L’étude menée par deux auteurs montre que les vaccins anti Covid-19 parviennent à ralentir efficacement la trajectoire des nouvelles infections et celle des nouveaux cas graves (et donc des décès). Mais sous quelles conditions ?
La pandémie de la Covid-19 continue de générer des millions d’infections et de décès à travers le monde. Pour l’éradiquer, les pays mobilisent d’énormes efforts pour vacciner leurs populations et réussir ainsi à atteindre l’immunité collective.
Dans ce papier, les deux auteurs Moubarack Lô et Amaye Sy de Policy Center For the New South évaluent l’efficacité de la vaccination anti Covid-19, autrement dit sa capacité à stopper réellement la progression des infections et des décès.
A cet effet, un travail de recherche a été effectué par les auteurs pour estimer les premiers impacts potentiels de la vaccination dans un certain nombre de pays qui ont les taux de vaccination les plus élevés au sein de leur continent (Israël, Etats-Unis, Royaume-Uni) et au sein de l’Union européenne.
L’analyse des données désagrégées en Israël, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis montre que la campagne massive de vaccination entreprise dans ces pays explique, dans une large mesure, la réduction drastique des nouveaux décès et des nouvelles infections qui y sont constatés. La vaccination est donc efficace dans ces trois pays.
Pour les pays de l’Union européenne, la mise en œuvre d’un modèle économétrique de panel montre que même si les taux de vaccination n’ont pas atteint à ce stade un niveau suffisant pour générer des effets élevés, les différences de degré de vaccination sont significatives sur les différences de dynamiques comparées des nouveaux décès et des nouveaux cas dans les pays membres de l’UE.
En Israël, la campagne de vaccination a été lancée le 20 décembre 2020, en utilisant uniquement le vaccin développé par BioNTech et Pfizer. Dans les premières phases du processus, les personnes prioritaires retenues étaient celles à risque : les personnes âgées de plus de 60 ans, les agents de santé et les individus souffrant de comorbidités sévères. La campagne est élargie aux personnes âgées de 55 ans et 40 ans ou plus, respectivement les 12 et 19 janvier 2021. A partir du 21 janvier 2021, les élèves âgés de 16 à 18 ans rejoignent les cibles de la vaccination. Le 28 janvier, la campagne de vaccination s’étend aux personnes âgées de 35 ans et plus. Le 4 février, toutes les personnes âgées de 16 ans et plus sont éligibles pour recevoir le vaccin.
Au Royaume-Uni, la campagne de vaccination anti Covid-19 a été lancée le 08 décembre 2020, en utilisant les vaccins Pfizer–BioNTech, AstraZeneca et Moderna. Les quatre principaux groupes cibles pour la vaccination sont dans l’ordre de priorité : (1) les résidents des maisons pour personnes âgées et les personnels travaillant dans ces résidences, (2) toutes les personnes de 80 ans et plus et le personnel de santé en première ligne, (3) toutes les personnes de 75 ans et plus, (4) toutes les personnes âgées de 70 ans et plus et les personnes cliniquement vulnérables (à l’exclusion des femmes enceintes et des moins de 16 ans).
L’objectif du Royaume-Uni était d’offrir les premières doses à 15 millions de personnes dans les quatre principaux groupes prioritaires à la date du 15 février 2021. Cet objectif a été atteint le 14 février 2021, selon les autorités. Un autre objectif est d’administrer un total 32 millions d’ici le milieu du mois d’avril. Au 12 mars 2021, près de 24,7 millions de doses de vaccin avaient été administrées à près de 23,3 millions de personnes dans le Royaume, correspondant à 34,3% et à 2,1% des habitants qui ont reçu respectivement au moins 1 dose et 2 doses
Aux Etats-Unis, la campagne de vaccination anti Covid-19 a été lancée le 14 décembre 2020, en utilisant les vaccins Pfizer–BioNTech et Moderna, et depuis le 1er mars 2021 Johnson & Johnson. Les groupes prioritaires pour la vaccination sont les personnes de plus de 65 ans et les personnes cliniquement vulnérables (souffrant de comorbidités). L’objectif de la nouvelle administration américaine est de vacciner 300 millions de personnes d’ici la fin du mois de juillet 2021. Au 12 mars 2021, 101 128 005 doses de vaccin avaient été administrées à près de 65 965 305 personnes dans le pays, correspondant à 19,72% et 10,47% qui ont reçu respectivement au moins 1 dose et 2 doses de vaccin
Afin d’estimer provisoirement le degré d’efficacité réelle de la vaccination en Israël, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, les auteurs comparent à chaque fois deux groupes de populations avec des niveaux de vaccination différents. Pour chaque comparaison, ils analysent la dynamique du nombre de nouveaux cas, du nombre de nouveaux décès et du nombre de nouvelles hospitalisations pour cas graves, si les données sont disponibles. Ces analyses aboutissent aux constats suivants.
