Interviewée par Imane Bouhrara I
Bien que la circulaire de BAM date du 5 mars 2021, le dispositif d’évaluation des risques environnementaux et sociaux est déjà déployé chez Société Générale Maroc. Les détails sur les enjeux du verdissement du système financier avec Ilham Harket, Responsable RSE – Société Générale Maroc.
Ecoactu.ma : Ce 5 mars, Bank Al-Maghrib a émis la directive relative au dispositif de gestion des risques liés au changement climatique et de l’environnement. Justement, quels sont les types des risques concernés par cette directive ?
Ilham Harket : La Directive de Bank Al-Maghrib touche un sujet d’actualité mondiale, un sujet lié à la gestion des risques environnementaux, un sujet qu’aucun acteur de la place économique ne peut plus occulter. Elle pose les jalons indispensables à la gestion et à la supervision de nos expositions en la matière.
En ce sens, la Directive de Bank Al Maghrib couvre différentes natures de risques financiers liés au changement climatique. Il s’agit des :
- Risques physiques, résultant d’évènements climatiques et environnementaux tels que les inondations, les tempêtes ou la sécheresse, ou chroniques tels que l’augmentation des températures, la perturbation de la pluviométrie ou la raréfaction des ressources naturelles.
- Risques de transition résultant de nouveaux mécanismes économiques de remédiation, pouvant être technologiques, comportementaux ou réglementaires, visant la protection environnementale et engendrant des réévaluations possibles de certains actifs.
- Risques de responsabilité résultant par exemple de poursuites judiciaires pour atteinte à l’environnement.
Pour vous en tant que filiale d’un groupe mondial (qui a lancé dès 2020 le Green Trade Finance), quelle place occupe cette préoccupation de verdissement du secteur financier et quelle en est l’implication au Maroc ?
Le groupe Société Générale a pleinement intégré les enjeux environnementaux et sociaux dans sa stratégie de croissance et dans la manière de faire son métier.
Bâti sur sa raison d’être et ses valeurs, donnant du sens à ses actions, son modèle bancaire repose sur une stratégie de croissance durable visant à créer de la valeur pour l’ensemble de ses parties prenantes.
Cette stratégie est déclinée en enjeux prioritaires sous forme d’engagements et de réalisations. Le groupe est co-fondateur des Principes de Banque Responsable de l’UNEP-FI* et signataire des Principes de l’Equateur, et s’est engagé à aligner ses activités aux accords de Paris. Société Générale Maroc adhère bien entendu aux engagements du groupe.
D’ores et déjà, le dispositif d’évaluation des risques environnementaux et sociaux est déployé chez Société Générale Maroc. Il est porté par un Expert E&S dont la mission principale consiste à analyser et évaluer les risques environnementaux et sociaux identifiés par nos équipes commerciales dans le cadre d’octroi de crédit et/ou d’entrée en relation.
Par ailleurs, nous avons mis en place des initiatives locales notamment, au travers du lancement de la ligne de crédit Green Value Chain en partenariat avec la BERD. Nous accompagnons ainsi les PME qui s’inscrivent dans une démarche « green ».
*UNEP-FI : Initiative Financière du Programme des Nations Unies pour l’Environnement.
Quid de la gouvernance de ce dispositif au sein des banques, le système de notation et le reporting qui devient désormais obligatoire ?
Tout d’abord, il faut préciser que Bank Al Maghrib a impliqué les banques de la place dans la construction de cette directive à travers la participation à plusieurs ateliers sur le sujet.
La directive était nécessaire pour aligner les opérateurs financiers sur un même socle, pour légitimer cette démarche auprès de nos parties prenantes, notamment nos clients, mais aussi pour réguler une concurrence équitable basée sur un équilibre entre profitabilité et responsabilité environnementale pour une économie durable.
La stratégie et la gouvernance des banques doivent désormais intégrer des orientations et une politique clairement définie en la matière. Les enjeux climatiques et environnementaux doivent être pris en compte, non seulement dans les activités opérationnelles des banques, mais aussi dans la définition et la conception des produits.
Des reportings doivent être mis en place et présentés aux organes de direction. Enfin, un volet important d’acculturation doit être mis en œuvre, tant en interne qu’en externe.
Peut-elle être une contrainte dans le contexte de crise économique que vit le Maroc à l’instar du monde ou se traduire par un surcoût financier pour les établissements de crédit et organes assimilés étant donné qu’elle implique outre la formation des cadres bancaires, la sensibilisation de la clientèle ?
La directive est à la fois ambitieuse, réaliste et adaptable. Du fait de la crise pandémique, le monde, les économies et les sociétés ont été profondément meurtries.
Mais après le temps de gestion crise vient celui des projections sur le moyen et le long terme. Il convient d’identifier les conditions nécessaires pour mieux anticiper, mieux contribuer. Autrement dit, pour fonctionner de manière résiliente, optimale et durable.
Les acteurs opérationnels ont pris conscience de l’urgence climatique et la maturité en la matière se co-construit avec tous les acteurs. Ayant un rôle central dans nos économies, les banques doivent accompagner la transition durable avec des financements responsables et soucieux de soutenir de manière équilibrée les projets.
A cet égard, nous avons un rôle incontournable dans l’acculturation auprès de toutes nos parties prenantes et donc dans la montée en maturité de l’écosystème économique en matière de responsabilité environnementale.
Ainsi, la gestion des risques liés au climat n’est plus un « nice to have » mais un « must to have ». A défaut, nous serions tôt ou tard confrontés à des risques majeurs exposés.
Investir dans une démarche saine préservant nos ressources avec l’acculturation pour élever la maturité de toutes les parties prenantes en la matière, permet d’assoir une économie profitable, durable et pérenne.