Cela fait plus de 20 ans que la gestion déléguée a fait son entrée au Maroc. Bien que plusieurs avancées aient été enregistrées depuis, notamment dans les services publics, ce mode de gestion soulève tout de même quelques interrogations.
Et pour cause, certains échecs dans la gestion de la chose publique par des délégataires, pour ne citer que la dernière affaire de la décharge de Médiouna, imposent un diagnostic profond visant à analyser l’efficacité et l’efficience de ce mode. Faut-il revoir le modèle de gestion déléguée au Maroc ?
Oui, à en croire certains observateurs qui estiment que plusieurs dysfonctionnements gangrènent ce mode de gestion. Et ce ne sont pas les magistrats de la Cour des comptes qui diront le contraire. Dans le dernier rapport 2016-2017, après avoir passé au peigne fin sept contrats de gestion déléguée, les magistrats ont relevé plusieurs déficiences en relation avec l’exécution des cahiers des charges. Les principales remarques qui ressortent : insuffisance de la gouvernance et du contrôle des contrats de gestion déléguée, non application des mesures imposant aux délégataires le respect de leurs obligations contractuelles, insuffisance de mesures pour amener le délégataire à tenir ses engagements…
A noter que la Cour des comptes s’est essentiellement penchée sur les contrats de gestion déléguée dans les secteurs de la propreté et la collecte des déchets, de l’assainissement ainsi que du transport urbain.
Les cahiers des charges souvent non respectés
Cette tendance n’est certes pas générale, toutefois, force est de constater que la qualité des prestations fournies par les principaux délégataires est souvent contestée par les citoyens. Finalement le rapport de la Cour des comptes ne fait que confirmer la mauvaise gouvernance de la gestion déléguée et dont les conséquences sont quotidiennement subies par le citoyen marocain.
«Le mécontentement récurrent des usagers-citoyens vis-à-vis de la gestion déléguée est la meilleure illustration de l’essoufflement de ce modèle, à cause notamment des tarifs payés par les contribuables jugés exorbitants par rapport à leur pouvoir d’achat, en particulier les services de distribution d’eau et d’électricité. L’autorité délégante doit rester maîtresse de son patrimoine et de son investissement et fixer la tarification en tenant compte de ce pouvoir d’achat et en faisant jouer la péréquation entre les services excédentaires (électricité, eau) et ceux structurellement déficitaires, notamment l’assainissement et le transport urbain », nous précise Mohammed Benahmed, Directeur des grands projets au Fonds d’équipement communal (FEC) dans une interview sur le modèle de gestion déléguée au Maroc.
Tout compte fait, il est temps de faire un bilan d’étape. Voir ce qui marche de ce qui ne marche pas. L’Etat doit prendre ses responsabilités et faire en sorte que les cahiers des charges, aussi bien en matière de qualité de service que d’investissements, soient respectés.
Car ce n’est pas la première fois que la Cour des comptes pointe du doigt ce mode de gestion. Elle n’est d’ailleurs pas la seule à avoir fait ce constat. En 2015, le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) avait également relevé les dysfonctionnements qu’accuse la gestion déléguée au Maroc. Il avait alors proposé d’engager une réforme globale des textes juridiques régissant la commande publique et de créer un observatoire de la gestion déléguée ainsi qu’un centre d’expertise et de compétences.
Des recommandations qui sont restées lettre morte, ce qui nous amène à poser la même question : A quoi servent réellement les rapports réalisés par les différentes institutions ? Quid de la reddition des comptes ?
Si nous prenons celui de la Cour des comptes, nous serions tentés de dire qu’en fin de compte il ne sert que de matière à publier pour la presse nationale. Quant à la reddition des comptes, elle n’est aujourd’hui que des lignes gravées dans le texte de la Constitution que les pouvoirs publics ne semblent pas encore prêts à appliquer.