Ecrit par S. Es-Siari |
Si le commerce extérieur était considéré durant les années de vaches grasses comme un stimulateur de la croissance économique et de la réduction de la pauvreté, il est considéré aujourd’hui plus comme un déclencheur des inégalités entre pays riches et pays pauvres. Pour quelles raisons ?
Le néolibéralisme avec pour toile de fond la libéralisation des échanges change chaque jour de visage même chez les pays développés pour ne citer que la guerre sino-américaine dont les effets collatéraux sur les autres économies ne se sont pas fait attendre notamment celles à revenu intermédiaire.
La crise sanitaire a davantage enfoncé le clou dans la mesure où le chacun pour soi a été considéré comme étant un moyen salvateur pour juguler les effets de la crise. Que ce soit pour les masques de protection, les vaccins… les pays riches ont pris le temps de réfléchir optimisant leurs exportations craignant l’insuffisance pour leurs sujets. A leur tour, les pays en développement ont compris qu’il est temps de miser le tout pour le tout pour le développement de la production nationale. Il ne s’agit nullement de vivre en autarcie mais surtout de se doter d’une production nationale riche et diversifiée. Le Maroc ne déroge pas à la règle.
Commerce extérieur: pourquoi les signes sont-ils si peu encourageants ?
Au fil du temps, l’évolution et la révision des politiques commerciales a créée des fortes disparités entre les pays pauvres et les pays riches. En dehors des tarifs douaniers, les pays recourent à des barrières non tarifaires pour protéger leur production nationale. C’est ce qui a sapé en quelque sorte le soutien des populations à la libéralisation des échanges entraînant dans son sillage une montée en puissance du nationalisme économique.
« Même les plus ardents défenseurs du commerce doivent reconnaître que les effets distributifs du commerce ont été inégaux et inégalitaires. Les profits comme les pertes ont été fortement concentrés dans certains secteurs, emplois et régions », annonce à son tour la banque Mondiale. Elle préconise pour lutter contre la défiance vis-à-vis des échanges, la réduction des disparités régionales et sectorielles en mettant en œuvre des politiques à même de redistribuer les profits plus largement.
Un nouveau rapport de la Banque mondiale, intitulé en anglais The Distributional Impacts of Trade: Empirical Innovations, Analytical Tools, and Policy Responses analyse non seulement les liens incontestables entre commerce mondial et réduction de la pauvreté, mais il aide à comprendre comment les « chocs commerciaux » (augmentations ou diminutions rapides des échanges) affectent les pauvres et comment les politiques peuvent garantir une répartition plus large des bénéfices.
Le rapport démontre surtout que les pays doivent continuer à considérer le commerce comme une voie de développement . L’un de ses grands enseignements est que l’optimisation des bénéfices du commerce nécessite une approche globale et à l’échelle de l’ensemble de l’économie. Autrement dit, il faut changer de paradigme et placer l’humain au cœur des politiques commerciales.
Le Maroc dans tout cela ?
Dans un pays comme le Maroc très ouvert sur l’extérieur, dès les premiers quatre mois depuis le déclenchement de la pandémie, le chiffres d’affaires à l’export s’est réduit à 81,5 Mds de DH accusant une baisse de 19,7%. La balance des quatre premiers mois s’est soldée par un déficit de 66 Mds de DH. La contraction des flux commerciaux sous l’effet de la pandémie a affecté également les équilibres financiers avec toutes les conséquences qui peuvent découler aussi bien sur le plan socio-économique. Cette situation résulte certes de la fermeture des frontières et qui a mis en exergue la dépendance outrancière du Maroc à l’égard des autres pays.
Cela dit, il ne s’agit nullement de tourner la page et de compter uniquement sur la production nationale parce que de toute façon, il serait difficile d’y parvenir dans un délai à court terme. Sinon qu’est-ce qui aurait empêché le Maroc de le faire étant donné que depuis le début des années 70 nous traînons une balance commerciale déficitaire ?
Le Maroc à l’instar des pays en développement peut utiliser les outils proposés pour mieux comprendre les effets distributifs de sa politiques avant sa mise en œuvre, en suivre les retombées et coordonner les actions au sein du gouvernement.
Le rapport propose en outre des solutions pratiques que les PED peuvent utiliser pour que le commerce favorise la réduction de la pauvreté et la prospérité partagée. Ce sont notamment des politiques visant à limiter les effets de distorsion et à simplifier les activités commerciales, à réduire les coûts commerciaux en améliorant les outils de facilitation des échanges et la logistique, et à accélérer l’adaptation du marché du travail afin que les individus puissent trouver de nouveaux emplois.
« Alors que le monde s’efforce de se relever de la pandémie de COVID-19, le rôle du commerce sera plus que jamais déterminant pour la croissance, la création d’emplois et la réduction de la pauvreté », explique l’institution de Breton Woods.
Il semble, au vu de l’expérience vécue durant cette période de propagation de la pandémie que le monde d’après ne sera plus comme avant. Les objectifs subiront de grands changements autant que les moyens et voies pour y parvenir.