Dans son dernier rapport 2016-2017, la Cour des comptes s’est penchée sur l’évaluation de l’aide financière publique octroyée à la presse écrite au Maroc. Il en ressort que malgré l’aide de l’Etat mobilisée dans le cadre de deux contrats programmes entre 2005 et 2016 et qui se chiffre à près de 659 millions de DH, le secteur n’arrive pas à sortir la tête de l’eau.
La situation financière des 243 organes de presse écrite, recensés à fin 2016, demeure fragile. La raison, des arriérés au titre des impôts (DGI) ou de cotisations de la sécurité sociale (CNSS), du contentieux devant la justice, ainsi qu’à la non régularité de parution ou même son arrêt, relève le rapport 2016/2017 de la Cour des comptes. Mais pas seulement, la baisse du volume de la diffusion des titres de presse et l’émergence des médias électroniques, environ 500 sites d’information recensés à fin 2016 soit le double, sont également en cause de cette situation qui a poussé plusieurs organes à mettre la clé sous le paillasson. Et pour ne rien arranger aux choses, les recettes publicitaires ont nettement baissé au profit d’autres médias notamment digitaux.
Face à cette situation, le rapport pointe du doigt l’absence d’un document déclinant la stratégie du ministère chargé de la Communication, qui retrace la vision dudit ministère en matière de gouvernance du secteur de la presse, ainsi que les objectifs fixés et les projets à réaliser par axe stratégique selon un échéancier défini.
Et pourtant, un appel d’offre pour la réalisation d’une étude sur le développement du secteur de la presse écrite a été lancé en 2009 sans issue.
Quid de la mise en œuvre des contrats programmes ?
La Cour des comptes note dans ledit rapport que les contrats programmes (CP) n’ont pas atteint les objectifs escomptés. « Leur mise en place a souffert d’insuffisances d’une part, la faible articulation entre les objectifs des CP qui visent la modernisation des entreprises de presse et le développement d’un modèle économique viable, et d’autre part, les actions financées par les aides qui consistent essentiellement à financer des charges de fonctionnement, et, dans certains cas, des arriérés en matière d’impôts ou de cotisations de la CNSS », lit-on dans le rapport. Il en ressort également que les conventions individualisées avec les entreprises bénéficiaires de l’aide publique n’ont pas été signées. Aussi, plusieurs actions prévues par les CP portant, notamment, sur la signature de la convention de mise à niveau des entreprises de presse écrite ou l’adoption d’un cadre légal de la commission paritaire n’ont-elles pas été réalisées.
Pis encore, depuis 2005, date d’entrée en vigueur du premier contrat programme, aucune évaluation n’a été réalisée par le ministère chargé de la Communication pour apprécier, d’une part, les effets des aides sur le secteur de la presse, et d’autre part, le degré de réalisation des objectifs tels que prévus par les contrats programmes.
Quant au processus d’octroi des aides publiques, la Cour des comptes a également relevé des insuffisances liées aux critères d’attribution des aides fixés par les CP. Elles se manifestent par la difficulté de classement des entreprises de presse à cause de l’absence d’homogénéité des critères retenus par le CP, ainsi que par la non clarification des critères pour bénéficier des aides complémentaires ou exceptionnelles. Le rapport note l’ajout d’une nouvelle catégorie de bénéficiaires et des révisions de l’aide accordée sans recours à un avenant au CP.
Le fonctionnement des commissions pour l’octroi des aides au secteur de la presse pointé du doigt
Autres insuffisances dont souffre le secteur, celles relatives au fonctionnement de plusieurs commissions et sous-commissions instituées par les Contrats Programmes. A cet effet, le rapport révèle le non-respect de la parité dans la commission paritaire de la presse, en raison de l’absence répétée des représentants des autorités gouvernementales. Aussi, le rapport met-il à l’évidence le non-respect du calendrier prévu pour la réunion de la commission paritaire et de la sous-commission technique, ainsi que l’absence de mécanismes pour régler les cas éventuels de conflits d’intérêts.
La Cour relève la non mise en place des structures, notamment, la commission de diffusion, la commission de la fiscalité et de la commission du suivi et d’évaluation prévues par les CP.