Ecrit par Lamiae Boumahrou |
Après des années de mutisme du gouvernement au sujet des prix des hydrocarbures, Aziz Rabbah, ministre de tutelle, a enfin dénoncé l’implication directe de Aziz Akhannouch dans l’augmentation des prix des hydrocarbures. Des accusations qui faut-il reconnaître n’engagent pas seulement la responsabilité de Akhannouch mais également celle de Rabbah et du gouvernement.
A 3 mois des élections, le bal des clashs entre partis politiques est ouvert. Les masques tombent et les alliances se brisent. Ceux qui se sont supportés pendant 5 ans pour préserver leur place au sein du gouvernement lavent désormais leur linge sale en public. A l’approche des élections, tout est permis. On se jette la balle des responsabilités, on s’accuse mutuellement, on critique les actions de son compagnon de route, on divulgue les secrets mais aussi on apporte un semblant de réponses à des questions restées en suspens durant tout le mandat.
C’est le cas du dossier des hydrocarbures qui a suscité l’indignation de tous les Marocains. Et pourtant, le gouvernement a toujours gardé le silence, s’est désengagé de toute responsabilité en lançant la balle au camp du conseil de la Concurrence.
Aujourd’hui, on en sait un peu plus de la bouche du ministre de l’Energie Aziz Rabbah. Lors d’une récente sortie médiatique à l’occasion de la séance d’ouverture de la 17ème édition de la campagne nationale pour les jeunes de la justice et du développement (5 juin), l’actuel ministre de l’Energie a accusé directement Aziz Akhannouch, ministre de l’Agriculture, d’être derrière l’augmentation flagrante des prix des hydrocarbures.
« Je vais le dire directement, celui qui veut compatir avec les Marocains doit ne pas augmenter les prix des hydrocarbures au lieu de distribuer les paniers à l’approche des élections. Il ne doit pas non plus profiter de la libéralisation des prix pour réaliser beaucoup de bénéfices dans une conjoncture difficile », a-t-il martelé.
C’est la première fois que Aziz Rabbah, ministre de tutelle du secteur, affirme publiquement que les pétroliers, en l’occurrence l’entreprise de Aziz Akhannouch, ont réalisé des marges de bénéfices énormes sur le dos des Marocains, grands perdants de la politique de libéralisation. L’abus des pétroliers est donc irréfutable. Et pourtant Aziz Akhannouch a récemment nié en bloc toute cette polémique autour des prix des hydrocarbures.
Prix des hydrocarbures : le verdit est tombé
Certes A. Rabbah n’apporte rien de nouveau, mais au moins il confirme le constat que le gouvernement n’a jamais eu le courage d’affirmer publiquement. Mais cela ne le désengage pas pour autant. En effet, les déclarations de Aziz Rabbah non seulement mettent Aziz Akhannouch dans l’embarras mais elles engagent également sa responsabilité et celle de tout le gouvernement.
En d’autres termes, l’équipe aux manettes est complice dans cette affaire pour n’avoir rien fait et pour avoir occulté la vérité aux Marocains en se cachant derrière le droit à libre concurrence. Un droit qui n’a jamais été appliqué par les pétroliers depuis 2015 date de la libéralisation du marché des hydrocarbures.
Nous avions pourtant interpellé le ministre de l’Energie lors d’un entretien (9 mars 2021) sur les raisons de l’inactivation de l’article 4 de la loi sur la liberté des prix et de la Concurrence. Sa réponse est restée évasive. « Actuellement, on n’est plus dans ce cas de figure. Je pense qu’il faut attendre les conclusions de la commission ad hoc nommée par SM le Roi sur ce dossier avant que le gouvernement ne statue sur le plafonnement ou non des prix des produits pétroliers liquides » avait-il souligné.
Nous l’avions également interpellé sur les pressions que les lobbies des sociétés pétrolières exerçaient sur le gouvernement et son département. « Je ne cède à aucun lobby dans l’exercice de mes fonctions et je ne sens pas cette pression que vous évoquez », avait-il affirmé. Des propos à notre humble avis très contradictoires.
Pourquoi attendre cette période de campagne électorale pour se prononcer enfin sur la question ? Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas pris les mesures nécessaires que la loi sur la liberté des prix et de la Concurrence lui procure (article 4) pour stopper l’hémorragie alors qu’il avait les éléments inculpant les pétroliers ? Pourquoi n’est-il pas allé jusqu’au bout de sa promesse de plafonnement des prix des hydrocarbures ?
Aziz Akhannouch a-t-il autant de pouvoir pour lier les mains d’un gouvernement élu par le peuple pour garantir une gestion efficace, efficiente et transparence de la chose publique ? De quoi sera fait le champ politique marocain de demain ? Aurons-nous droit aux mêmes acteurs qui s’accaparent la scène politique depuis des années mais qui ne servent que leurs propres intérêts ?
Le sort des Marocains sera-t-il, encore les 5 prochaines années, entre les mains de politiciens ayant perdu toute crédibilité ? Qui va porter le nouveau modèle de développement ? Quid de la reddition des comptes ? Sera-t-elle un jour mise en application ?
Autant de questions qui resteront malheureusement sans réponse. Pis, à 3 mois des élections, et au vu de la scène politique actuelle, on risque d’avoir la deuxième partie d’une série où l’on change uniquement le rôle des acteurs.
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Superbe article