Les droits de la femme au Maroc ont connu une poussée significative considérable. Cependant, et en dépit de l’adoption d’un important corpus juridique dans la perspective d’assurer la protection juridique des femmes tout en renforçant leurs droits citoyens, leur situation des femmes demeure plus fragile que celle des hommes.
La politique en faveur des droits des femmes s’est imposée durant les dernières années comme une politique de l’égalité entre les sexes. Il ne s’agit pas de reconnaître des droits spécifiques aux femmes mais, au contraire, de mettre fin aux discriminations dont elles sont victimes, dans la perspective d’établir une société égalitaire.
Quatre réformes confirment cette tendance : le Code de la famille de 2004 ; la Constitution de 2011 ; la loi de 2018 sur les violences faites aux femmes et, enfin, la jurisprudence du tribunal de première instance de Tanger en 2019 relative au viol conjugal.
Au Maroc, pays qui, depuis l’adoption de la Constitution de 2011, se réfère à un universel neutre de la citoyenneté, le Nouveau Modèle de Développement (2018 – 2021), élaboré dans la perspective de répondre aux besoins de la nouvelle société marocaine, est perçu au regard du droit des femmes comme une forme de révolution copernicienne, tellement il insiste sur l’émancipation féminine et l’égalité des genres en vue d’assurer l’égalité réelle entre les sexes.
Néanmoins, des limites d’ordres juridique et sociétale qui perdurent, exigent une attention particulière.
Durant les vingt dernières années, le Maroc a réalisé d’importants progrès dans la façon dont les femmes doivent être considérées, au sein de la famille comme dans les espaces de vie professionnelle et collective, en amont avec les importantes transitions sociétales amorcées, qui virent la société marocaine contemporaine passer d’une structure traditionnelle de nature patriarcale favorisant la discrimination à l’égard des femmes, vers une organisation familiale davantage nucléarisée et urbanisée, dans laquelle les femmes sont parvenues à s’autonomiser, aussi bien politiquement qu’économiquement.
Cependant, et malgré l’appropriation par les femmes des droits de la première génération (droits civils et politiques), aujourd’hui garantis par la Charte fondamentale de 2011, la conquête des droits de la deuxième génération, qui font référence aux droits économiques et sociaux, en mesure d’assurer la justice sociale et la défense des droits des plus vulnérables, demeure une quête inachevée.
Au-delà de la législation, les mentalités réfractaires à l’émancipation des femmes ont la peau dure. Cet état de fait a poussé la Commission spéciale sur le Nouveau Modèle de Développement (CSNMD) à consacrer tout un axe au rôle et la place des citoyennes marocaines dans le Maroc contemporain.
Afin de remédier à cet état de fait, la Commission spéciale a souligné le besoin de valoriser la femme dans la société marocaine. Pour ce faire, elle s’est intéressée, d’abord, à l’axe économique. En effet, l’un des indicateurs de développement, pour 2035, est le taux d’activité des femmes, que la Commission ambitionne à 45% (contre les 22% actuels). Ensuite, la Commission s’est penchée sur l’axe de l’inclusion, qui tourne autour de la participation des femmes dans la société. Selon le rapport, cette participation peut être atteinte en offrant aux femmes un meilleur support social par le biais d’une meilleure protection sociale au travail, le déploiement d’infrastructures de support, et une marche vers la parité salariale.
Le NMD souligne, également, le besoin de se concentrer sur l’éducation des femmes, de faire des efforts pour protéger leurs droits, et de combattre les violences dont elles peuvent faire l’objet. En termes d’actions plus concrètes, des propositions sont avancées par la Commission afin de combattre la marginalisation des femmes. Ces propositions sont : la reprise des débats sur l’Interruption volontaire de Grossesse (IVG), la responsabilisation du père lors d’une grossesse hors mariage, la réduction des pouvoirs des juges quand il s’agit des permissions de mariage pour mineures, ainsi que le partage de la tutelle des enfants entre les deux parents.
La Commission aborde aussi le sujet de l’héritage et propose que les décisions à ce sujet soient de la compétence des juges afin qu’ils évaluent les situations au cas par cas14. Ce constat est de surcroît justifié par les mutations de la société marocaine contemporaine vers plus d’individualisme, où la citoyenne marocaine s’est autonomisée et contribue largement aux revenus du foyer. Ces recommandations du Nouveau Modèle de Développement marquent un début pour une amélioration progressive de la situation des femmes au Maroc, mais sont loin d’être suffisantes afin d’atteindre une réelle consécration de la femme dans le NMD.
Par Abdessalam Jaldi*
*Abdessalam Jaldi est Chercheur spécialiste au département recherche en relations internationales au Policy Center for the New South, avec un focus particulier sur le droit international et les relations internationales. Ses travaux de recherche portent sur les transitions maghrébines, l’Union européenne, les nouvelles tendances du droit international et l’influence de l’Inde en Afrique. Docteur en droit, il dispose de cinq ans d’expérience dans les milieux associatifs, la recherche académique et l’observation électorale.