Vaille que vaille 2020, marquée par la Covid-19, devrait être une année de rupture avec le passé. Or les mesures proposées par le Patronat demeurent somme toute très limitées et non disruptives pour aider le Maroc à entrer dans une nouvelle ère post-Corona.
La rentée économique s’annonce chaude essentiellement dans un contexte de crise sanitaire qui a bouleversé pratiquement tous les codes. On s’attendait à des dispositions économiques innovantes. Autrement dit, en vue d’un amorçage réussi de la relance économique, les pouvoirs publics et les opérateurs sont acculés à faire preuve d’ingéniosité.
Or, à peine assimilée une Loi de Finances rectificative qui manque d’audace, sous prétexte de préserver les sacro-saints équilibres macroéconomiques, que la CGEM nous éructe des mesures standards qui n’ont rien d’innovant.
Les vieilles mesures ont la peau dure
Le Patronat à son tour n’arrive pas à rompre avec le passé et pourtant nous avons une nouvelle équipe aux manettes. Le recueil des propositions servi pour cette rentrée économique sous le signe de la relance ne se démarque nullement des propositions des années précédentes à telle enseigne que l’on se demande si 2020 ne revêt-elle pas un caractère exceptionnel.
Reste que cette fois-ci l’exception fait la règle. Les scientifiques prédisent que l’humanité entière n’est pas à sa dernière dure épreuve face à la pandémie. D’autres sont à prévoir, des crises sanitaires ou autres pourraient s’enchaîner et Dieu seul sait leur degré de gravité.
Bref en énumérant les mesures proposées hier mercredi par le Patronat, nous avons cette impression du déjà-vu. A part les propositions sur le plan sanitaire, attention, pour endiguer la propagation de la pandémie, celles sur le plan économique n’ont rien de révolutionnaire dans un contexte très fluctuant. Et pourtant la crise sanitaire a bien mis en exergue nos failles, nos défaillances, nos défauts et nos incohérences. Elle a dévoilé au grand jour que notre économie n’est nullement résiliente.
Nombreuses sont les entreprises qui du jour au lendemain de la crise se sont trouvées dans des situations délicates menaçant leur survie. En sapeur pompier, le comité de veille économique, constitué à l’occasion, a apporté des mesures de soutien pour sauver les meubles. L’Etat est d’ailleurs obnubilé par la relance mais peu de la résilience.
Mais après, les ressources financières étant limitées, que faut-il faire si la crise perdure ?
Vaille que vaille 2020 devrait être une année de rupture avec le passé. Or les mesures proposées par le Patronat demeurent somme toutes très limitées pour aider le Maroc à entrer dans une nouvelle ère. Elles se résument à des requêtes fiscales, à des injections de fonds financiers, à des doléances qui datent d’avant la Covid-19… On semble oublier qu’il devra y avoir un avant et un après Corona. Des propositions qui malheureusement montrent qu’on n’a pas bien retenu les leçons de la pandémie.
On parle de résilience et de compétitivité, mais justement quelles sont les mesures proposées pour que nos opérateurs puissent être compétitifs ? Encourager la consommation du Made morocco, nous en convenons mais comment si la qualité ne suit pas ? Pouvons-nous réussir la préférence nationale sous la menace de la corruption avec tous ses effets collatéraux ?
Nous ne pouvons aller de l’avant et réussir le pari de la compétitivité que si nous sommes innovants. Des dispositions économiques ou fiscales, peu importe, seraient souhaitables pour encourager la recherche et le développement (R&D) dans notre pays. Un partenariat public-privé est à encourager en matière de R&D. Ne dit-on pas que c’est en temps de crise, qu’on choppe les opportunités pour tirer les bonnes leçons ?
Des indicateurs à faire rougir…
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 2017, les dépenses en R&D représentaient seulement 0,8% du PIB alors que la moyenne mondiale se situe à 2% du PIB. Plusieurs pays de l’OCDE ont dépassé le seuil de 3%. D’autres pays comme la Corée du Sud et Israël ont dépassé le seuil de 4% en 2017. Au Maroc, en 2010 et selon la dernière statistique disponible à la Banque Mondiale, ce ratio était de l’ordre de 0,71% du PIB. Nominalement, on serait tenté de dire qu’on avance comme une tortue. Mais après avoir déflaté les chiffres, on constate qu’on avance à reculons.
Un autre indice nous renseigne sur la modestie de la R&D au Maroc et devant faire rougir nos responsables, réside dans le nombre de brevets d’origine marocaine délivrés par l’OMPIC. Ainsi, cet organisme a délivré en 2018 126 brevets contre seulement 74 brevets en 2017. Le nombre de brevets en vigueur en 2018 est de 8.364 au Maroc contre 4.145 brevets en 2017. Bien qu’on ne puisse soutenir la comparaison avec la Chine, l’Empire du milieu a délivré en 2018 326.970 brevets contre 326.959 en 2017. Ce pays dispose à fin 2018 à son actif de 2.366.314 brevets contre 2.085.367 brevets à la fin de 2017. Pour un pays comme l’Hexagone, le nombre de brevets délivrés en 2018 est de 19.186 brevets contre 17.530 en 2017. C’est donc sans commentaire.
Une chose est cependant sûre: avec la levée de la pandémie associée à la Covid-19, il sera question d’affronter à visage découvert la question de R&D au Maroc. L’État doit se désengager à doses homéopathiques et libérer de la place au secteur privé dans le cadre du Partenariat-Public-Privé. Il n’est plus admis à l’aune du 21ème siècle de mettre le doigt dans l’œil en autorisant des dotations budgétaires dans des projets foireux. Le Maroc ne peut faire l’exception : ce sont les hommes de science qui sauveront le monde et provoqueront cette disruption tant souhaitée.
Voir également : [WebTV] PLF 2021 : les propositions du Patronat à l’ère de la Covid