Chaque année la Fondation Marocaine de l’Etudiant repousse ses limites pour profiter au plus grand nombre de bénéficiaires de bourses d’études. Si en 18 ans d’activité elle a noué un important réseau et des programmes qui déploient plusieurs actions en faveurs des étudiants, la problématique de la pérennité de la ressource financière reste entière. Mais il en faut plus pour entamer le moral de Hamid Ben Elfadil, président de la FME…
Ecoactu.ma : Pour la promotion 2019, vous avez fait un forcing pour qu’au lieu que seuls 15 bénéficiaires puissent obtenir une bourse, ils sont en fin de compte 96. Mais quid des ressources de la fondation pour les accompagner dans tout leur cursus ? La solidarité à elle seule suffit-elle ?
Hamid Ben Elfadil : En fait nous sommes partis d’un constat : tous nos interlocuteurs nous disent que la fondation a une mission extrêmement noble, mais elle n’est pas suffisamment connue.
Effectivement nous n’avons pas de budget communication vu que nous avons décidé de consacrer au moins 90% de nos ressources aux boursiers.
Aussi l’idée de l’appel des 96 est-il un appel à prise de conscience que des jeunes marocains brillants méritent d’être accompagnés. C’est par responsabilité que nous avons lancé cet appel. Appeler à la générosité publique pour une action à impact est une nécessité. En effet nous sommes convaincus que seule la synergie des acteurs permet de relever les défis de notre société en matière sociale et notamment vis-à-vis des besoins de ces jeunes.
La solidarité est l’une des grandes valeurs que partagent la totalité de nos concitoyens. Ce que nous proposons c’est de l’organiser pour qu’elle ait plus d’impact et de façon durable pour les bénéficiaires et pour la société en général.
Justement en quoi consistent les dispositifs agiles de la FME ?
La FME a structuré des dispositifs permettant de proposer une organisation pour exprimer la solidarité de tous ceux qui souhaitent s’engager dans une action à fort impact social. Ces dispositifs sont agiles car ils répondent à la fois aux besoins et ambitions des bailleurs de fonds ainsi qu’au déploiement de notre savoir-faire. Les dispositifs dits dédiés déclinent en programmes propres aux bailleurs de fonds leur vision opérationnalisée par la FME grâce à son expertise et son savoir-faire. Ces derniers sont également mis au service du dispositif Engagement Sociétal qui vient fédérer plusieurs acteurs institutionnels ou économiques nationaux ou internationaux autour de la mission et valeurs portés la FME. Ce dispositif fédère ces acteurs et leur permet de disposer d’une action clé en main pour exprimer leur responsabilité sociétale. Cet esprit de solidarité se retrouve également dans le programme Takaful, qui repose sur un fonds abondé par tous les donateurs entreprises ou particuliers qui se voient organisés pour une action à fort impact. Tous les fonds récoltés se voient décuplés par l’abondement en dons en nature mobilisés par la force de la FME. Cette force constitue l’effet levier de la FME grâce à la confiance et la crédibilité que lui confèrent ses donateurs en nature qu’ils soient écoles, tuteurs, coachs ou experts.
Vous avez également noué et fidélisé un certain nombre de partenariats notamment avec l’OCP. Quelle est la valeur ajoutée de ce type de partenariat pour les bénéficiaires ?
La valeur ajoutée de la FME et de ses dispositifs, c’est qu’elle répond aux attentes des partenaires toujours au profit de ses bénéficiaires. Plus le partenariat est construit en commun avec le partenaire à qui nous exposons les attentes des bénéficiaires et leurs besoins potentiels lors de leurs parcours, plus il réussit. L’impact pour les bénéficiaires est qu’ils se voient la chance d’intégrer des programmes riches en apport matériel et accompagnement de qualité.
La fidélisation de nos partenaires (certains sont avec nous depuis 2005) est le résultat du professionnalisme des équipes de la fondation, de la transparence de nos process et de la crédibilité et engagement des membres du CA de la Fondation.
Dans quelle mesure le mentorat que vous avez mis en place participe-t-il à une insertion plus rapide des bénéficiaires dans le monde professionnel ?
