Les entreprises exportatrices font jaser leurs concurrentes. Mohamed Es Saadi, vice-président de l’ASMEX fait taire les mauvaises langues et rappelle le combat continu de ces entités pour garder la tête hors de l’eau.
EcoActu.ma : Des propagandes circulent parfois sur les entreprises marocaines qui pratiqueraient une politique de prédation sur le marché africain. En tant que vice-président de l’ASMEX, quel commentaire faites-vous à ce sujet ?
Mohamed Es Saadi : En fait, en intervenant dans la plénière de la 4ème Edition des Rencontres AFRICA, du 22 octobre 2019, j’ai rappelé, à nos amis français, que suite à des rumeurs et des sous-entendus, nous avions, effectivement, constaté, lors de la précédente conférence, tenue à Paris, que le Maroc était présenté comme « le dragon des dragons sud-est asiatique».
De même que les entreprises marocaines pratiquaient une politique de prédation absolue sur les marchés subsahariens.
J’ai tenu à préciser les deux points suivants :
D’abord, les sociétés marocaines sont à 80% des PME/PMI, elles sont plus petites que moyennes et n’ont donc pas la taille pour pratiquer une politique de prédation.
Par contre, j’ai précisé que ces sociétés, qui exportent 16 milliards de dollars (hors OCP et Renault), dont 70% sur l’UE, sont, pour la plupart, certifiées ISO…, et disposent d’un savoir-faire reconnu.
Aujourd’hui, il existe une qualité marocaine reconnue à travers le monde parce que les exportateurs travaillent selon les normes occidentales. Cela peut même constituer un terreau pour conclure des partenariats prometteurs entre les Européens, les Marocains et les Subsahariens tout en permettant à ces derniers de bénéficier de l‘expérience acquise et du savoir-faire marocain qui ne datent pas d’aujourd’hui.
En deuxième lieu, j’ai rappelé que l’économie marocaine est, en partie, animée par des sociétés du CAC 40, qui sont, certes, de droit commun marocain, mais qui restent des filiales de sociétés françaises ou de multinationales et que donc, les opérations sur les marchés africains, à 2 ou à 3, pourraient bénéficier, positivement, de leur présence sur le sol marocain.
Le Souverain dans son dernier discours a exhorté les banques à financer et soutenir les TPE/PMI notamment celles exportatrices vers l’Afrique. L’ASMEX est-elle aujourd’hui plus confiante ?
L’ASMEX a été honorée, dans la mesure où une de ses doléances a été reprise par le Discours royal. Il y a un vrai problème de financement de la petite et moyenne entreprise aussi bien celle opérant pour le marché marocain que celle qui exporte.
A ce titre, il faudrait rappeler que l’ASMEX a toujours milité, depuis la suppression du désencadrement des crédits bancaires, qui offraient au secteur exportateur, des lignes de financement bonifiées et hors encadrement, sous la houlette de Bank Al-Maghrib, pour la mise en place, de nouvelles mesures incitatives, dédiées au commerce extérieur.
Avez-vous enfin une oreille attentive à votre requête ?
Nous pensons qu’après le discours de Sa Majesté, Que Dieu Le Glorifie, le tour de table concernée par cette épineuse problématique, en l’occurrence, Bank Al-Maghrib, le GPBM, le secteur privé, dont, essentiellement l’ASMEX, en tant que représentant exclusif du secteur exportateur, doit se réunir, le plus rapidement possible, pour la mise en œuvre des instructions royales.
La réflexion et les solutions, qui vont en résulter, devraient concerner la problématique du financement, au niveau de toute la chaîne couvrant l’investissement, le fond de roulement pour l’exploitation ainsi que tous les financements spécifiques de types : préfinancement, drawback, ACNEE, assurance à l’exportation…
Faut-il rappeler que l’ASMEX a déjà réalisé des « benchmarks » qui ont démontré l’intégration, par nos concurrents, de l’aspect financement, dans le package de promotion, aussi bien à l’investissement qu’aux ventes marchandes.
Les PME se plaignent de la problématique du financement au moment où les banques considèrent qu’elles accompagnent le tissu économique. Quelle est votre propre appréciation ?
De manière générale, nous avons des PME/PMI qui sont créatrices d’emplois mais malheureusement elles ont les écueils de leur taille, sont sous-capitalisées et nécessitent une mise à niveau, voire même l’installation, pour les TPE, d’un incubateur, pour les accompagner dans la phase de décollage.
Pour être complet, il faut rappeler que le Maroc dispose d’un secteur bancaire performant, sain et équilibré ; Ce qui est important pour toute économie.
Mais ce qu’il faut savoir, c’est comment offrir des packages pour intéresser davantage les acheteurs étrangers : ce que font les Chinois, les Turcs, voire même les pays européens.
Vous savez, quand un Chinois se présente sur un marché, il est accompagné de son banquier. Les exportateurs marocains, non seulement, ne sont pas accompagnés, mais lorsqu’ils ont une commande, ils ne sont pas ou difficilement financés. C’est pour dire que tout cela mérite, aujourd’hui, une attention particulière et une réflexion globale.
L’actualité, de ces derniers jours nous incite, malheureusement, à parler des propositions du gouvernement, dans la Loi de Finances 2020, qui, au lieu d’inclure des mesures incitatives pour le secteur exportateur, envisage un retour sur les mesures actuelles, en supprimant les avantages fiscaux, dont bénéficie, tout à la fois, le secteur exportateur et les zones franches financières ou à l’exportation.
Pour ne pas être long, nous espérons revenir sur ces sujets et, notamment, les projets de mesures gravissimes, qui pourraient remettre en cause la stratégie globale du secteur exportateur.