ont Ă©tĂ© apportĂ©s aux blessĂ©s et les interventions chirurgicales ont Ă©tĂ© assurĂ©es au Centre Hospitalier RĂ©gional de Nador et au CHU Mohamed VI d’Oujda.
- Le Conseil prend note avec satisfaction de la dĂ©cision dâeffectuer des autopsies visant Ă dĂ©terminer les circonstances des dĂ©cĂšs, ainsi que les analyses ADN Ă mĂȘme de garantir les droits des familles des dĂ©funts et leur inclusion dans les dossiers des procĂšs.
- Selon des informations recueillies, en particulier de la part d’organisations non gouvernementales, la commission invoque l’hypothĂšse de survenance de violences derriĂšre la clĂŽture en raison de la rĂ©ticence ou de l’hĂ©sitation des autoritĂ©s espagnoles Ă fournir l’assistance et les secours nĂ©cessaires, malgrĂ© les bousculades et l’accrochage des migrants devant les  portes tourniquets restĂ©s hermĂ©tiquement fermĂ©es ; ce qui a eu pour effet probable une aggravation  du nombre de dĂ©cĂšs et de blessĂ©es.
- La surveillance assurĂ©e 24h / 24 le long de la clĂŽture par les patrouilles de la Garde civile espagnole et les amĂ©liorations techniques apportĂ©es sur cette clĂŽture entre 1998 et 2018, nâempĂȘchent pas les migrants de traverser et les dĂ©cĂšs continuent dâĂȘtre enregistrĂ©es, en plus des centaines de migrants qui se voient renvoyĂ©s.
- Les tĂ©moignages recueillis par la Commission lors des diffĂ©rentes rĂ©unions ont mis en exergue l’afflux d’un nombre important de migrants de nationalitĂ© soudanaise, dont certains sont arrivĂ©s au Maroc dĂ©but 2021 et qui sont dĂ©tenteurs du statut de « demandeur d’asile ». Ces tĂ©moignages ont soulignĂ© que les tentatives de mars 2022 ont Ă©tĂ© conduites par des migrants de cette mĂȘme nationalitĂ©. Cela pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un changement dans la composition de nationalitĂ© des migrants qui se trouvent dans la province de Nador.
- Le Conseil note lâĂ©mergence dâun changement fondamental marquant les tentatives de passage de Nador Ă Melilia. Ce changement est liĂ© Ă la forme adoptĂ©e, Ă savoir un assaut soudain, bien organisĂ© et inhabituellement menĂ© durant la journĂ©e, ayant ciblĂ© le passage et non la clĂŽture grillagĂ©e et ayant tentĂ© de forcer le passage au lieu dâescalader le grillage. De plus, il est Ă noter quâune seule nationalitĂ© constitue la majoritĂ© absolue des migrants ayant tentĂ© de forcer le passage.
- Les affrontements, qui constituent un prĂ©cĂ©dent inĂ©dit au niveau des tentatives visant Ă franchir la clĂŽture sĂ©parant Nador et Melilia ont Ă©tĂ© caractĂ©risĂ©s par une violence aigue simultanĂ©ment perpĂ©trĂ©e par un trĂšs grand nombre de migrants (estimĂ©s Ă environ 2000 personnes) armĂ©s de bĂątons, de pierres et dâarmes tranchantes.
- La Commission dĂ©plore l’atteinte grave portĂ©e par certains des migrants Ă l’intĂ©gritĂ© physique de certains des membres des forces de lâordre qui ont Ă©tĂ© sĂ©questrĂ©s et dont les Ă©quipements ont Ă©tĂ© saisis.
- Le Conseil regrette que ces affrontements douloureux et regrettables aient Ă©tĂ© accompagnĂ©s par la dissĂ©mination de fake news, de fausses images et de publications mensongĂšres sur les rĂ©seaux sociaux. Cela a eu pour effet de crĂ©er une profonde confusion auprĂšs de l’opinion publique nationale et internationale au sujet des allĂ©gations liĂ©es Ă lâutilisation des balles rĂ©elles et aux insuffisances des soins mĂ©dicaux.