Indéniablement, ce programme monté par la FME a un impact fort pour leur insertion professionnelle. Ce programme dénommé tutorat by FME permet aux boursiers de la FME, de bénéficier du soutien pédagogique et moral d’un (e) cadre ou d’un(e) chef d’entreprise.
L’objectif est de développer leurs compétences personnelles, professionnelles et sociales. Les jeunes étudiants bénéficient de conseils avisées, d’aide technique pour l’insertion professionnelle et intègrent un réseau via leurs tuteurs engagés. En effet le rôle du mentor est notamment de rehausser son niveau d’ambition, de l’aider à avoir confiance en lui, lui faire découvrir le monde de l’entreprise et le faire profiter de son réseau et lui apprendre à construire le sien.
N’oublions pas que la majorité de ces jeunes n’ont pas d’exemple de réussite d’ascension sociale via la formation. Cette action s’inscrit dans la vision de la FME qui agit chaque jour pour enraciner le principe de l’égalité des chances et faire bénéficier ses jeunes amplement méritants de l’ascension sociale.
71 % des bénéficiaires au titre de la promotion 2019 sont des filles. S’agit-il d’une discrimination positive ou est-ce là le résultat du scoring ?
J’aurais aimé vous dire que c’est grâce à une discrimination positive car l’égalité genre nous tient à cœur, mais c’est bien le résultat du scoring que nous avons opéré. Néanmoins de 2010 à 2017 nous avons réalisé une discrimination positive à l’égard des jeunes filles car elles ne représentaient que 23% de nos bénéficiaires. Maintenant avec cette promotion elles représentent désormais plus de 60%.
Dans le même ordre d’idées, quelles sont les attentes de la mise en place du programme #Herdayforher ?
Nous suivons nos bénéficiaires, et sommes à l’écoute de leurs attentes. Nous avons remarqué que malgré tout l’investissement réalisé pour l’égalité des genres, certaines de nos boursières se fixaient des limites à leur ambition. C’est de là qu’est né ce projet, conçu pour leur permettre de lever l’autocensure qu’elles se mettent et libérer leur ambition. Ce programme vient renforcer leur leadership. On sème ainsi des graines de leader qui certainement agiront en modèles de réussite de femmes méritantes au Maroc. Ce projet a un impact direct et je vous invite à visiter le site herdayforher.ma pour le mesurer, mais un impact indirect que j’en suis convaincue se mesurera sur les changements des mentalités de la société
Si vous deviez faire un bilan des 18 ans de l’activité de la FME, quels seraient les événements phares sur lesquels vous vous attarderez ?
Nous sommes désormais majeurs ! On a accompagné toute une génération et c’est le premier point que je tiens à souligner.
Au-delà des événements, ce sont les vies que nous avons impacté et un article ne suffirait pour les citer. Elles sont 800 en activité professionnelle et près de 700 en cours de formation au Maroc ou à l’étranger.
Nous avons élargi la cible des bénéficiaires, donné une place aux jeunes filles, conçu de nouveaux programmes ciblés, avons obtenu notre reconnaissance d’utilité publique. Tout cela nous rend fiers.
Vos projets futurs ?
Ils sont nombreux, seules les ressources nous limitent. Nous aspirons à la pérennisation de notre action en développant le nombre de donateurs particuliers récurrents. Ce projet a été lancé en mai dernier et reste d’actualité.
Nous nous préparons à lancer la deuxième édition du programme herdayforher.
Cette année le programme caravane projet de vie de la FME se verra donner un élan très important grâce à un partenariat avec l’association Marocaine des Présidents de Conseils préfectoraux et provinciaux.
Par ailleurs, nous avançons dans notre projet de Résidence Universitaire solidaire, pour lequel les entreprises du secteur du BTP sont appelées à participer.
Je peux vous assurer que le conseil d’administration et l’équipe ont beaucoup d’idées de projet au profit de leurs bénéficiaires, et j’en profite pour mobiliser des membres actifs à adhérer à notre action. Leurs contributions, leur énergie nous permettra de donner vie à notre vision pour l’ascension sociale au Maroc.