Ecrit par I. B. |
Excès de formalité, gouvernance au coup par coup, capital humain relativement faible et absence de données microéconomiques sur l’informel, sont autant de facteurs qui réduisent l’efficience de l’action publique pour ramener les travailleurs et les entreprises informelles vers le formel. Détails.
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales-Agdal de l’Université Mohamed V, en collaboration avec le Ministère de l’Économie et des Finances, ont organisé le jeudi 9 juin, une table ronde de haut niveau qui coïncide avec la publication d’un document du FMI intitulé « Informalité, Développement, et Cycles Economiques en Afrique du Nord « .
Cette conférence fait partie d’une série d’événements que le FMI organise au Maroc, futur pays hôte des Assemblées Annuelles du Groupe de la Banque Mondiale et du FMI qui se tiendront à Marrakech en octobre 2023.
Et elle intervient suite au papier du FMI “Informalité, Développement, et Cycles Economiques en Afrique du Nord” et s’est focalisée sur les cas Maroc et Egypte.
Ce policy paper montre que sur la base des études de cas au niveau pays les décideurs en Afrique du Nord se heurtent à quelques difficultés communes dans l’élaboration de politiques visant à réduire les coûts de la formalisation et à en accroitre les bénéfices.
Si l’ampleur des écarts relatifs en matière de politiques publiques par rapport au reste du monde varie d’un pays à l’autre, tous les pays nord-africains devraient rehausser la qualité de leur gouvernance, réduire le poids des réglementations imposées par l’administration centrale, accroître la disponibilité des services financiers, concevoir des systèmes fiscaux efficaces et non distorsifs, et supprimer les rigidités inutiles sur le marché du travail.
Les simulations de politique publique montrent qu’en réduisant le coût exercer dans l’économie formelle, il est possible de faire baisser l’informalité de l’emploi jusqu’à 30 % et de stimuler la croissance à long terme. Si la contribution relative aux différentes mesures dépend du degré de contrainte des distorsions qu’elles cherchent à corriger, c’est leur mise en œuvre simultanée qui a le plus d’effet.
Toujours selon le FMI, pour les décideurs, cela signifie qu’il faut préférer une approche coordonnée et globale pour réduire l’informalité à une approche fragmentaire où des mesures sont introduites au coup par coup sans se soucier réellement de leur cohérence avec le cadre d’action général. Enfin, si le secteur informel a traditionnellement protégé les marchés du travail d’Afrique du Nord des effets des récessions, cela n’a pas été le cas lors de la crise de la COVID-19.
En général, les pays nord-africains affichent des taux de chômage relativement stables, y compris pendant les récessions, en grande partie du fait de la taille de l’économie informelle. Cependant, l’emploi informel a sensiblement reculé en Afrique du Nord pendant la pandémie, car les mesures de confinement ont particulièrement nui aux secteurs de services à forte informalité.
À mesure que la pandémie s’atténue et que les mesures de confinement sont levées, la reprise des marchés du travail de la région pourrait se traduire par un rebond de l’emploi informel plus marqué que d’habitude.
Afin d’assurer une reprise inclusive après la pandémie, il convient de redoubler d’efforts pour mettre en place des systèmes de protection sociale plus modernes (numérisés), plus efficaces et plus équitables, en tirant parti des progrès réalisés dans la région pendant la pandémie pour étendre les filets de sécurité aux travailleurs informels.
Et le traitement de cette problématique doit se faire sous différents prismes en prenant les spécificités de plusieurs catégories d’informel, le cas des migrants souvent irréguliers. Dans ce sens, Tito Boeri, professeur de sciences économiques, Université Bocconi, Milan, préconise une politique murement réfléchie moins répressive au risque de détruire des emplois et assez souple pour en garantir l’adhésion des catégories concernées.
L’une des problématiques revenues en boucle lors de la conférence du 9 juin est l’indisponibilité de données microéconomiques qui permettraient d’élaborer des actions plus ciblées et donc donner plus d’efficience aux politiques publiques pour la reconversion du secteur informel vers le formel, du moins réduire son contribution au PIB national et son poids prédominant sur le marché du travail. Un avis partagé par Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib et Idriss El Abbassi, de la FSJES de l’Université Mohammed V de Rabat.
Les économies nord-africaines se caractérisent par une part importante d’activités et d’emplois informels. En Afrique du Nord, environ deux tiers des travailleurs opèrent en dehors des dispositions réglementaires et sans couverture sociale, et on estime qu’environ 30 % du PIB est produite par des travailleurs et des entreprises informels.
Il est clair qu’un capital humain relativement faible et une population jeune figurent parmi les facteurs structurels pouvant conduire à un degré élevé d’informalité dans la région, car les personnes peu qualifiées et les jeunes ont généralement plus de mal à intégrer le secteur formel.
Bien que la part de femmes ayant un emploi informel est plus grande que celle des hommes dans la majorité des pays de la région, les données ne démontrent pas clairement que les femmes sont plus exposées à l’informalité une fois que les autres caractéristiques individuelles des travailleurs informels de la région sont prises en compte.