Ecrit par Soubha Es-Siari |
Les collectivités territoriales (CT) devront être munies de ressources financières à même de soutenir le développement régional et local. Les recettes transférées se sont établies à 29,1 Mds de DH à fin décembre 2022 contre 26,2 Mds de DH un an auparavant, soit une hausse de 11%. Qu’on l’admette ou pas, notre pays accuse un grand retard en matière de décentralisation territoriale, de mise en place d’une bonne gouvernance locale et en matière d’octroi de prérogatives larges aux régions.
Les derniers chiffres relatifs à la finance locale publiés par la Trésorerie générale du Royaume attestent d’un excédent global de 6,5 Mds de DH à fin décembre 2022 contre 3,6 Mds de DH un an auparavant.
Cet excédent est destiné à couvrir les dépenses engagées et dont le paiement interviendra l’année suivante. « L’excédent dégagé par les budgets des collectivités territoriales à fin décembre 2022, auquel s’ajoutent les recettes d’emprunt de 3.221 MDH a permis le remboursement du principal de la dette pour 2.308 MDH et la reconstitution des excédents pour 7,4 Mds de DH », apprend-on dans le bulletin des finances locales.
Au-delà du principal de la dette, les charges y afférentes font grimper les dépenses chaque année. Les dernières statistiques font ressortir que les charges en intérêt se sont établies à 947 MDH contre 1.058 à fin 2021.
Les recettes transférées en hausse de 11%
Les dépenses globales réalisées par les collectivités territoriales (dépenses ordinaires, dépenses d’investissement et remboursements du principal de la dette) se sont établies à 43,2 Mds de DH, en hausse de 4,4% par rapport à leur niveau à fin décembre 2021. Elles se composent à hauteur de 60,9% de dépenses ordinaires. Celles-ci ont atteint 26.287 MDH, soit une augmentation de 7,1%.
En sus de l’endettement pour faire face aux besoins sans cesse croissants, les collectivités territoriales sont fortement dépendantes du budget de l’Etat. A ce titre, les recettes transférées se sont établies à 29,1 Mds de DH à fin décembre 2022 contre 26,2 Mds de DH un an auparavant, soit une hausse de 11%. Ceci résulte de l’augmentation de la part des collectivités territoriales dans le produit de la TVA (+1.792 MDH), de la part des régions dans le produit de l’IS et de l’IR (+843 MDH).
L’enjeu de l’autonomie des collectivités territoriales fait souvent l’objet de débats. Il a par ailleurs divisé même les courants de pensée. Certains plaident pour que les collectivités territoriales génèrent leurs propres ressources et qu’elles parviennent à honorer leurs engagements en matière de services publics. D’autres prônent la transférabilité des recettes (TVA , IS, IR) parce que l’Etat en tant qu’institution jouit de l’expertise de ses administrations.
Mais cela n’empêche pas de dire que cette dépendance au budget de l’Etat n’est pas exempte de risques. Si elle est de bon augure pour les finances locales durant les périodes grasses, elle est plus ou moins risquée au cas où les ressources se raréfient. La crise sanitaire liée au Covid19 est un exemple édifiant. Les CL ont été ainsi appelées à se serrer la ceinture et à prioriser les dépenses.
La crise en Ukraine s’inscrit dans la même lignée dans la mesure où les finances publiques sont sous pression et donc la transférabilité des recettes aux CL ne pourrait être que contraignante.
Or, pour pouvoir être réellement efficaces, les collectivités territoriales devront être munies de ressources financières à même de soutenir le développement régional et local. Qu’on l’admette ou pas, notre pays accuse un grand retard en matière de décentralisation territoriale, de mise en place d’une bonne gouvernance locale et en matière d’octroi de prérogatives larges aux régions.
Pour sortir de ce cercle vicieux, on peut citer deux éléments phares qui reviennent souvent que sont une réforme profonde du système fiscal marocain, dont les dysfonctionnements contribuent pour beaucoup à cette situation ; et une amélioration de la gouvernance des finances locales pour des services publics de proximité et de qualité.
En matière de fiscalité, la loi 07-20 est un début de solution. Cette nouvelle loi amendant et complétant la loi n° 47-06 sur la fiscalité locale constitue la première phase de la réforme de la fiscalité locale. Toutefois, l’enjeu principal réside in fine dans la réalisation de l’équité dans la répartition de la richesse fiscale entre les CT et l’amélioration du rendement de la fiscalité locale.
Il ne faut pas occulter que l’improductivité et la modestie des impôts locaux sont dues à l’inégalité dans la répartition des impositions entre l’Etat et les CT (uniformité spatiale des impôts et taxes locaux, ne tenant pas compte des spécificités des structures socio-économiques des entités décentralisées).
Deuxième élément phare est la bonne gouvernance qui permettrait une répartition équitable des fruits de la richesse et par ricochet, une satisfaction des besoins des citoyens.