Covid-19 a eu certes raison de notre économie mais n’a pas pu mettre à terre la générosité des marocains. Une avalanche d’aides atterrissent dans le fonds de gestion de la pandémie. Si l’aide privée se faufile rapidement dans ledit fonds, l’aide publique est retardée par la bureaucratie administrative.
La solidarité contre Covid-19
Pour faire face aux effets désastreux du Covid-19 sur l’économie nationale, les pouvoirs publics ont créé le Fonds spécial pour la gestion de cette pandémie. En le dotant de 10 Mds de DH, l’État donne le la de la générosité. A l’appel de générosité publique lancé par les pouvoirs publics, plusieurs entités et personnalités ont fait preuve de philanthropie. Les riches comme Crésus ont avancé des millions voire des milliards, ceux frappés de pingrerie ou les personnes démunies peuvent manifester leur solidarité en envoyant un SMS au 1919.
En inventoriant les dons effectués plantureusement jusqu’à présent, j’ai envie de couler un mot à l’oreille de plusieurs de nos compatriotes : il ne faut plus prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages. Certains diront que celui qui cache sa générosité est doublement généreux. A ceux-ci, nous répondons que la médiatisation des dons permettra à la bonté qui sommeille dans notre corps de s’éveiller. Il importe en ce moment de crise de réaliser que la vraie générosité envers l’avenir consiste à tout donner au présent.
Des budgets modificatifs : covid-19 oblige
Si les fonds promis par le secteur privé peuvent rallier le fonds en deux temps, trois mouvements, ceux annoncés par le secteur public tomberont de fil en aiguille. Cette dépense imprévue ne peut être débloquée sans satisfaire certaines prérogatives. En effet, l’article 31 du décret royal sur la comptabilité publique stipule que : « les dépenses des organismes publics doivent être prévus à leur budget et être conformes aux lois et règlements ».
Il devient donc impératif de procéder à l’élaboration de budget modificatif pour intégrer cette dépense tombée comme un cheveu sur la soupe. Inutile de rappeler que pour ne pas alourdir les démarches et allonger les délais, le montant de la contribution des Établissements publics sera sûrement viré d’autres chapitres et rubriques tout en sauvegardant les montants globaux initialement autorisés sans variation. Pour ce faire, plusieurs cadres de notre pays doivent abattre un travail de titan : chapeau bas. D’aucuns diront qu’en période d’urgence, il faut transgresser pour progresser. A ceux-ci, nous répondons que la loi doit avoir autorité sur les hommes.
Liquidation des subventions
Une fois les budgets modificatifs approuvés et visés, la liquidation des montants des contributions devra surmonter une autre contrainte posée par les dispositions de l’arrêté du ministre de l’Économie et des Finances n°874-13 fixant la nomenclature des pièces justificatives pour le visa des actes d’engagement de dépenses des Établissements publics soumis au contrôle préalable. En effet, cet arrêté ne traite que des subventions et dons accordés aux associations et aux organismes de recherche prévus par les textes législatifs en vigueur. Eh oui, l’État, donateur de nature ne s’est jamais imaginé faire appel à la bonté de ses enfants.
Seuil oblige
Une fois les érudits des finances publiques auront trouvé un échappatoire pour contourner ces difficultés, ordonnateurs et contrôleurs d’État seront invités à signer conjointement la décision d’octroi de la subvention au profit du fonds. La seule signature de l’ordonnateur ne serait suffisante du moment que le montant de la subvention dépassera le seuil usuel de 30.000 DH. Tout ça pour dire que L’État en voulant tout verrouiller s’est trouvé enfermé dans ses pièges. Il est question d’ores et déjà d’intégrer la donne d’incertitude, d’insécurité ou de guerre lors de la conception de nos textes.
Et la fiscalité
En parlant des finances publiques, puisant leur essence des impôts et taxes, les munificents ne doivent pas prétendre à la déductibilité fiscale de leurs dons (l’encadré publié sur le site de la DGI n’a pour l’instant aucune base juridique sauf régularisation postérieure dans le cadre de la réglementation de l’urgence sanitaire).
En effet, l’article 10 du Code général des impôts énumère de façon limitative les dons admis en déduction. Le fonds, nouveau-né ne fait pas partie de cette liste. Leur admission en déduction aurait surpris à plus d’un titre. En effet, les dons accordés se traduiraient du moins partiellement en un acompte sur l’impôt et la générosité serait alors partagée avec le contribuable alors que les caisses de L’État ont besoin d’argent donné à fonds perdus.
A bon entendeur
En réelle épidémie de sérieux qui nous envahie est à l’heure actuelle une affaire de première urgence, mais l’urgence ne doit pas nous conduire à enfreindre la loi et faire des raccourcis. Nos textes doivent apprendre dorénavant que ce n’est pas tous les jours dimanche.
1 comment
Bravo, très belle plume hormis quelques fautes que j’espère d’inattention ou de frappe!
Une échappatoire !!!