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Le ministre de lâIntĂ©rieur, Abdelouafi Laftit, a adressĂ© une circulaire appelant les CollectivitĂ©s territoriales Ă publier leurs Ă©tats comptables et financiers. Le gouvernement cherche-t-il Ă justifier l’article 9 du PLF 2020 ?
La transparence, la bonne gouvernance, la bonne gestion des deniers publicsâŠ, sont autant d’impĂ©ratifs qui font cruellement dĂ©faut dans la gestion de la chose publique. Les collectivitĂ©s territoriales figurent parmi les dĂ©membrements de lâEtat qui accusent du retard dans lâapplication des fonctions centrales du concept de bonne gouvernance.
Pour pallier Ă cette rĂ©alitĂ© souvent contestĂ©e et pour faire valoir un droit constitutionnel qui est lâaccĂšs Ă lâinformation, le ministre de lâIntĂ©rieur, Abdelouafi Laftit, a adressĂ© rĂ©cemment une circulaire (voir ci-dessous) aux Walis des rĂ©gions et aux gouverneurs des provinces et prĂ©fectures, les invitant Ă publier les Ă©tats comptables et financiers des collectivitĂ©s territoriales. Cette mesure sâinscrit dans le cadre du processus de mise en Ćuvre de la bonne gouvernance et du renforcement des outils dâouverture et de transparence vis-Ă -vis du grand public.
Il sâagit de principes prĂ©vus par la loi organique n°111-14 relative aux rĂ©gions dans lâarticle 249, par la loi n°112-14 relative aux prĂ©fectures et provinces dans lâarticle 219 ainsi que par la loi organique n°113-14 relative aux communes dans lâarticle 275.
Lesdits textes stipulent que les présidents du Conseil des régions ainsi que les Présidents des Conseils des collectivités territoriales ainsi que les personnes morales de droit public ou privé qui gÚrent un service public relevant de la région ou des collectivités doivent élaborer et communiquer au public des états comptables et financiers relatifs à leur gestion et à leur situation financiÚre.
Une disposition qui est restĂ©e lettre morte Ă©tant donnĂ© que les CT ne publient pas de façon systĂ©matique les Ă©tats de synthĂšse. Et pourtant les dĂ©crets dâapplication n° 2.17.288 et n° 2.17.289 relatifs Ă la fixation de la nature et des modalitĂ©s dâĂ©tablissements et de publication des informations et des donnĂ©es contenues dans les Ă©tats comptables et financiers ont Ă©tĂ© publiĂ©s il y a environ 2 ans et demi soit depuis juillet 2017. De ce fait, les collectivitĂ©s territoriales ont Ă©tĂ© rappelĂ©es Ă lâordre par l’IntĂ©rieur. Elles sont dĂ©sormais tenues de publier lesdits Ă©tats un mois aprĂšs la certification et lâapprobation du budget du prochain exercice par les autoritĂ©s compĂ©tentes et un mois aprĂšs la clĂŽture des comptes de lâexercice en cours sur leur site internet ou, en cas de non-disponibilitĂ© dâun portail Ă©lectronique, sur le portail national des collectivitĂ©s territoriales.
Quel lien avec lâarticle 9 du PLF 2019Â ?
Toutefois, aprĂšs la polĂ©mique suscitĂ©e par lâarticle 9 du PLF 2020 depuis quelques jours qui stipule que les crĂ©anciers porteurs de titres ou de jugements exĂ©cutoires Ă lâencontre de lâEtat ne peuvent se pourvoir en paiement que devant les services ordonnateurs de lâadministration publique concernĂ©e, des questions sâimposent. Y a-t-il un lien entre cette circulaire et ledit article ? Le gouvernement cherche-t-il Ă justifier cette mesure en mettant Ă nu la situation financiĂšre des CT ?
Rappelons que le ministre de lâEconomie et des Finances avait rĂ©cemment expliquĂ© que cette mesure est un garde-fou pour prĂ©server les Ă©quilibres financiers de l’Etat et Ă©viter les dysfonctionnements de gestion de la chose publique.
