Durant le confinement, la valeur de l’indice de Gini est passée de 0,395 à 0,585 et 0,541 et ce malgré les mesures financières ciblées prises par les autorités pour venir en aide aux personnes ayant perdu leurs revenus.
Crise sanitaire et répercussions économiques et sociales au Maroc est l’œuvre d’un collectif de chercheurs membres et affiliés à l’ERECA domiciliée à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de l’Université Hassan II. Le leitmotiv qui a poussé les membres de ce collectif à réaliser ce travail étalé sur près de cinq mois, est de contribuer à nourrir la réflexion sur l’évaluation des divers effets d’une crise majeure et des possibles conditions d’en sortir avec le moindre mal.
Le Collectif consacre une partie de son travail à étudier l’impact économique de la crise du Covid-19 sur les ménages marocains en se demandant si les mesures financières ciblées (personnes exerçant dans les secteurs privés formel et informel), prises par les autorités ont permis d’en atténuer le choc potentiel. A ce titre, les auteurs utilisent l’Enquête Nationale sur la Consommation et les Dépenses des Ménages de 2014, riche en informations sur les caractéristiques socio-économiques des ménages et dont ils actualisent pour 2020, les données sur les dépenses de consommation à partir de la croissance annuelle réelle de la consommation émanant des comptes nationaux. Le nombre de bénéficiaires du RAMED a également été actualisé à partir des données de 2014 en se basant sur la méthode d’appariement, ce qui a permis d’estimer le nombre de bénéficiaires (théoriques) des mesures gouvernementales. Il représente plus de la moitié des ménages marocains, soit 58%.
Les inégalités sociales ont la peau dure
Pour une estimation de l’impact économique potentiel de la crise sur les ménages, les auteurs calculent un indice d’exposition au risque de perte de revenu dû au confinement en combinant trois variables (quintiles de dépenses, niveau scolaire, affiliation à la CNSS) via l’analyse en composantes multiples.
Plus l’indice est proche de 0, plus l’individu est soumis au risque de perte de revenu. Les résultats montrent que les actifs hommes et les ruraux sont plus exposés à ce risque que les femmes ou que les actifs urbains. Les auteurs simulent ensuite les baisses de consommation pour les actifs qui ont cessé leurs activités et ceux qui ont pu poursuivre leurs activités, puis sur les ménages en proposant plusieurs scenarii selon que les ménages comportent un ou plusieurs bénéficiaires des aides de l’État (affiliés au RAMED et/ou à la CNSS ou encore actif dans le secteur informel). Les résultats montrent que les mesures prises suite à la crise sanitaire et aux dispositions de confinement, ont conduit à une relative atténuation de la dégradation des niveaux de vie des classes aisées mais pas à une réduction des inégalités. Les résultats montrent que, durant le confinement, le taux de pauvreté est passé de 3,33% à 34,8% (scénario pessimiste) et 29,4% (scénario optimiste). Ce taux enregistre des valeurs de 27,6% (scénario pessimiste) et 21,7% (scénario optimiste) après l’octroi des aides. Les simulations des auteurs indiquent que cette période a connu une accélération des inégalités. Durant le confinement, la valeur de l’indice de Gini est passée de 0,395 à 0,585 et 0,541 (en considérant les deux scénarii respectivement). Cet indice enregistre des valeurs de 0,508 (scénario pessimiste) et 0,477 (scénario optimiste) après l’octroi des aides.
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