Bien qu’il puisse paraître que les faits (migrations des étudiants du privé vers le public, réforme en vue du secteur…) sont les déclencheurs de la mobilisation de l’enseignement privé pour la création d’une Fédération à la CGEM, la réalité est toute autre. Détails avec Abdelilah Hifdi, Président de la Fédération nationale du transport à la CGEM.
Les établissements de l’enseignement privé s’apprêtent à faire leur entrée au sein de la confédération patronale. C’est l’un des points qui figurait à l’ordre du jour du Conseil d’administration de la CGEM qui devait se tenir le 16 octobre, avant le désordre provoqué par la démission Salahedine Mezouar le 13 octobre.
Souvent critiqués par l’opinion publique pour faire régner leur propre loi notamment en matière de tarification, du non-respect de certaines dispositions de la loi 06-00 formant Statut de l’enseignement scolaire privé…, les établissements privés vont s’organiser en Fédération.
Cela leur permettrait de mieux défendre leur intérêt aussi bien au sein du Parlement que face aux pouvoirs publics. Les voix ne cessent de se lever pour dénoncer une anarchie totale dans ce secteur qui, avouons-le, a fait un travail considérable en l’absence d’une école publique performante. Mais à quel prix ? Rappelons que les frais de scolarité représentent plus des deux tiers du budget des ménages. Et ce n’est pas par choix mais par nécessité que les familles se saignent à blanc face à un ascenseur social public en panne.
Si en tant qu’entreprises privées qui paient leurs impôts, les écoles privées sont dans leur droit de s’organiser et d’intégrer la CGEM. Cela ne devrait toutefois pas être une manœuvre pour faire taire ceux qui dénoncent les abus ou pour barrer la route au ministère de tutelle résolu à mettre de l’ordre dans le secteur.
La décision d’intégrer le Patronat est-elle une réaction au phénomène de migration des étudiants du privé vers le public ? Les écoles privées se sentent-elles menacées ?
Des questions légitimes eu égard aux événements ayant marqué cette rentrée scolaire 2019-2020 notamment la migration de 52.000 élèves de l’enseignement privé vers les établissements publics. Ou encore l’actualisation du cadre juridique régissant le secteur privé, notamment la fixation et la révision des frais de scolarité, d’inscription et d’assurance. Rappelons que la loi cadre n°51.17 relative au système de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, de la formation professionnelle et de la recherche scientifique a prévu de combler un vide juridique notamment le volet relatif aux frais de scolarité étant donné que la loi n° 00-06, régissant l’enseignement scolaire privé, ne prévoyait pas la possibilité de réglementer les prix par le ministère de tutelle.
Bien que ces éléments puissent sembler les déclencheurs de cette mobilisation du secteur privé, la réalité est toute autre.
En fait, il ne s’agit nullement d’une démarche récemment enclenchée mais bel et bien de déterrer un projet vieux de plusieurs années. La Fédération devait voir le jour sous l’ère de Réda Chami et être présidée par Abdelali Benamour, Président fondateur de HEM et ex-président du Conseil de la Concurrence.
Malheureusement, en raison des problèmes de gouvernance et de désaccord de ses trois composantes que sont l’enseignement général, l’enseignement supérieur et la recherche scientifique ainsi que l’enseignement professionnel privé, la Fédération est demeurée au stade de projet. Contacté par nos soins, Abdelilah Hifdi, Président de la Fédération nationale du transport à la CGEM et conseiller politique de la commission en charge de relancer ladite Fédération, nous apporte plus de précisions.
« Il s’agit d’une Fédération statutaire qui figure parmi les premières Fédérations de la CGEM mais qui n’était plus active pour une raison de gouvernance. Le processus de sa réactivation a été enclenché sous l’ère de Meriem Bensaleh (soit 10 mois avant son départ) qui avait souhaité relancer cette dynamique et faire émerger cette Fédération », nous explique Abdelilah Hifdi.
En mars 2018, la CGEM avait réuni les 3 composantes de la Fédération et réussi à trouver un terrain d’entente entre les différentes parties prenantes. Sauf que la dernière ligne droite de ce processus avait coïncidé avec l’élection d’un nouveau président à savoir Salaheddine Mezouar en mai 2018. Ce dernier avait préféré, avant de concrétiser ce projet, de rencontrer les différentes parties concernées de ce dossier. S. Mezouar avait également exigé de mettre à la tête de la Fédération un représentant de l’enseignement supérieur et la nomination d’un vice-président général pour chaque pôle.
« Sauf que nous avons été heurtés à une disposition statutaire (règlement intérieur) qui stipule que la Fédération interne de la CGEM doit avoir un président et un seul Vice-président général (VPG). Pour surmonter ce frein, il a été question d’amender le règlement intérieur par la mise en place d’une dérogation afin de permettre la nomination de 3 VPG au lieur d’un seul », nous a précisé Abdelilah Hifdi.
Une dérogation qui sera tranchée lors du prochain Conseil d’administration qui se tiendra le 28 octobre et qui reprend tous les points qui figuraient dans le Conseil qui devait se tenir le 16 octobre.
« Il faut dire qu’avec la réforme du secteur de l’enseignement au Maroc qui s’est concrétisée par l’adoption d’une panoplie de lois, ce secteur a besoin de cette composante pour gérer cette phase de transition », tient à rappeler Abdelilah Hifdi.