Une dĂ©cision qui a suscitĂ© lâindignation des avocats, des juges mais aussi des citoyens qui estiment que cet article va Ă lâencontre des lois en vigueur et du rĂŽle du pouvoir judiciaire dans le rĂšglement des conflits de la relation du citoyen Ă l’administration. Un recul dans cette relation qui risque dâaggraver le rapport de forces de lâadministration. Nâest-il pas plus judicieux de traiter le mal Ă sa racine plutĂŽt que de faire subir au citoyen les consĂ©quences dâune mauvaise gouvernance des collectivitĂ©s territoriales ? Ne faut-il pas prĂ©voir des budgets prĂ©visionnels pour financer les jugements et les dettes plutĂŽt que de choisir la voie la plus facile ? Cette mesure ne risque-t-elle pas dâencourager davantage la mauvaise gestion de la chose publique ? Nâest-elle pas un subterfuge pour dĂ©rober les gestionnaires de leur responsabilitĂ© ? Cela ne risque-t-il pas dâimpacter le climat des affaires et par consĂ©quent dissuader les investisseurs Ă©trangers Ă courir un tel risque ?
Autant de questions lĂ©gitimes que les citoyens se posent et que le gouvernement devrait prendre en compte avant dâacter lâarticle 9 dans la Loi de Finances 2020. Car face aux dettes de plus en plus importantes des communes et par extrapolation des collectivitĂ©s territoriales relatives Ă lâexĂ©cution des jugements, aux dĂ©lais de paiement, au non-respect de leurs engagements vis-Ă -vis du Fonds d’Equipement CommunalâŠ, lâEtat devrait plutĂŽt prendre des mesures Ă leur encontre.
DâaprĂšs un expert en la matiĂšre : « La majoritĂ© des grandes villes se trouvent surendettĂ©es pour des investissements qui les engagent pendant de longues annĂ©es. Câest pourquoi il est nĂ©cessaire de rationaliser l’endettement et dâoptimiser les projets qui doivent avoir un impact tangible sur les citoyens et non enrichir les entreprises et certains PrĂ©sidents de communes en connivence». Pis encore, certaines CT ne prĂ©voient mĂȘme pas les remboursements de leurs dettes dans le budget. RĂ©sultat des courses : en cas de saisie, elles sont Ă court de financement et appellent l’Etat Ă la rescousse.
Aussi, la gouvernance financiĂšre des CT devrait alerter, un tant soit peu, le FEC qui porte dĂ©sormais lâĂ©tiquette de pourvoyeur de fonds mais qui ne mesure pas suffisamment l’endettement dĂ©mesurĂ© des ses dĂ©biteurs. Ce qui l’expose de plus en plus Ă des risques d’impayĂ©s dâaprĂšs notre expert.
Conscient de cette dĂ©faillance et de la nĂ©cessitĂ© de renforcer la performance des communes, la Direction gĂ©nĂ©rale des collectivitĂ©s territoriales (DGCL) travaille sur un chantier colossal pour lâaccompagnement de 100 communes. Il sâagit du programme dâamĂ©lioration de la performance des collectivitĂ©s territoriales avec la Banque mondiale et lâAgence française de dĂ©veloppement. Lâobjectif escomptĂ© : atteindre une bonne gouvernance de la gestion des CT.
La publication des Ă©tats comptables et financiers figure d’ailleurs parmi les 5 conditions obligatoires pour bĂ©nĂ©ficier du programme et par consĂ©quent du financement. La part de chaque commune du fonds est fixĂ©e en fonction de sa performance, ce qui constitue une façon de les motiver Ă se mettre Ă niveau et Ă ĂȘtre plus transparentes. Aussi est-il question de mettre en place des outils pour amĂ©liorer lâĂ©laboration des budgets et le suivi de leur exĂ©cution.