Au mois de septembre 2020, 13.841 personnes ont bénéficié de l’indemnité perte d’emploi pour une enveloppe de 84 MDH. Quand on sait qu’en une année normale la moyenne des bénéficiaires est aux alentours de 15.000, cela signifie que cet outil de couverture n’a pas été au rendez-vous d’une année exceptionnelle. Et pour cause, une réforme à la traîne.
Depuis sa mise en place en 2014 jusqu’au mois de septembre 2020, l’Indemnité perte d’emploi a bénéficié à 77.826 personnes pour 962 MDH, dont 13.841 bénéficiaires pendant les 9 mois de 2020 pour une enveloppe de 64 MDH.
Quand on sait qu’en moyenne annuelle, 15.000 personnes profitent de cette indemnité et vu qu’au troisième trimestre 2020, l’économie a perdu 581.000 postes d’emploi par rapport à celui de 2019 (237.000 postes en milieu urbain et 344.000 en milieu rural), cela signifie que ce filet qu’est l’Indemnité perte d’emploi est loin d’avoir atténué les effets désastreux de la pandémie de la Covid-19 sur le marché du travail.
En cause, les conditions d’accès à cette indemnité qui sont assez complexes et qui excluent d’office les employés non déclarés à la CNSS ou travaillant dans l’informel. Plusieurs milliers de dossiers seront rejetés en raison des conditions draconiennes d’éligibilité.
En effet, pour pouvoir prétendre à cette indemnité, le salarié qui doit avoir perdu son travail dans des circonstances indépendantes de sa volonté, doit avoir cumulé jours de déclarations de salaires pendant les 36 derniers mois précédant la date de perte d’emploi dont 260 jours durant les 12 derniers mois précédant cette date.
Quand on sait l’état de la déclaration à la CNSS dans notre pays, il va sans dire qu’une grande partie des salariés dépendant du bon vouloir des entreprises de les déclarer peut être privée de cette IPE.
S’ajoutent les salariés fraîchement recrutés ou ceux ayant changé d’emploi en cours d’année et qui n’ont pas encore atteint 260 jours de déclaration durant 12 mois ayant précédé la perte d’emploi. Et c’est un cas problématique surtout en cette période de pandémie avec un taux de chômage record et des pertes d’emploi excédant les ½ million.
Les travailleurs de l’informel ainsi que ceux évoluent dans le monde rural sont les plus lésés dans cette situation. En effet, non seulement ils sont lésés dans leurs droits sociaux mais ils sont également victimes du laxisme de l’Etat à faire respecter les dispositions relatives au Code du travail par l’ensemble des entreprises et employeurs.
Pis encore, les autorités publiques traînent à réformer cette IPE, une réforme qui se fait aujourd’hui pressante après avoir raté le coche de la covid-19 mettant des milliers des salariés ayant perdu leur travail dans une situation de vulnérabilité financière en attendant qu’ils retrouvent un emploi.
En effet, le Conseil d’administration de la CNSS avait décidé en date du 23 juillet 2013 (soit avant même l’entrée en vigueur de l’IPE en décembre 2014) de lancer une étude d’évaluation 3 ans après de l’entrée en vigueur de ce dispositif dans le but de trouver des solutions adéquates et apporter les réformes nécessaires. Une évaluation qui a identifié trois pistes d’amélioration.
Cela signifie que cette réforme devait intervenir entre 2018 et 2019 et elle aurait été salutaire dans ce contexte de pandémie catastrophique pour l’emploi (ce qui pose la pertinence de rallonger la durée de bénéfice de cette IPE au-delà de 6 mois dans les cas extrêmes où le bénéficiaire n’arrive pas à trouver du travail, malgré l’accompagnement de l’ANAPEC).
Interpellé à ce sujet, le ministre du Travail et de l’insertion professionnelle, Mohamed Amkraz rappelle que l’étude menée par le Conseil d’Administration de la CNSS avait abouti à trois scénarios de réforme soumis au chef de gouvernement qui a retenu la première option. Le ministre assure ou plutôt espère que le projet de loi modifiant l’IPE puisse atterrir bientôt dans les circuits de validation.
En espérant que ce dossier (qu’Amkraz a eu en patate chaude) ne sera pas passé comme une patate chaude au prochain gouvernement !