L’an 2018 a été marqué par un ralentissement économique dû essentiellement aux aléas climatiques, soit 3% de croissance contre 4% une année auparavant. Au-delà des précipitations, l’offre marocaine demeure toujours à faible contenu technologique, ne permettant pas de stimuler les exportations et d’inscrire le pays sur des chaines de valeur mondiales à forte valeur ajoutée.
En effet, l’économie marocaine reste peu créatrice d’emplois qualifiés et ne contribue pas à la réduction des inégalités sociales et disparités régionales. Les activités agricoles restent toujours tributaires des changements climatiques, pendant que les investissements en infrastructures ne créent pas assez de postes d’emploi permettant d’améliorer la demande intérieure du Pays. Encore pire, certains secteurs classiques sont toujours au ralentissement avec une tendance baissière constatée les deux dernières années, tels que les BTP (Bâtiments et Travaux Publics) et la métallurgie.
Quant aux activités non agricoles, susceptibles de changer la structure de l’économie marocaine, telles que l’industrie automobile, l’aéronautique, ou l’offshoring, elles ne constituent toujours pas des secteurs matures de l’économie nationale, pouvant stimuler la demande extérieure et par conséquent hausser la valeur des exportations marocaines. De ce fait, l’aggravation du déficit commercial témoigne du faible niveau de compétitivité du tissu économique marocain.
D’autre part, la baisse des recettes touristiques et des transferts des MRE (Marocains Résidents à l’Etranger) pèse toujours sur les réserves de changes de la Banque Centrale. En effet, la dépréciation des réserves en devises pourrait engendrer une hausse des prix, ce qui impacterait négativement le pouvoir d’achat des ménages fragilisé par la décomposition des produits pétroliers et la hausse afférente des produits alimentaires.
S’agissant du chômage, le taux le plus élevé demeure celui des jeunes citadins diplômés, rencontrant de sérieuses difficultés pour l’insertion dans le marché d’emploi qui est quasiment saturé dans le cadre du modèle économique actuel. En effet, le projet d’adéquation formation-emploi devra cibler les secteurs pourvoyeurs de postes, ne serait-ce que pour la réduction du taux de chômage actuel avoisinant les 11%.
Dans la même logique, le changement de la structure de l’économie nationale permettra de stimuler la création cyclique de postes d’emploi durables au niveau du secteur privé, qui est susceptible de stabiliser le chômage et d’en atténuer ses effets négatifs sur le climat social et sécuritaire du pays. Pour cela, la promotion de l’entrepreneuriat social, le support technique et financier aux toutes petites entreprises, l’amélioration palpable de l’environnement des affaires au profit des PME et le soutien aux activités industrielles restent parmi les conditions sine qua non de la nouvelle équation économique.
Concernant le climat des affaires, les défaillances d’entreprises continuent de faire la polémique en dépassant les 8 000 cas par an. Lesdites défaillances sont dues essentiellement au faible carnet de commandes publiques et semi-publiques, ainsi qu’à la problématique des retards de paiement qui persistent malgré la multiplication des mécanismes de réduction des délais (règlementation, observatoire, système intégré…).
Pour ce qui est des finances publiques, le pays est toujours sous pression, en sachant que l’objectif de déficit (3% du PIB) ne permet pratiquement pas d’améliorer le volume des investissements publics et les revenus de la classe moyenne. L’endettement global du Trésor a franchi le cap de 70% du PIB, au moment où l’élargissement de l’assiette fiscale n’est toujours pas opérationnalisé. En effet, il va falloir cibler de nouvelles niches fiscales (population riche, secteurs sous-taxés, activités rentières…) en vue d’améliorer les recettes fiscales de l’Etat en évitant toute surtaxation des ménages.
Eu égard à tout ce qui précède, la relance de l’économie marocaine ne pourra s’opérer sans l’édification d’un nouveau modèle de développement, modifiant en profondeur la structure et les composantes de l’économie marocaine. En effet, de nouvelles mesures économiques doivent être déployés dans le cadre du futur système économique telles que : la généralisation et le financement des systèmes d’arrosage automatique des terres agricoles (limitation de la dépendance des précipitations), la promotion des exportations et le développement des zones d’offshore, le soutien et le financement de la technologie, l’assistance technique et l’accompagnement des PME, et la formation des jeunes sur les métiers d’avenir pourvoyeurs de postes. A bon entendeur !
Youssef Guerraoui Filali
Président du Centre marocain de la gouvernance et du management