Dans l’attente de la refonte du modèle de développement, il n’est pas inutile d’avoir un document d’orientation de politique générale, question d’essayer de suivre vers où vont nous mener toutes les politiques publiques engagées. Rien ne justifie l’économie d’un pilotage efficient de ces politiques et leur mise en cohérence.
Il ne passe pas une année sans qu’un discours royal ne vienne rappeler l’importance de la mise en cohérence des politiques publiques. A titre d’exemple, le discours royal adressé à la nation le 18 mai 2005, et dans lequel le Roi Mohammed VI a déclaré : « Tout en veillant à ce que chacun demeure constamment imprégné de ces vertus et de leurs bienfaits louables, Nous estimons que le développement efficace et durable ne peut se concrétiser que par le biais de politiques publiques intégrées, s’inscrivant dans le cadre d’une entreprise cohérente, d’un projet global et d’une forte mobilisation tous azimuts, où les dimensions politique, sociale, économique, éducationnelle, culturelle et écologique, se conjuguent et se complètent ».
En 2012, dans le discours royal du 30 juillet, le Roi Mohammed VI a insisté : « Nous réitérons donc Notre appel au gouvernement pour qu’il assure les conditions de convergence entre les différentes stratégies sectorielles, et qu’il se dote d’outils de veille et d’instruments de suivi et d’évaluation pour assurer leur cohérence et mesurer leur efficacité et l’efficience de l’utilisation des fonds qui leur sont affectés. De même, il lui appartient de faire preuve de créativité dans la recherche d’alternatives de financement susceptibles d’imprimer une forte impulsion à de telles stratégies ».
Pas plus loin que juillet 2017, un autre discours royal relevait « le faible niveau du travail en commun et à l’absence d’une vision nationale et stratégique. Il résulte aussi du fait que la dysharmonie l’emporte trop souvent sur la cohérence et la transversalité, que la passivité et la procrastination remplacent l’esprit d’initiative et l’action concrète ».
Pour se dédouaner, le Chef du Gouvernement, Saadeddine El Othmani, donnant écho au discours royal de juillet 2017, annonçait une série de mesures pour mettre un peu d’ordre et de cohérence dans l’action publique. Rappelez-vous, il avait d’abord annoncé la création d’une commission interministérielle sous la présidence du chef de gouvernement pour faciliter la cohérence de plusieurs mesures qui concernent essentiellement le volet social. Il a également évoqué le lancement d’un système d’information intégré qui devra permettre le suivi de tous les programmes et qui devait être opérationnel cette année même.
Pour autant, sauf erreur de notre part aucune de ces deux mesures n’ont été activées. El Othmani aurait-il baissé la voilure sur ce chantier de mise en cohérence des politiques publiques soient-elles ou sectorielles sous le coup de la refonte du modèle de développement ? Comment peut-il dès lors piloter l’Exécutif sans tableau de bord, sauf si l’on est fan de la navigation à vue.
On attend également «la mise en place d’une agence nationale d’évaluation des politiques publiques qui ne sera pas un organe d’exécution, mais une instance chargée du contrôle indépendant des politiques publiques». Là encore cette mesure semble accuser du retard et l’on se demande encore de quelle autorité doit-on jouir pour que les départements ministériels s’y soumettent. Quand on sait tout le mal qu’a ce gouvernement à préserver un semblant de cohésion… Il en est de même de cette unité «spéciale» rattachée à la présidence de l’Exécutif, ne serait-ce que pour voir dans quelle mesure la déclaration gouvernementale, au moins, avance telle qu’annoncée à l’entame de ce mandat.
En mai dernier, le rapport de l’OCDE a également relevé que la mise en cohérence des politiques publiques permettrait de lever une contrainte majeure à l’efficacité de l’action publique et ce n’est là qu’un exemple parmi tant d’études et de rapports qui soulèvent cette faiblesse que constitue l’absence d’un tableau de bord pour celui qui pilote l’Exécutif. C’est dire que ce chantier ne peut demeurer à la traîne et sanctionner lourdement le Royaume. Et c’est surtout un handicap majeur à la reddition des comptes telle que prévue dans la constitution de 2011.