Devant la crise, la résilience est à trouver dans les principes de bonne gouvernance et de reddition des comptes. Principes constitutionnels et directives majeures pour la rationalisation de la vie publique.
D’importance, ces 2 rappels royaux, centraux, ont été curieusement, très peu appuyés par les paroles distribuées ça et là, ayant repris par l’analyse du dernier discours du Roi.
Mais sait-on, ou saurons-nous, espérons-le dans un avenir plus proche que lointain, comment la reddition des comptes fonctionnera-t-elle dans notre pays? Comprendrons-nous bien, qu’il s’agit là d’un bon coup de maillet à donner au heurtoir, bien davantage que de mystérieux grimoires. Il vaudrait mieux y aller avec de la volonté au fusil, plutôt qu’avec une molle drille.
Pourquoi est-ce difficile à matérialiser et à opérationnaliser dans l’étagement de toutes nos vies, alors qu’il n’est lieu que de se soumettre, honnêtement, à une rigoureuse orthopraxie ? Pourquoi cette invincible aversion ?
Preuve s’il en est, que les institutions, même quand elles existent, ne suffisent pas à traduire leur justification éthique. Preuve s’il en est, que leur fonctionnement n’obéit qu’à la traduction de notre propre sociologie politique. Qu’il faut d’abord connaître, ensuite reconnaître, pour corriger plus efficacement les asymétries critiques.
Et à ce titre, la reddition des comptes de et vers les acteurs, souffre d’abord, souffre déjà, de l’éloignement de prises de décisions entre acteurs. Comment alors entrevoir des comptes quand on ignore, par voie de distance, le mouvement des comptes?
Simplifions les mystères. Dire « Bonne gouvernance » peut commencer à paraître aussi compliqué qu’élever un monument, alors qu’il peut commencer à être assimilé simplement, à l’idée d’« une bonne gestion ».
Dès cette étape, il sera question de mettre en place les outils, les moyens et les instruments de monitoring de cette responsabilisation.
Car nous traitons de concepts bien réels et absolument mesurables. Car la bonne gouvernance n’est pas un néologisme, et son exécution obéit à une vision, à une organisation, et à une distribution. Gouvernance et reddition des comptes sont une réalité, largement expérimentée dans le monde. Une gestion béquilleuse et approximative engendre le déficit d’efficacité dans des proportions hâtives, et une sclérose de tout le système qui s’en trouve globalement touché.
Car au delà de conduire les comportements vers des vertus responsables, il y a lieu d’abord, de comprendre pourquoi ne le sont-ils pas, pas encore, pas vraiment, pas tout à fait. Pas totalement.
L’action, de pleine conscience, est au cœur du système. Elle est plus efficace quand elle fait l’objet d’émanations intérieures de la base vers les plus hauts étages. Dans l’insistance et la persistance. Qu’elle soit décrétée dans un modernisme managérial ne suffit pas, si elle ne réforme pas l’esprit de tous ceux qui font les structures verticales.
Les écoles de gouvernance auraient de quoi faire leur miel, et c’est bien bon. Reste à attendre le temps pour que les habitudes, notamment générationnelles, fassent leur temps.
Ensuite,
Le discours du Roi au parlement à l’occasion de l’ouverture de la 1-ère session de la 5-ème année législative de la 10-ème législature, est aussi solennel qu’il l’est aux occasions de prise de parole du Roi, mais l’heure est bien plus périlleuse, car ce qui se joint à la circonstance pandémique, est la prochaine circonstance élective, qui doit induire des responsabilités décuplées. Les cibles ainsi que les messages sont clairs : « Dernière de la législature en cours, cette année exige de votre part des efforts redoublés: il s’agira en effet pour vous de mener votre mandat à bonne fin et de dresser le bilan de l’action que vous soumettrez aux électeurs. ». Le discours marque clairement une exigence attendue. Le redressement, voire même le dépassement, c’est-à-dire le développement, en sont corollaires.
Les prochaines élections devront donc se tenir, ce qui annule pré-supposément toute possibilité ou hypothèse de report, sujet qui a fait débat les dernières semaines. Elles devront se tenir et tenir en elles toutes les promesses. A ce discours, pouvons-nous supposer une autre prise de position, tout aussi différente et forte que le suppose la circonstance, de l’ensemble du corps représentatif dans son ensemble ?
Entendrons-nous par exemple auprès des partis politiques, l’annonce d’engagements formels, et à haut niveau d’impact en valeurs diverses, pour traduire les orientations royales en actions concrètes? Jusqu’à l’heure, les commentaires ont applaudi la portée stratégique et précise du discours du Roi, mais aucune parole n’a encore concrètement détaillé la physionomie de cet endossement.
Le rappel à l’engagement n’est pas nouveau, car en matière de gouvernance et de protection des missions du secteur public, le Roi a souvent appelé à la préservation de cette haute responsabilité. Car l’impératif derrière la conduite des grands projets de relance de la vie économique et sociale, se place en son cœur, à nouveau, la considération à changer les modes d’action de nos systèmes de gouvernance. Il est grand temps de nouer avec l’efficience et la performance, condition centrale pour la réussite du Modèle de Développement tant attendu.
L’opérationnalisation, la corrélation, la subordination des efforts ont démontré de leur efficacité à soutenir la résilience face à la crise. Il est plus que jamais question de changer de paradigme de conduite des grands projets nationaux, sur la base des expériences tirées. C’est ainsi que le « Fonds Mohammed VI pour l’Investissement » se donne à être « un modèle de bonne gouvernance, d’efficience et de transparence». La qualité nécessaire en termes de sectorisation, d’intervention et de ciblage pour l’adoption des grandes décisions, en dépendra.
Une année pandémique, mais également une année de sécheresse. Le secteur agricole a été sujet d’une préoccupation particulière et dédiée de la part du Roi. Avec quel état d’esprit aborder la remobilisation des ressources de ce secteur, pour rencontrer la réussite dans des conditions aussi difficiles ?
La conclusion de sérénité exprimée à la fin du discours quant à la réussite des prochains grands chantiers est l’aveu et une marque de confiance que le Roi place dans le corpus de toute la société, dans son ensemble et dans toutes ses composantes. Quel sera donc notre nouveau programme ?
L’analyse du discours du Roi, contextualisé, démontrant d’une pertinence interne précise, souligne une grande présence, des emphases en relief par rapport à la gravité de l’heure, et une prétérition finale à engager la responsabilité de tous, dans la construction de la Nation.
Car la gravité de l’heure n’est plus que celle d’aujourd’hui. Celle de la dixième année à venir le sera encore davantage.
Que sera le Maroc dans 10 ans ? Si on se pose la question, on sera contraint de nous empresser d’agir en entrevoyant la réponse.
Par Soraya Kettani,
Chercheur, Présidente de Fomagov, Consultante en Communication politique et publique