Ecrit par Imane Bouhrara |
C’est un débat qui concerne pratiquement toutes les professions et tous les secteurs : la digitalisation va-t-elle mettre fin à certaines activités gérées par l’Homme ? Les professions comptables sont également inscrites sur ce chantier irréversible de digitalisation au Maroc. La profession est-elles pour autant menacée de disparition ?
Les professionnels du chiffre n’échappent pas à cette question existentielle surtout face à des technologies toujours plus performantes, efficientes et dotées d’une intelligence artificielle qui dépasse celle de son créateur, l’homme : « La digitalisation – la fin des professions comptables ? ».
C’est sous ce thème à la fois provocateur mais qui interpelle sur la transformation même des professions comptables à l’ère du tout digital que s’est tenue une rencontre organisée le 20 octobre à Casablanca par Unifiedpost, multinationale spécialisée dans le développement de solutions digitales.
La rencontre qui marquait également la signature d’un partenariat avec l’Ordre des Experts comptables pour mettre en place une plateforme collaborative qui facilite le processus d’administration financière de l’entreprise et qui permet de digitaliser les échanges avec son comptable (Banqup), a été le moment de faire le point sur le chantier de digitalisation enclenché au Maroc depuis plus de dix ans.
En effet, comme le rappelle Mamoune Abdelghafour, Chef de division de la DGI, l’institution a fait le choix stratégique de digitaliser et fluidifier des procédures pour alléger les contribuables qu’ils soient entreprises ou personnes.
Depuis 2007 avec le lancement des télé services SIMPL à ce jour, bien de l’eau a coulé sous les ponts puisque désormais, et avec l’entrée en vigueur de l’obligation de télé déclaration et télépaiement de l’IS, l’IR et la TVA en janvier 2017, plus de 90% des recettes fiscales sont gérées par la DGI de façon digitale.
En 2021, 18 millions de taxes ont été effectuées par télépaiement soit 7 fois plus qu’en 2016.
Bien évidemment, la digitalisation permet à la DGI de disposer d’une Data plus étoffée au service d’une amélioration du contrôle mais aussi d’échange avec les autres institutions telles que l’ADII, la CNSS, l’OMPIC ou l’Office de Changes pour fiabiliser les données collectées.
Mais dans ce panorama deux éléments majeurs manquent encore à l’appel pour une digitalisation à 100 %.
Il s’agit de la comptabilité informatisée, et dont le décret serait en cours d’élaboration selon Mamoune Abdelghafour, et ce conformément aux dispositions de l’article 145 du Code général des impôts.
L’autre chantier en suspens est celui de la facture électronique, dont les décrets d’application tardent à voir le jour. Un chantier qui nécessite une volonté politique pour mettre fin à la facture papier.
Par ailleurs, et dans le cadre de l’entrée en vigueur de la déclaration dématérialisée pays par pays cette année, et qui concernera les entreprises multinationales dont le CA consolidé est plus de 8 Mds de DH, un décret est en cours de préparation sur l’obligation de présentation dématérialisée des prix de transferts.
Quid des professions comptables ?
Il faut croire que les professions comptables, experts-comptables et comptables, ont la peau dure et ont encore de très beaux jours devant eux. Elles jouent même un rôle important dans la réalisation des résultats du chantier de digitalisation enclenché par la DGI dans ce sens où les professionnels du chiffre jouent le rôle d’interface avec les entreprises qui elles ne sont pas forcément au même niveau de transformation digitale. Tout en assurant le contrôle de la conformité des données communiquées à l’administration.
Pour Amine Baakili, le président du Conseil national de l’ordre des experts-comptables, estime que l’avenir de la profession sera radieux en accueillant la digitalisation à bras ouverts.
D’ailleurs la rencontre a été l’occasion de mettre la lumière sur le rôle du comptable en tant que garant des flux documentaires et s’engage à sécuriser toutes les données de l’entreprise, le tout en s’intégrant facilement aux différents logiciels comptables.
D’où d’ailleurs le partenariat pour la mise en place une plateforme collaborative qui facilite le processus d’administration financière de l’entreprise et qui permet de digitaliser les échanges avec son comptable. Banqup répond aux normes du secteur et assure le respect de la règlementation en matière de confidentialité et de sécurité, explique-t-on.
A ce propos, Tom Van Acker, Directeur Général Unifiedpost, a affirmé : « Les experts-comptables et les comptables agréés ont un rôle crucial dans la digitalisation des entreprises : ce sont eux qui conseillent la PME et qui devront la guider dans ce processus de changement. Il est en effet évident que les professionnels du chiffre doivent rester au cœur des flux des documents et des paiements. C’est pour cela que notre partenariat est tellement important. Bien que la plateforme ait été conçue pour l’utilisation au sein de l’entreprise, chaque action sur les documents (validation, acceptation, paiement,) est automatiquement et gratuitement communiquée auprès de son expert-comptable ou comptable agréé, de manière structurée dossier par dossier. Hors de question que l’expert-comptable ou le comptable agréé doive payer pour réceptionner ces documents et informations.
Comme dans d’autres pays en Europe où nous avons mis ce partenariat en place avec les professionnels du chiffre, nous sommes convaincus qu’au Maroc, les professionnels du chiffre joueront un rôle très important dans la digitalisation des entreprises».
Puis à la fin d’une mission c’est le professionnel qui engage sa responsabilité. Puis la digitalisation et l’automatisation de procédures qui bouffent du temps et mobilisent les ressources humaines, permettent aux professionnels d’apporter une plus grande valeur ajoutée à leur client notamment le conseil, puisqu’ils sont les agrégateurs de données économiques cruciales.
Le rôle des intermédiaires fiscaux est également important
La rencontre a permis également de mettre la lumière sur d’autres acteurs qui soutiennent cette digitalisation auprès de l’administration, en tant que relais particulièrement auprès des particuliers. En effet si les professions comptables luttent travaillent à réduire le papier, d’autres acteurs réduisent eux le cash.
Le cas de Cash Plus dont le directeur général, Hazim Sebbata, a mis en exergue ce rôle notamment dans la « digitalisation » du Cash que vient déposer un client pour en faire un document digital auprès de la DGI. Et cela va également dans le sens administration vers le particulier qui préfère lui le cash.
Dans ce sens, il explique qu’il n’y a pas forcément de corrélation entre cash et développement, le cash étant très présent dans économies développées comme en Allemagne par exemple.
Mais pour le cas spécifique du Maroc, le cash est quelque part la résultante de la relation complexe entre le contribuable et l’Etat, et sa capacité à contribuer à la communauté.
La présence du cash émane également de l’analphabétisme digital qui n’as pas de relation avec le niveau d’instruction. Cet état de fait montre le rôle important des intermédiaires notamment fiscaux aussi bien auprès des contribuables que de l’administration.
Et même auprès des professions comptables, avec le lettrage comptable.
Au final, la digitalisation, loin d’être une menace, représente une opportunité dans la transformation de tout l’environnement dans lequel évoluent les professions comptables, dans le sens d’une meilleure réponse aux besoins aussi bien de l’administration que des entreprises en termes d’accessibilité, de réactivité et de simplicité tout en leur permettant de jouer pleinement leur rôle.