Ecrit par Imane Bouhrara |
A. Benkirane et A. Akhannouch sont vraiment faits pour s’entendre comme chien et chat. Et le premier, depuis qu’il a quitté les salons feutrés de la chefferie du Gouvernement fait des sorties certes rares mais fracassantes. Et surtout ne rate pas l’occasion lorsqu’il s’agit de l’actuel Chef de Gouvernement.
Il faut reconnaître que la séance publique des questions orales au Parlement ce lundi 18 avril a connu un chahut incroyable, et l’indiscipline de certains députés est véritablement choquante à l’heure où économie et citoyens sont au bord de l’agonie.
L’occasion est pourtant trop belle pour que Benkirane la laisse passer. Ne dit-on pas que la vengeance est un plat qui se mange froid. Et entre Benkirane et Akhannouch, il y a un lourd passif depuis qu’il l’a hérité comme un passager clandestin dans son gouvernement I.
Pour garder son portefeuille de l’agriculture, Akhannouch a même dû geler son adhésion au RNI en 2012 avant d’en devenir patron en 2016, un parti avec lequel le PJD était en conflit permanent bien avant le G8 de Salaheddine Mezouar.
Benkirane voyait bien en Akhannouch un cheval de Troie et il a bien laissé entendre lors du fameux blocage à l’issue des élections de 2016 qui ont porté finalement Saadeddine El Othmani à la chefferie du gouvernement en 2017 mettant le PJD au bord de l’implosion.
Et bien sûr, l’actuel patron du PJD qui n’a toujours pas digéré la défaite cuisante lors des élections de 2021 face à un ras-de-marré du RNI qui est aujourd’hui à la tête d’une majorité très confortable.
Mais c’est sans compter le contexte actuel qui donne la part belle à l’opposition pour tirer à boulets rouges sur le gouvernement et c’est justement ce qui s’est passé ce lundi.
Mais revenons à nos moutons. Le 19 avril au soir, l’ancien chef de gouvernement et, a bien recadré l’actuel chef de Gouvernement Aziz Akhannouch qui aurait quelque peu raclé Bouanou sur les conséquences de la libéralisation des hydrocarbures et la réforme de la compensation.
Pour les beaux yeux de Bouanou ?
Dans un court live de 45 minutes, Abdelilah Benkirane s’est adressé directement à Aziz Akhannouch. D’ailleurs, l’intitulé de la vidéo ne laisse aucun doute quant à son destinataire « Réponse aux allégations du Chef du gouvernement ».
Benkirane s’est dit même obligé d’intervenir pour répondre à Akhannouch, pour avoir attaqué le PJD plus qu’il n’a répondu aux questions posées par le chef du groupe PJD, Abdellah Bouanou, lors de la séance de lundi.
Benkirane va même jusqu’à dire que Akhannouch a proféré des accusations non fondées. « Ssi Aziz attendait l’occasion pour placer deux mots pour dire c’est le PJD qui est responsable de la hausse des prix et que la vague de cherté est à cause de la libéralisation du secteur des Hydrocarbures sous l’ère du PJD », martèle Benkirane.
Il explique que contrairement à ce que certains veulent entendre de sa bouche, le PJD a pris cette décision souveraine et réfléchie sans orientations de personne, et dans le cadre d’une série de réformes. Pour Benkirane, Akhannouch aurait également profité de la séance de lundi au Parlement pour réagir à un précédent communiqué du PJD.
Sur ce point, Benkirane va enfoncer le clou : « Quand un chef de gouvernement dit qu’il n’a pas de baguette magique, il doit juste démissionner de ses fonctions car il n’a été nommé à ce poste que parce qu’il est jugé capable de régler les problèmes du pays. Bien évidemment, il ne peut pas tout régler en même temps. Mais cela signifie néanmoins qu’il est incapable de faire face aux problèmes qui se posent aujourd’hui ».
Bon on va pas s’attarder sur le passé, et même si comparaison n’est pas raison, Abdelilah Benkirane en avait de ces déclarations lorsqu’il était chef de gouvernement sur des dossiers brûlants.
Le patron du PJD a poursuivi son propos soulignant que dans le contexte que nous vivons marqué d’une hausse générale des prix et d’une flambée des prix des hydrocarbures, Aziz Akhannouch avait deux choses à faire : « user de ses prérogatives pour limiter cette hausse ce qu’il n’a pas fait et la deuxième c’est au moins expliquer aux gens comment la hausse des prix du pétrole a causé cette situation pour une meilleure acceptation par les Marocains au lieu du bouillonnement social », explique-t-il.
Il estime d’ailleurs qu’avec cette hausse aussi bien les recettes de l’Etat que les marges bénéficiaires des pétroliers ont augmenté. Il les a même estimées à 36 ou 38 Mds de DH.
Pourquoi l’Etat ne consente-il pas à sacrifier 50 centimes par litre sur la TIC ou encore les pétroliers ne rendent-ils pas l’ascenseur à ce pays où ils ont tant gagné ?, laisse-t-il entendre.
Pour ce qui est de la réforme de la compensation, autant dire que Benkirane n’y est pas aller de main morte :
Bien évidemment en fin politicien et véritable bête politique, Abdelilah Benkirane laisse la porte entre-ouverte rappelant qu’il n’agit pas en ennemi puisque lors de son élection en tant que secrétaire général du PJD en octobre 2021, il avait passé le mot qu’il ne faut pas s’attaquer au gouvernement qui venait à peine d’entrer en fonction.
« On m’a accusé de te soutenir et j’ai dit que je n’ai aucun mal à te soutenir s’il le faut et ça m’a valu ce que ça m’a valu. Et lors de la tenue du Conseil national du PJD, des marionnettes ont crié « Ir7al » à ton sujet et j’ai vu avec les membres du Conseil pour recadrer les gens pour la raison évidente qu’on ne peut rejeter un gouvernement qui avait à peine commencer son travail », reproche-t-il.
Benkirane s’est dit même prêt à aider Akhannouch s’il en exprimait le besoin, ce dernier ayant fait montre d’une faiblesse en tant que chef de gouvernement alors qu’en ministre il s’en sortait, tacle le SG du PJD.
En effet, Benkirane se calmait deux minutes dans le live avant de revenir à la charge contre Akhannouch notamment sur la probité des élections mais aussi de la compensation, la crise du gaz avec l’Algérie, et dont les propos sont gravissimes bien que le fin limier a essayé de noyer le poisson.
Une fois lâché, un propos ne peut être repris. Certes Akhannouch a souvent choisi de ne pas se lancer dans des joutes avec son ancien chef de gouvernement bien rodé à l’exercice, mais ce dernier a laissé entendre des choses très graves que se taire revient à accepter.
L’autre élément à retenir, Benkirane, et c’est bien légitime et n’est pas exclu, balise dès à présent le terrain pour le PJD, profitant du bilan très mitigé à ce jour du gouvernement, en perspectives des échéances prochaines en 2026.
Jusque là discret, Benkirane prépare-t-il déjà son retour sur scène ?