Ecrit par la Rédaction |
La fiscalité au Maroc est déséquilibrée dans la mesure où les travailleurs subissent le fardeau plus que les entreprises ou les détenteurs de capitaux. La prise en compte des prélèvements au titre des cotisations sociales porte le taux d’impôt implicite sur le facteur travail en 2019 à 35,9 %. Lesdits prélèvements sociaux alourdissent fortement la fiscalité sur le travail et impactent directement les coûts de production.
En diagnostiquant le climat des affaires au Maroc et son évolution, les conjoncturistes ont fait le focus sur la fiscalité sur le travail. Ils considèrent que cette fiscalité dans ses différentes composantes grève la compétitivité des entreprises pour moult raisons.
« L’évolution récente des prélèvements obligatoires a induit une forte pression fiscale sur les contribuables, entreprises et ménages. Ceci transparaît à travers le comportement des recettes fiscales dont la valeur globale a dépassé 217 Mds de DH en 2019, enregistrant ainsi une hausse moyenne de 2,7 % par an sur la décennie 2009-2019 », rappellent les conjoncturistes.
Le montant global des prélèvements obligatoires s’est en effet établi en 2019 à 313 Mds de DH, représentant 27,2 % du PIB de la même année. Ils soulignent par ailleurs qu’en dépit de la hausse importante des prélèvements fiscaux enregistrée depuis 2010, le niveau de la pression fiscale semble se stabiliser ces dernières années autour de 27% après avoir culminé au milieu de la décennie à 31 %.
Dans cette configuration, les impôts directs constitués essentiellement de l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu ont progressivement pris le dessus sur les autres types d’impôts. Les impôts directs se stabilisent actuellement autour de 42 % des recettes fiscales totales contre à peine 30 % au début de la décennie 2000. Il ressort également de cette évolution que les impôts sur les revenus ont augmenté de 3,5% en moyenne par an contre à peine 2,5% pour les impôts sur les sociétés.
Stabilisation de la pression fiscale
L’écart sensible constaté ces dernières années entre les rythmes de progression des recettes fiscales, d’une part, et du PIB, d’autre part, a eu par ailleurs un effet stabilisateur sur la pression fiscale. Le montant des prélèvements fiscaux qui représentait 22 % du PIB en 2010 devait se réduire progressivement les années suivantes pour s’établir à 18,9 % en 2019, en baisse de 3,2 points en l’espace d’une dizaine d’années.
La prise en compte des prélèvements au titre des cotisations sociales porte actuellement le niveau de la pression fiscale à 27,2 %, accusant une baisse de près de 1,7 point par rapport à 2010. Ce léger repli n’empêche pas pour autant le Maroc de se positionner parmi les pays africains ayant le ratio de pression fiscale le plus élevé. L’importance relative des prélèvements obligatoires incluant les cotisations sociales place même le Maroc devant plusieurs pays à revenu intermédiaire et/ou émergents comme la Turquie, le Mexique ou le Chili où le taux de pression fiscale s’établit entre 20 et 25 %.
Sur la dernière décennie, on note un ralentissement des recettes fiscales qui s’est accentué avec la persistance de la crise sanitaire. En dehors même du contexte de crise pandémique, ledit ralentissement des recettes atteste d’une baisse du rendement de l’impôt dont le volume ne suit plus le rythme d’activité avec l’alourdissement des charges pour les différentes catégories de contribuables.
L’amélioration du rendement du système fiscal, sa modernisation et son adaptation au nouveau contexte concurrentiel nécessite par conséquent, selon le Centre marocain de conjoncture, la mise en œuvre de mesures à même d’alléger le fardeau fiscal et sa restructuration dans un sens plus favorable à la compétitivité des entreprises.
D’un point de vue global, le taux des prélèvements obligatoires semble avoir atteint un niveau se rapprochant du potentiel fiscal actuel tenant compte du rythme de croissance, des structures productives et des profils de revenus. « L’estimation basée sur l’historique des données fiscales montre que le taux moyen des prélèvements obligatoires maximisant les recettes fiscales se situerait autour de 30 % pour un taux effectif atteignant 27,2%.
Cette estimation montre que le potentiel fiscal se trouve actuellement largement exploité et, sans élargissement substantiel de l’assiette, il reste peu de marges d’amélioration des rendements et de réduction de la pression fiscale, compte tenu des structures productives actuelles », explique le CMC.
Le travail, le moins loti fiscalement
L’évolution récente des taux d’impôts implicites sur les facteurs de production montre que la pression fiscale apparait relativement plus pesante sur le facteur travail par comparaison au facteur capital ou à la consommation finale.
La prise en compte des prélèvements au titre des cotisations sociales dont une partie est à la charge des entreprises porte le taux d’impôt implicite sur le facteur travail en 2019 à 35,9 %. Et par ricochet, les prélèvements sociaux alourdissent fortement la fiscalité sur le travail et impactent directement les coûts de production.
Les prélèvements fiscaux sur les revenus du capital qui regroupent les impôts sur les sociétés ainsi que les impôts sur les revenus de la propriété ont évolué, quant à eux, de façon plutôt modérés ces dernières années en suivant approximativement la tendance de l’impôt sur les revenus salariaux. On estime à 7,1 % le taux d’impôt implicite sur le capital en 2019 contre 8 % en 2010. Parallèlement, le taux d’impôt implicite sur la consommation a observé une relative stabilité au cours des dix dernières années et a même connu un léger recul à la fin de cette période en se situant autour de 16 %.
L’analyse des prélèvements fiscaux à travers les taux d’impôts implicites montre un déséquilibre important du fardeau fiscal pesant sur les facteurs de production, travail et capital, et sur la consommation.
Les principales conclusions du CMC
Le facteur travail génère proportionnellement, à travers les prélèvements sociaux, le coût fiscal le plus élevé pour les entreprises. Or, dans un contexte économique de plus en plus ouvert et fortement concurrentiel, le coût du travail constitue un facteur déterminant de compétitivité pour les entreprises et d’attractivité pour les investissements. Une fiscalité compétitive devra, dans ce contexte, contribuer à l’allégement du coût du travail et inciter les entreprises à employer une main-d’œuvre qualifiée et de haute productivité.
Un tel allégement pourra s’effectuer à travers le transfert d’une partie de la fiscalité sociale ou ce qu’il est convenu d’appeler le coin socialo-fiscal à l’impôt sur la consommation finale.
Sachant que le principal impôt sur la consommation est constitué par la TVA, le transfert d’une partie des prélèvements obligatoires sur le travail impliquera forcément l’élargissement de la base d’imposition concernée et la réduction des taux nominaux de la TVA.
On estime en effet que la TVA réduite à un taux modéré et appliquée à une base taxable suffisamment élargie compensera certainement le manque à gagner de l’allégement des impôts pesant sur le facteur travail et contribuera de manière significative à l’accroissement des ressources fiscales.