Le processus de cession d’une partie de la participation de la CDG dans le capital de la SCR est en gestation. Cette ouverture permettrait au réassureur national de renforcer sa position sur le marché domestique voire sur le marché régional.
Depuis presque deux décennies, le réassureur national vit des moments difficiles. Ses ambitions de développer le marché de l’assurance et la réassurance à l’échelle régionale semblent compromises pour différentes raisons.
La Société Centrale de Réassurance est créée en 1960, par convention entre l’Etat et la Caisse de Dépôt et de Gestion qui est le 1er groupe Financier détenant la majorité du Capital avec plus de 94%.
Aujourd’hui, nous apprenons d’une source sûre que les discussions quant à l’éventuelle ouverture d’une partie du capital de la Société Centrale de Réassurance (SCR), filiale du bras financier de l’Etat, la Caisse de Dépôt et de Gestion sont en cours.
Une information que le ministre de l’Economie des Finances n’a pas souhaité confirmer à l’occasion de la présentation du PLF 2020. Interrogé sur l’ouverture du capital de la SCR, Benchaâboun répond : « … En ce qui concerne la SCR, il s’agit d’une filiale de la CDG. Cette dernière constitue la seule exception où les recettes de la cession ne peuvent aller au Budget de l’Etat pour la simple raison que la CDG gère les fonds de retraités. La CDG étant donc exclue du processus selon la loi sur la privatisation. Autrement dit, si demain la SCR est cédée, ce n’est pas l’Etat qui la vend mais les instances de gouvernance de la CDG dont le ministère des finances est membre ». La réponse diplomatique de Benchaâboun confirme de manière implicite la rumeur qui coulait depuis belle lurette.
A rappeler que depuis un an, la Cour des Comptes avait exhorté la CDG à engager une réflexion sur le retrait du métier de la réassurance en faveur d’un modèle d’intervention, en ligne avec sa vocation d’investisseur financier, privilégiant la prise de participation financière à la gestion opérationnelle du métier.
La recommandation n’est apparemment pas tombée dans l’oreille d’un sourd puisque le retrait de la CDG de la SCR est aujourd’hui au cœur de l’actualité.
La fin de la rente a sonné !
Outre la recommandation de la Cour des comptes qui pourrait motiver la décision de la SCR, il faut reconnaitre que son modèle économique et financier, depuis la fin de la cession légale, commence à s’essouffler. Et ce bien que son Directeur Général Youssef Fassi Fihri s’est voulu rassurant lors de la réunion avec les médias en marge de la 26ème édition de la Fédération Afro-Asiatique d’Assurance et de Réassurance (FAIR) tenue le 23 septembre dernier.
Cet essoufflement trouve son origine dans la mise en application de la décision de démantèlement progressif du mécanisme de cession légale dictée par l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Une mesure difficile pour le réassureur national qui s’adjugeait 10% puis 5% des primes émises sur le marché national. La tendance baissière des primes risque de s’amplifier avec la suppression des gros contrats que sont les facultatives.
Même avec l’instauration du « Gentelmen Agreement », selon lequel les compagnies d’assurance sont censées soutenir la SCR, pour pallier au manque à gagner occasionné par la suppression légale, n’a pas donné les fruits escomptés dans la mesure où certaines compagnies d’assurance ne versent même pas un centime au réassureur. Comme quoi le temps de la rente est révolu.
Au moment où la SCR jouissait de la cession légale, son management de l’époque n’a malheureusement pas pensé à développer une approche commerciale en diversifiant son portefeuille, ses placements de risques… Pis encore, le réassureur n’a pas su fidéliser son capital humain l’encourageant même à partir dans le cadre de plusieurs opérations de départ volontaire.
Son Directeur Général Youssef Fassi Fihri s’acharne aujourd’hui à attirer les compétences marocaines et étrangères pour faire sortir le réassureur de cette impasse.
« En s’intéressant de plus près au positionnement de la SCR au Maroc, on est tenté de dire qu’il n’y a pas de réassureur régional qui ne jouit pas d’une position dominante sur son marché domestique. Or, si la SCR souhaite se développer sur le marché international, il faut tout d’abord qu’elle soit un champion du marché marocain. Ce n’est malheureusement pas le cas ! », explique notre source.
Les compagnies nationales d’assurance aux premières loges
Aujourd’hui la décision prise est d’ouvrir le capital de la SCR aux acteurs marocains de l’assurance à hauteur de 60% et à la CDG à hauteur de 40%. Mais c’est juste un ordre de grandeur pour que in fine la CDG garde la présidence et le minimum de blocage. Avec une prise de participation pareille, les compagnies d’assurance seraient propriétaires de la SCR et donc, concernées par les dividendes, elles ont intérêt à lui céder leur business de réassurance. C’est de cette manière que la SCR pourrait se refaire une santé.
Cette ouverture de capital aux acteurs nationaux va également renforcer la position dominante de la SCR sur le marché marocain comme tremplin vers le marché africain. D’ailleurs, des bureaux de représentation ont d’ors et déjà été créés en Côte d’ivoire, au Rwanda et en Egypte.
« Il se peut également que le capital s’ouvre aux réassureurs africains vu la volonté de la SCR de conquérir le marché africain », explique notre source mais elle n’y croit pas beaucoup.
Et d’enchaîner : « Il faut reconnaître que nous avons besoin dans le tour de table de la SCR d’un réassureur étranger qui va apporter son savoir-faire et son expertise. Mais en regardant de près, les réassureurs qui peuvent le faire opèrent déjà au Maroc en ayant des affaires directes (Score, SwissRé, MunichRé, AnovRé…) ». Mais l’affaire n’est pas aussi évidente qu’il y paraît.
Les réassureurs étrangers ne verront certainement pas l’intérêt d’investir dans la SCR en quête d’une nouvelle trajectoire pour ne pas dire se trouvant aujourd’hui dans une zone de turbulences.
Une chose est cependant claire : Le plus important est que le marché marocain garde la SCR parce qu’il en a grandement besoin en matière de réassurance. D’autant plus que le Maroc ambitionne de créer un marché de l’assurance et de la réassurance à un niveau régional. En quelques chiffres, la SCR c’est à peu près 4 Mds de DH de fonds propres, 12 Mds de DH de portefeuille d’investissement dans le marché financier…
Compte tenu des conditions citées ci-dessus, l’opération de transfert serait-elle couronnée d’un franc succès pour la CDG ? La CDG trouverait-elle un repreneur de renommée pour le réassureur national ?