Dans son rapport 2017, le CESE, présidé par Nizar Baraka s’est attardé sur la politique d’industrialisation menée par le ministère de Moulay Hafid Elalamy.
Comme chaque année, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a soumis son rapport annuel au Roi conformément à l’article 10 de la loi organique régissant le Conseil. Ce rapport qui passe en revue la situation économique du pays et les principaux faits marquants de l’année, s’est attardé sur le plan d’accélération industrielle lancé par Moulay Hafid Elalamy, qui a pour objectif le renforcement de la contribution du secteur au niveau du PIB et l’ériger en principal moteur de croissance.
Si le rapport reconnaît les efforts d’attraction des investisseurs étrangers, il note toutefois que « le secteur n’a pas encore permis un véritable décollage économique tel que cela ressort au niveau du rythme de croissance assez modeste de la VA industrielle et sa contribution limitée à la croissance du PIB. De même, les métiers mondiaux n’arrivent pas à créer suffisamment d’emplois décents pour compenser les filières en déclin ».
Pour étayer son propos, le rapport faire référence au dernier rapport du Forum Economique Mondial (Readiness for the Future of Production, 2018), qui place le Maroc parmi la catégorie de pays les moins préparés à la révolution industrielle 4.0.
Ainsi, sur 100 pays, le Maroc est 77e en matière de « structure productive » et 73e en termes de « facteurs/moteurs de production ».
Pour amorcer le virage de l’industrialisation 4.0 et intégrer le cercle des pays à revenu intermédiaire tranche supérieure, le rapport du CESE identifie 11 pistes d’action.
Le premier point prioritaire selon le CESE est la gouvernance institutionnelle dans le sens de « garantir un degré d’efficience en matière d’implémentation de la politique industrielle et une cohérence entre les différentes mesures qui impactent le secteur ». Sur ce point, et dans le cadre de l’auto-saisine « Changement de paradigme pour une industrie dynamique au service d’un développement soutenu, inclusif et durable », le CESE a recommandé « la création d’un Conseil National de l’Industrie, organe de pilotage à haut niveau, placé sous l’autorité du Chef du Gouvernement et mobilisant les départements et organismes socio-économiques publics et privés, à fort impact sur le déploiement de la stratégie ».
De même que le CESE recommande de procéder à « La sanctuarisation par les textes de la représentativité et de la légitimité des fédérations sectorielles », ainsi que le renforcement des syndicats et de leur participation aux instances de représentation au sein des entreprises et des organes de pilotage des politiques industrielles.
Le problème est que cela peut contribuer à l’effet inverse. Comme l’avait d’ailleurs expliqué Moulay Hafid Elalamy lors de la récente inauguration de l’usine Novares à Kénitra. En effet, poser trop de conditions est de nature à dissuader l’investissement. Le ministre avait prôné une approche beaucoup plus habile, intéresser les investisseurs par des Joint-venture avec des les sociétés marocaines. Moulay Hafid Elalamy s’est également montré intransigeant en matière de respect des droits des travailleurs.
Pour revenir au rapport 2017 du CESE, une autre recommandation s’attaque aux situations de rente qui biaiserait de la compétitivité de l’industrie nationale. Dans ce sens, le rapport estime qu’une optimisation des subventions et incitations financières, fiscales, s’impose dans le sens où « celles-ci devraient être limitées dans le temps et conditionnées par les résultats des entreprises et leur performance en matière de création d’emploi, de valeur ajoutée, d’exportation, de productivité, d’innovation… ». Le rapport défend l’idée « que les avantages accordés aux investisseurs nationaux pionniers dans de nouveaux secteurs/produits à contenu technologique supérieur soient proportionnellement plus élevés que ceux accordés aux investisseurs qui les rejoindront par la suite, étant donné que les premiers supportent des coûts d’exploration de marché plus importants et font face à des risques et incertitudes plus amples (un système progressif selon le niveau de risque supporté) ». Il n’est pas sûr que le ministère adhère à cette approche.
Bien évidemment certaines questions sont transversales et relèvent de plusieurs départements ministériels voire même le secteur privé. Le cas de la question du financement, notamment les TPME. La formation est également une question qui concerne plusieurs acteurs. Dans ce sens, le CESE appelle au renforcement de l’écosystème de la formation professionnelle initiale et continue, en accordant un intérêt particulier à la qualité de la formation au lieu de se focaliser exclusivement sur des objectifs de quantité qui ont montré leurs limites. De plus, et afin de valoriser les travailleurs dotés de longues expériences mais ne disposant pas de diplômes, le CESE recommande, dans le cadre de l’auto-saisine n°30/2017, d’élargir l’expérience du programme de validation des acquis de l’expérience professionnelle (VAEP) à un périmètre plus large de secteurs et métiers. Le CESE attire l’attention sur la valorisation de la compétitivité hors coût et éviter de se focaliser exclusivement sur le salaire et le taux de change comme seuls leviers pour accroître la compétitivité des industries : « ces éléments de coût ne constituent pas des avantages comparatifs viables puisque plusieurs pays notamment en Asie et en Afrique concurrencent le Maroc en offrant des salaires plus bas. Dans une telle situation, le Maroc risquerait d’être piégé entre d’une part, le poids des concurrents à faible revenu, compétitifs dans des industries à faible valeur ajoutée et d’autre part, son incapacité à s’étendre de manière significative vers des industries à haute valeur ajoutée qui requièrent des facteurs de compétitivité plutôt hors coût.
Aussi, les grands projets d’investissement bénéficiant d’un soutien public particulier devraient-ils systématiquement faire l’objet d’une évaluation continue selon une grille d’indicateurs ou un référentiel détaillé, couvrant 4 dimensions (dimension économique, dimension sociale, dimension environnementale et dimension de la gouvernance), note le rapport. Le référentiel de la charte sociale proposé par le CESE et le rapport sur la richesse globale peuvent constituer un socle de base pour choisir les indicateurs les plus appropriés pour la grille en question. De même que le rapport semble sensible aux questions genre, environnementale et de convergence territoriale.