Ecrit par Soubha Es-Siari |
Dans un monde en perpétuelle mutation, les institutions toutes catégories confondues sont en quête permanente de l’innovation pour faire face aux défis aussi bien économiques que sociaux. La recherche de l’innovation est par ailleurs boostée par le développement de nouvelles technologies, par un monde connecté et par des citoyens de plus en plus avertis.
L’innovation au cĹ“ur de la transformation des organismes publics : quelles opportunitĂ©s pour les organismes de prĂ©voyance sociale ? est la thĂ©matique de la 5e Ă©dition des rencontres scientifiques tenue ce jeudi 8 dĂ©cembre par la Caisse Marocaine des Retraites (CMR) en partenariat avec l’UniversitĂ© Hassan II et LAREDGO (laboratoire de recherche en Ă©conomie de dĂ©veloppement et gouvernance des organisations).
Le choix de la thématique n’est pas fortuit mais est d’une actualité brûlante eu égard à la réforme du secteur public que souhaite mener le Maroc. Le but étant de faire du secteur public une réelle locomotive de développement dans un monde empreint d’incertitudes.
Comme l’a souligné Lotfi Boujendar, Directeur Général de la CMR dans son discours d’ouverture : « La crise économique influe le développement de l’innovation dans le secteur public dans un contexte de restrictions budgétaires incitant le passage des politiques d’une logique de moyens à une logique de résultats ».
Et d’enchaîner : « L’innovation favorise la croissance économique et la création de richesses à travers l’instauration d’un environnement des affaires propice à la créativité et à l’investissement ».
Les chiffres dévoilés par le Directeur de la CMR révèlent qu’en 2022, le Maroc a été placé au 67e rang sur la liste des 132 économies évaluées selon l’édition 2022 de l’indice mondial de l’innovation (Global Innovation Index-GII). Le Maroc occupe ainsi le 6e rang parmi les 36 pays de la catégorie des économies à revenu moyen-inférieur et 8e dans les 19 pays de la région MENA.
Le Maroc ambitionne de moderniser son administration à travers l’innovation en passant à une administration électronique et à la dématérialisation des processus et des procédures.
Toutefois pour y parvenir, le secteur public a besoin de mĂ©canismes et des contraintes qui doivent ĂŞtre bien rĂ©glĂ©s pour promouvoir l’innovation. Comme l’a si bien dit annoncĂ© Marco Daglio de l’OCDE : « Pour ĂŞtre innovants, les gouvernements doivent dĂ©velopper et des soutiens explicites et des soutiens implicites ». Dans la foulĂ©e, il dĂ©voile l’approche systĂ©mique de l’OCDE pour intĂ©grer systĂ©matiquement l’innovation. Le 22 mai 2019, l’OCDE a-t-il rappelĂ© a prĂ©sentĂ© la DĂ©claration, soussignĂ©e dĂ©jĂ par 43 pays. Il s’agit d’un instrument lĂ©gale qui donne de la cohĂ©rence et de la lĂ©gitimitĂ© aux efforts des pays pour innover ses administrations publiques, notamment suivant cinq principes d’innovation publique : encourager tous les agents publics Ă innover et leur en donner les moyens, cultiver de nouveaux partenariats et faire entendre des points de vue diffĂ©rents, promouvoir l’exploration, l’itĂ©ration et la rĂ©alisation de tests…
Une chose est sûre : l’innovation publique à multiples enjeux amène à nous poser différentes questions : les formes et les dimensions que peut prendre l’innovation dans le secteur public ? Les facteurs de blocage qui freinent l’innovation au sein du secteur public ? Autant de questions auxquelles les responsables des différentes caisses ont apporté des éléments de réponses.
Les organismes de prévoyance : aux nouveaux besoins, nouveaux produits
La rencontre a été également une occasion pour les représentants des différents organismes de prévoyance  (CNSS, CMR, CIMR, RCAR) de rappeler le rôle que joue l’innovation en matière de service public notamment ceux liés au vieillissement de la population, aux mutations du marché du travail… et ce à travers l’introduction de nouveaux produits et services. Ils sont tous conscients qu’ils sont amenés à améliorer constamment leurs modes de gouvernance et veiller à la gestion équitable et inclusive des différents profils de leurs usagers en leur proposant ainsi des solutions innovantes adaptées à leurs besoins.
En termes de contraintes, il est souligné qu’elles résultent souvent de l’absence de mesures incitatives, au fait que les gestionnaires ne sont pas impliqués dans les finalités de l’action. Les mécanismes et actions mises en place par le ministère de la transition numérique sont-ils pour autant suffisants pour inciter et encourager les organismes publics à innover.
Il faut dire que le besoin d’innover dans le domaine de la prĂ©voyance sociale ne date pas d’aujourd’hui. Il  a Ă©mergĂ© suite au Discours de SM le Roi en juillet 2018 : « En effet, il est insensĂ© que plus de cent programmes de soutien et de protection sociale, de diffĂ©rents format et se voyant affecter des dizaines de milliards de dirhams, soient Ă©parpillĂ©s entre plusieurs dĂ©partements ministĂ©riels et de multiples intervenants publics. En fait ces programmes empiètent les uns sur les autres, pèchent par manque de cohĂ©rence et ne parviennent pas Ă cibler les catĂ©gories effectivement Ă©ligibles »… Extrait du Discours.
Bref de par les spécificités des organismes de prévoyance, l’innovation exige l’implication de l’ensemble des acteurs : chercheurs dans les sciences exactes et sociales, juristes, experts de l’écosystème de l’innovation privé… Ils sont tous appelés à conjuguer leurs efforts pour mieux accompagner le processus de transformation et de modernisation.
Mieux encore, lesdits organismes doivent innover pour renforcer leurs capacités à relever les défis qui guettent les affiliés ou pensionnaires. Pour ce faire, ils doivent améliorer constamment leurs modes de gouvernance et de gestion et veiller à la gestion équitable et inclusive des différents profils de leurs usagés, en leur proposant des solutions adaptées à leurs attentes.
Encore faut-il que les pouvoirs publics jouent le jeu à travers la mobilisation des ressources financières et la mise en place de mesures adéquates voire incitatives.