Le premier constat qui en découle est que dans chacun des pays, le pic de la dernière vague, observé en janvier 2021, est sans lien avec la campagne de vaccination démarrée en décembre 2020. En effet, malgré les différences de taux de vaccination par catégories, tous les groupes d’âge observent le pic des nouvelles infections à la même date autour du 17 janvier 2021 en Israël, dans la semaine du 22 janvier 2021, au Royaume-Uni, dans la semaine du 16 janvier 2021, aux Etats-Unis.
Dans chacun des pays, entre janvier et février 2021, la diminution des nouveaux cas est plus importante et plus précoce chez les personnes âgées que chez les personnes plus jeunes qui ne sont devenues éligibles au vaccin que quelques semaines plus tard.
Les vingt-sept (27) pays de l’Union européenne (UE) ont adopté une stratégie unifiée que met en œuvre la Commission européenne, en matière d’agrément, d’achat et de distribution de doses de vaccin, qui sont réparties entre les pays membres sur la base du critère démographique.
A la date du 03 mars 2021, la Commission européenne a conclu des accords avec plusieurs producteurs de vaccins, portant sur plus de 2 milliards de doses, bien plus que la population de l’UE d’environ 450 millions d’habitants. Trois vaccins ont été autorisés : ceux de Pfizer-BioNTech, de Moderna et d’AstraZeneca.
L’UE s’est fixée comme objectif de vacciner 70% de l’ensemble de la population adulte d’ici l’été 2021. Au 16 mars 2021, près de 52,77 millions de doses de vaccin avaient été administrées à près de 37 millions de personnes dans l’UE, correspondant à 8,32% et à 3,5% qui ont reçu respectivement 1 dose et 2 doses de vaccin (voir figure 18 ci-dessous). Le nombre de doses pour 100 habitants varie fortement entre les pays, se situant entre 4,98 (pour la Bulgarie) et 29,64 (pour Malte). Chez les personnes âgées de plus de 80 ans, au 21 février 2021, selon le pays, entre 0,4% et 77,2% ont reçu une dose de vaccin, la médiane se situant à 25,1%.
A la même date, la proportion médiane des personnes âgées de plus de 80 ans ayant reçu deux doses se situe à 10,5%, avec un intervalle de fluctuation de 0,1% à 32,8%. L’UE a également identifié des groupes de population qui devraient accéder prioritairement aux vaccins : personnels de soins, personnes de plus de 60 ans, personnes à risque, groupes socioéconomiques défavorisés.
Principales conclusions
L’analyse des données désagrégées en Israël, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis qui figurent parmi les pays qui ont administré le plus de doses de vaccin anti Covid-19 par habitant dans le monde au 18 mars 2021, montre que la vaccination a incontestablement été efficace dans ces pays. En effet, la campagne massive de vaccination entreprise dans ces pays explique, dans une large mesure, la réduction drastique des nouveaux décès et des nouvelles infections qui y sont constatées. La vaccination est donc efficace dans ces trois pays.
Pour les pays de l’Union européenne, les analyses montrent que les taux de vaccination y sont à ce stade partout faibles mais que les différences à ce niveau sont significatives sur les différences de dynamique des nouveaux décès et des nouveaux cas.
En définitive, les analyses qui précèdent permettent de tirer l’enseignement majeur ci-après : les vaccins anti Covid-19 parviennent à ralentir efficacement la trajectoire des nouvelles infections et celle des nouveaux cas graves (et donc des décès).
Toutefois, ces impacts apparaissent une fois qu’une large fraction de la population est vaccinée (au moins 20%). Il est, donc, fort probable que le monde guérira de la pandémie lorsqu’une majorité de pays atteindront les seuils de vaccination établis permettant l’atteinte de l’immunité collective. D’ici là, la campagne de vaccination doit être menée concomitamment avec l’application de mesures (restrictions administratives, y compris aux frontières, distanciation, port de masque, lavage fréquents des mains) susceptibles de stopper la dynamique de la pandémie en cas de recrudescence des cas.