Ecrit par Soubha Es-Siari |
Un taux de croissance de 4,6% en 2021. Pouvons-nous dire que notre économie repart à fond les ballons ? Ou bien on repart plus fort parce que tout simplement nous avons baissé plus fort ? Il ne faut pas omettre que cette reprise est alimentée par des injections de liquidités par la Banque Centrale, des mesures de soutien de toutes sortes et un plan de relance de 75 Mds de DH.
Depuis quelques semaines, les pronostics de croissance économique nationale élaborés aussi bien par les institutions nationales qu’internationales donnent le vertige et nous ne savons à quel chiffre nous vouer.
Et pour cause derrière ces taux intéressants ou cette embellie se cache un scénario marqué par les incertitudes pour ne citer que la hausse des cours des matières premières à l’échelle internationale, la hausse du chômage, la fin des aides de l’Etat qui pourraient perturber ces prévisions.
Sur le plan international, le monde économique garde les yeux rivés sur les taux d’emprunt des dettes monumentales contractées par les pays toutes catégories confondues, la reprise de l’inflation… à telle enseigne que l’on qualifie la reprise post pandémie d’une reprise à haut risque.
Autrement dit, il y a des signes encourageants, en apparence, mais derrière on retrouve des signaux faibles qui planent sur le monde entier. En Europe, on parle d’une prévision de croissance de 5,7%, la plus forte croissance depuis plusieurs décennies.
En effet, bien que l’on compare à une année difficile marquée par la pandémie, les analystes ne cachent pas leur enthousiasme.
Mais cela ne les a pas empêchés pour autant de citer certains signaux alarmants tels que la reprise de l’inflation aux Etats-Unis, soit à un taux oscillant autour de 4%, la légère hausse des taux d’intérêt (on n’est plus dans la phase des taux négatifs) craignant à coup sûr le reversement de la tendance. Parce que si la mécanique s’inverse, il faut s’attendre à un effet boule de neige en matière de dettes publiques.
4,6% de croissance en 2021, pouvons-nous nous réjouir ?
Au Maroc, si l’on croit les dernières estimations de la Banque Mondiale, on parle d’un taux de croissance économique de 4,6% en 2021. Certes, il s’agit d’une embellie comparativement aux années précédentes mais il ne faut tout de même pas omettre qu’en 2020, année de pandémie, le taux de croissance a baissé drastiquement de -7%.
Donc l’appréciation de ce rebond est sujette à plusieurs considérations. Comme le disent les plus érudits, ce qui est difficile à commenter sur le plan macroéconomique, il est opportun de l’extrapoler sur le plan microéconomique.
Si l’on prend l’exemple d’un commerçant ayant perdu l’an dernier 20% de son chiffre d’affaires, il doit gagner cette année plus de 30% parce que certainement il a des dettes à payer, des échéances fiscales reportées, des intérêts moratoires …
Bref, il a besoin plus que ce qu’il a perdu en 2020 pour se rattraper et pour qu’il puisse rembourser ses dettes à échéance. A ce titre, il faut que les entreprises (en matière d’investissement) et les Etats (politiques budgétaires) fassent les bons choix.
Donc il se peut que le taux de 4,6% soit insuffisant pour créer une réelle dynamique de notre économie essentiellement orientée vers les services et le tourisme.
Aussi, concernant les 4,6%, il faut voir si la croissance sera égale pour tout le monde voire tous les secteurs d’activité. C’est toute la difficulté qui puisse entraîner dans son sillage une dichotomie entre les secteurs. Ils ne seront donc pas logés à la même enseigne.
Parce que certains secteurs vont pouvoir profiter de la reprise tels que la construction (reprise des chantiers), l’industrie (les industries métallurgiques, les produits électroniques, les industries agroalimentaires…) mais d’autres risquent de reprendre très lentement notamment les services marchands.
Le risque peut émaner des ménages qui souhaitent épargner au lieu de consommer à cause justement de la pandémie qui persiste bien qu’à des proportions inférieures. D’aucuns vont craindre pour leur emploi au moment où d’autres raisonnent à moyen et long terme préférant mettre du beurre dans les épinards.
Cette reprise est donc exceptionnelle parce que dès le départ la réponse à la crise était exceptionnelle. Elle est marquée par des injections de liquidités par la Banque Centrale, des mesures de soutien de toutes sortes (crédits garantis, report des échéances fiscales…) et un plan de relance de 75 Mds de DH.
Pour éviter un choc brutal, l’Etat est appelé à agir avec sagesse en matière de retrait de soutien aux entreprises, il ne doit surtout pas débrancher les machines d’un seul coup au risque de voir ces entreprises sous-perfusion tomber en faillite.
Des questions restent ainsi posées : avec la fin des aides de l’Etat, ne risque-on pas de se retrouver avec des faillites en cascade des entreprises fragilisées fortement par la pandémie avec pour toile de fond le confinement ? Justement à quel moment l’Etat peut-il commencer à retirer les béquilles ?