Les rapports se succèdent, les victimes se multiplient… mais la dilution de la responsabilité persiste.
La Cour des Comptes a procédé récemment à la publication du troisième recueil des arrêts rendus par la chambre de discipline budgétaire et financière au titre de l’année 2017. Il ressort de ce rapport que 34 responsables et agents sont mis en cause au titre de 7 affaires. A l’instar des précédents rapports, les arrêts publiés sont à l’encontre généralement des ordonnateurs et des comptables publics. Dans le cadre des entreprises et établissements publics, l’ordonnateur se confond avec le Directeur.
Aux termes de la loi 61-99 relative à la responsabilité des ordonnateurs, des contrôleurs et des comptables publics,
l’ordonnateur est personnellement responsable :
- du respect des règles d’engagement, de liquidation et d’ordonnancement des dépenses publiques;
- du respect de la réglementation relative aux marchés publics;
- du respect de la législation et de la réglementation relatives à la gestion du personnel;
- des ordres de réquisition dont ils ont fait usage en matière de paiement des dépenses publiques;
- du respect des règles relatives à la constatation, à la liquidation et à l’ordonnancement des créances publiques;
- du recouvrement des créances publiques dont ils ont éventuellement la charge en vertu de la législation en vigueur;
- du respect des règles de gestion, du patrimoine de l’organisme public en leur qualité d’ordonnateurs de recettes et de dépenses.
Les établissements et entreprises publiques sont administrés par un Conseil d’administration. Celui-ci est épaulé par un comité de Direction chargé, dans l’intervalle des réunions du conseil, de suivre la gestion et, éventuellement, régler toutes les questions pour lesquelles il a reçu délégation du Conseil d’administration.
L’examen des textes de création de pratiquement tous les établissements et entreprises publiques révèle que le Directeur ne fait qu’exécuter les décisions du Conseil d’administration.
Si le directeur, au courant de l’exercice, n’applique pas les résolutions du Conseil d’administration, il est censé être rappelé à l’ordre par les organes de gestion cités ci-haut. Il s’agit donc d’une gestion collégiale marquée par l’intervention de plusieurs entités. La responsabilité est donc partagée.
Le rapport de la Cour des comptes publié deux ans ou trois ans après la clôture de l’exercice, pointant du doigt toutes les infractions budgétaires, est un signal fort que la bonne gouvernance fait cruellement défaut dans le ou les établissements en question. Elle reflète la dilution des responsabilités ouvrant la voie à la dilapidation des deniers publics. Donc, nous ne pouvons incomber la responsabilité au seul directeur.
Autre fait important à signaler est que le Directeur n’est pas nommé par le Conseil d’administration. Il peut être nommé par Dahir, après délibération du Conseil des ministres, s’il s’agit d’un établissement stratégique ou en conseil de gouvernement lorsqu’il relève d’un établissement ou entreprise où l’Etat participe de manière directe au capital. Cela permet ainsi au Conseil d’administration de surfer sur cette vague se destituant de sa responsabilité sous prétexte qu’il n’a jamais été associé à la nomination du Directeur. Et dans plusieurs cas, le Directeur rend plus compte à sa tutelle qu’à son Conseil d’administration.
Cela dit, n’est-il pas opportun d’autoriser le Conseil d’administration de nommer le Directeur de l’entreprise ou l’établissement public ? Et revoir la loi 61-99 pour responsabiliser davantage toutes les parties prenantes de la chaîne de l’exécution de la dépense publique. Ce jour-là nous pourrons être sûrs d’impliquer davantage les organes de gestion dans le quotidien des établissements publics, d’instaurer la bonne gouvernance, d’atténuer la dilapidation des deniers publics et de garantir la reddition des comptes.
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