Ecrit par Imane Bouhrara |
La marche vers l’avenir est entravée par la corruption. Qui de nous n’a pas souffert de l’injustice de la corruption ? Dans une file d’attente, dans une administration publique ou un cabinet privé, lors d’un appel d’offres ou lors d’un entretien d’embauche ? Tant de frustrations qui, a priori, ne sont pas près de finir.
En effet, en occupant le 87e rang dans le classement mondial, le Maroc non seulement il ne recule pas mais intègre le groupe des pays considérés comme les plus exposés au risque de corruption. Ça fait tâche, d’abord parce que ce classement signe l’échec des efforts entrepris pour lutter contre ce fléau mais aussi parce qu’il est aux antipodes des ambitions affichées par le Maroc, sur tous les plans.
De nombreuses études ont établi que la corruption décourage l’investissement et qu’elle constitue un coût supplémentaire pour les entreprises, en réduisant la profitabilité des projets d’investissement.
Il est également attesté que l’augmentation de l’indice de corruption de 1% réduit de 0,14% le PIB par tête d’habitant. Et l’augmentation de 1 point de l’indice de corruption diminue de 0,004 années l’espérance de vie à la naissance, et de 0,03% l’indice de l’éducation. Le FMI va plus loin puisqu’il établit qu’une augmentation de la corruption d’un point se traduit en une diminution de revenus de 7,8% par an pour les plus pauvres.
Inutile donc de décrire comment la corruption détruit la richesse (pas ceux qui en profitent et la cultivent), réduit l’espérance de vie, dégrade le niveau d’éducation… mais aussi alimente la frustration, le sentiment d’injustice, la lutte des classes et le risque de la reproduire également. Elle érode tout simplement la confiance.
Combien de chances pour que tant de réformes et de projets soient menés à bon escient, lorsque la menace de corruption plane ? Aucune. C’est comme donner des coups d’épée dans l’eau ou se battre contre des moulins à vents.
Il faut souligner à ce stade que la corruption n’est pas uniquement glisser un petit billet par-ci et un autre par-là. Non, la corruption est tout ce qui est de nature à altérer le cours naturel des choses, biaiser les règles, délit d’initié, évasion fiscale, abus de position, et même l’inaction lorsque notre rôle est d’agir. La corruption est toute action du fait de l’homme dont découle un « indu ».
Qui en est responsable ? Tous, mais encore plus l’Etat dont la responsabilité est justement de mettre en place les règles et les sanctions à même de les garantir. L’Etat ne doit pas lutter contre la corruption, il doit prémunir contre sa pratique d’abord, donc en amont avant de sévir en aval.
Aujourd’hui, il n’en fait ni l’une ni l’autre. Si ce n’est le recours à la digitalisation pour diminuer l’intervention de l’homme, car en effet il suffit qu’un maillon soit corrompu pour déteindre sur tous. Mais ce n’est pas assez. Il faut mettre tous les moyens nécessaires pour éviter de succomber à la tentation.
Le citoyen n’est pas exempt, bien que sa responsabilité soit moindre car il ne dicte pas les lois, il est sensé s’y soumettre. La corruption est une valse, où le citoyen est tantôt corrupteur tantôt corrompu. Et souvent il est juste témoin silencieux de ce qui ne doit être. Peut-il faire autrement en l’absence de mécanismes efficaces pour éviter la survenance de la corruption et les outils de la sanction de ses auteurs lorsqu’elle est avérée ?
Le fait est que la corruption n’est pas perçue comme un crime et que son auteur est de ce fait un criminel et non pas une personne cupide.
La faute à la tolérance, beaucoup de tolérance qui nous prive de tant de droits et de chances de développement et de justice. La corruption demeure ainsi largement impunie au risque de devenir la norme.
Aujourd’hui, il ne suffit plus de dénoncer ce phénomène, il faut couper le mal à la racine car nous sommes arrivés à un seuil critique à même de nuire sérieusement à l’image du Royaume.
Pis, la corruption demeure le facteur majeur contribuant à l’inefficacité des actions stratégiques entreprises par le Maroc de par le passé et à l’avenir si aucune politique radicale, courageuse et efficace de lutte contre cette gangrène n’est entreprise sérieusement. Sauf à préférer continuer à brasser du vent !