Voilà maintenant cinq mois que les Marocains font l’objet de décisions et de contre-décisions dans le cadre de la riposte du Maroc au Covid-19. Nombreuses de ces décisions ont plongé les Marocains dans le désarroi. La gestion de la rentrée scolaire et universitaire 2020-2021 est le dernier épisode en date.
Alors qu’au début de la pandémie du Covid-19, les citoyens marocains applaudissaient l’action rigoureuse menée pour faire face à une crise sanitaire et économique sans précédent, le sentiment de satisfaction même tronqué a commencé à se dissiper depuis la recrudescence des cas et des victimes à partir de la fête du sacrifice.
Une fête qui a créé la polémique d’ailleurs vu les décisions contradictoires de l’Exécutif du maintien de ce rite dans un contexte épidémiologique à haut risque et de l’interdiction des déplacements vers et depuis huit villes du Royaume.
Cette décision controversée n’est pas la première d’une série qui a suivi le choix d’allègement du confinement avec une levée progressive des restrictions puis d’une volte-face des autorités qui pointent l’indiscipline des citoyens.
Soit, mais ces mêmes autorités ne disposaient-elles pas d’indicateurs de ce relâchement étant donné que l’allègement s’est fait par phases ? Dès lors pourquoi une troisième phase d’allègement à partir du 19 juillet si le respect des mesures sanitaires était en jeu ? Surtout face à l’éclatement de foyers de contamination et la recrudescence du virus dans des villes comme Tanger ou Fès.
Là encore, les citoyens peinent à saisir le message qui leur est destiné : encourager le tourisme interne mais ne voyager qu’en cas de nécessité. Force est de reconnaître que déchiffrer ce genre de directives est pour le moins difficile.
Certes le déconfinement est un impératif pour limiter l’impact économique de la pandémie puisqu’un confinement est à la longue insoutenable sur tous les plans, mais tant que le virus continue de circuler, il relevait du devoir des autorités de poursuivre le contrôle du respect des mesures barrières pour limiter les risques de transmission et éviter la pression sur le système de santé national.
Saturation du système de soin
Sur ce dernier point, on ne peut pas dire qu’il y a eu réussite. Les autorités ont-elles lâché du lest au-delà de leurs moyens et capacités de contrôle tablant sur une responsabilisation des citoyens ? Tout prête à le croire.
En effet, dès fin juillet, les réseaux sociaux s’enflamment avec la circulation d’informations, de vidéos et d’images sur la prise en charge des malades Covid-19 par le système de soins publics. La saturation des hôpitaux est même arrivée plus vite que ce que prévoyaient les scénarios de déconfinement dévoilés par le HCP.
Sur un autre plan, le nombre des nouveaux cas covid-19 dépasse la barre des 1.500 cas quotidiens et une trentaine de morts par jour. Et là encore, les tests PCR ne sont pas effectués pour tous les cas suspects. En effet, dans des villes comme Tanger ou Fès, même les numéros d’urgence sont saturés et les personnes qui ressentent les symptômes de l’infection sont priées de rester chez-elles et de se confiner loin de leurs familles. Ce qui est difficile voire impossible multipliant ainsi le risque de résurgence de foyers familiaux et même dans des quartiers, fermés par la suite par les autorités.
Ce que le ministère présente comme un protocole de soins à domicile des malades asymptomatiques entré en vigueur début août est vite élargi même aux cas symptomatiques (face à la saturation des unités de soins dédiées au Covid-19) qui ne sont pris en charge (encore faut-il trouver un lit) que lorsque le cas s’aggrave. Ce qui signifie qu’une partie des nouveaux cas qui n’ont pas fait de test ne sont pas comptabilisés. La surveillance téléphonique est quasiment absente face à la recrudescence des cas.
Aussi, le traitement à la Chloroquine disparaissait-il des radars remplacé par l’Azithromycine sans aucune explication de la part des autorités sanitaires. L’approche sécuritaire empiète ainsi que l’approche sanitaire puisqu’aucune communication ne vient expliquer de la prise en charge des malades dans ces quartiers fermés et des moyens mis en place pour que leurs habitants ne contractent pas le virus. Un loupé de communication qui aurait pourtant un effet apaisant sur l’opinion publique.
A l’heure actuelle et malgré les décisions récentes pour rattraper le coup, la situation épidémiologique ne s’améliore pas à moins de dix jours de la rentrée scolaire.
Autant dire que sur le plan sanitaire, telle une vague scélérate, le Covid-19 est en passe de balayer tous les acquis et efforts consentis de ces cinq derniers mois. Et face à la communication ambiguë et les zones d’ombre, les citoyens ne se sentent pas rassurés et le font savoir dans les réseaux sociaux. Le Covid-19 a fait tomber (une fois de plus) le masque sur la triste réalité du système de santé nationale et sème le doute sur » l’ingéniosité » de l’exécutif à lisser les effets domino de la crise sanitaire sur les autres volets de la vie des Marocains.
Une rentrée à haut risque
Après le triste épisode ayant opposé les parents d’élèves aux écoles privées, le ministre de l’éducation a fait montre d’un talent hors pair dans l’art de tenir le bâton par le milieu. Et c’est justement ce qu’il a fait pour la rentrée scolaire 2020-2021.
La situation épidémiologique ne s’améliorant guère, le ministre de l’éducation nationale avait la lourde tâche de pondre un plan de gestion d’une rentrée scolaire à haut risque.
Cette nouvelle stratégie qui offre le choix aux parents entre présentiel et distanciel pour la scolarité des enfants a dérouté aussi bien les parents d’élèves, le corps enseignant que les établissements qui se retrouvent impliqués directement dans la mise en place et le respect des mesures sanitaires. Or, l’OMS a averti sur la réouverture des écoles dans les pays qui enregistrent un fort taux de contamination.
Pour être impartial, il faut reconnaître que cette question turlupine tous les États dont la plus part tranche sur la question puisqu’il relève de la responsabilité des autorités de chaque pays de décider au lieu de mettre les parents face à un choix cornélien : sacrifier la scolarité au profit de la sécurité des enfants ou se rendre à l’évidence qu’il faudra vivre ou plutôt survivre avec le virus.
Les parents se sentent tout simplement livrés à eux-mêmes. Pour preuve, la décision a donné lieu à la création de forum et de groupe Whatsapp viennent chercher conseil et des arguments pour fonder leur décision finale avant le 3 septembre, date d’échéance de dépôt du formulaire pour les parents qui optent pour le présentiel.
Le sentiment aujourd’hui est qu’après cinq mois de crise sanitaire, les autorités publiques, particulièrement sanitaires, semblent dépassées par le cours des événements imposés par la crise sanitaire et délaissent la communication pourtant facteur clé de confiance du grand public. Et dire que l’OMS espère une sortie de la crise sanitaire dans deux ans. Il est plus que temps de se ressaisir.