- Le Conseil informe l’opinion publique que sa Commission rĂ©gionale a mis en place une Ă©quipe pour assurer le suivi du procĂšs et publiera un rapport Ă ce sujet
Propositions préliminaires
Se basant sur les conclusions tirĂ©es, les faits quâil a Ă©tĂ© en mesure de vĂ©rifier et Ă placer dans leur contexte, et se rĂ©fĂ©rant aux entretiens menĂ©s par la Commission dâinformation, le CNDH souligne l’importance de lâapprofondissement de lâenquĂȘte judiciaire pour inclure lâensemble des aspects des affrontements, dont la proportionnalitĂ© de l’usage de la force, et le renforcement de la coopĂ©ration entre les autoritĂ©s concernĂ©es afin de faire face Ă la prolifĂ©ration des groupes spĂ©cialisĂ©s dans la traite des ĂȘtres humains. Le CNDH rappelle notamment quâil est important de publier les rĂ©sultats de lâenquĂȘte et de dĂ©terminer des responsabilitĂ©s ;
Il a Ă©galement appelĂ© Ă une rĂ©vision des mesures de maintien de l’ordre dans la zone de clĂŽture et assurer la sĂ©curitĂ© des migrants ;
Par ailleurs, le CNDH regrette que la question de la migration soit gĂ©rĂ©e au niveau mondial selon une approche exclusivement sĂ©curitaire, en particulier en ce qui concerne les migrants originaires du Moyen-Orient et de lâAfrique, alors que la migration demeure une dĂ©cision humaine, que les gouvernements ne doivent pas laisser entre les mains des rĂ©seaux de trafiquants.
Dans son rapport, le conseil recommande aux autoritĂ©s marocaines dâinitier de nouvelles consultations avec l’Union europĂ©enne pour mettre en place un partenariat rĂ©el et partagĂ©, en termes de responsabilitĂ© et de gestion communes, selon des bases qui permettraient une pleine implĂ©mentation des dispositions du Pacte mondial pour une migration sĂ»re, ordonnĂ©e et rĂ©guliĂšre.
Aussi, la Commission de l’Union africaine est-elle invitĂ©e Ă proposer des mesures visant Ă garantir un engagement sĂ©rieux des gouvernements dans la gestion des migrations au niveau Continental de maniĂšre Ă garantir la sĂ©curitĂ© et la dignitĂ© des citoyens du continent ;
De mĂȘme que le CNDH recommande Ă lâUnion africaine de veiller Ă lâimplĂ©mentation des dispositions du Protocole visant Ă prĂ©venir, rĂ©primer et punir la traite des personnes, ainsi que les dispositions de la Convention des Nations Unies contre la criminalitĂ© transnationale organisĂ©e.
Si dans son rapport le CNDH note des changements majeurs impactant les dynamiques migratoires, il tire la sonnette dâalarme concernant lâĂ©volution exponentielle du phĂ©nomĂšne migratoire engendrĂ©e par la pauvretĂ©, la sĂ©cheresse, les conflits et les changements climatiques.
Il a par ailleurs exhortĂ© les autoritĂ©s concernĂ©es Ă accĂ©lĂ©rer les procĂ©dures nĂ©cessaires à mĂȘme de permettre un fonctionnement plein et complet de l’Observatoire africain des migrations.
Le rapport insiste sur lâimpĂ©rativitĂ© de la mise en Ćuvre effective des rĂšgles internationales relatives Ă la protection de tous les migrants, indĂ©pendamment de leur statut juridique, leur nationalitĂ© et le lieu oĂč ils se trouvent.
Autrement, le CNDH met l’accent sur la nĂ©cessitĂ© dâassurer la protection des migrants et des demandeurs d’asile contre les rĂ©seaux des trafiquants d’ĂȘtres humains, notamment en assurant des conditions de sĂ©jour humaines et en accĂ©lĂ©rant l’adoption du projet de la loi relative Ă l’asile et aux conditions de son octroi, de maniĂšre Ă garantir la conformitĂ© avec les dispositions de la constitution Marocaine et les normes internationales relatives Ă la protection des rĂ©fugiĂ©s.
Au niveau national, le CNDH a exhortĂ© les autoritĂ©s nationales Ă prendre les mesures nĂ©cessaires et Ă prĂ©voir des moyens d’intervention adĂ©quats et appropriĂ©s pour gĂ©rer les nouvelles formes de transit des migrants et des demandeurs d’asile dans le respect des normes internationales en vigueur.