Bien que le Maroc ait réussi à se positionner dans les différentes chaînes de valeur mondiales (CVM), la dynamique de son insertion et de montée en gamme demeure faible, comparativement à des pays comparables. C’est ce qui ressort de l’analyse de la dynamique et du profil de l’intégration du Maroc dans les chaines de valeur mondiales (CVM) et l’évaluation de ses contributions intrinsèques au commerce international réalisée par la DEPF dans son dernier Policy brief.
Une analyse dont l’objectif est de déterminer le niveau de participation de l’économie marocaine aux CVM (en amont et en aval) et d’identifier les origines et les caractéristiques du déficit commercial du Maroc, et ce à travers l’analyse de ses échanges commerciaux des biens et services en termes de valeur ajoutée par pays et par secteur.
Hasna Mrani Alaoui, Chargée d’études sur la compétitivité économique, a rappelé que le contenu importé des exportations marocaines a connu une progression régulière, quoique modeste, pendant ces deux dernières décennies, pour se situer autour de 31,5% en 2018. La teneur des exportations en produits importés a connu une nette baisse en 2009 (26,5%), sous l’effet de la crise économique et financière internationale, avant de retrouver son niveau d’avant crise.
Il ressort que les trois industries marocaines les plus intégrées dans les CVM, sont les produits informatiques, appareils électroniques et optiques, la construction automobile et fabrication d’autres équipements de transport et le textile et habillement, enregistrant les plus hauts niveaux de valeur ajoutée étrangère dans les exportations nationales, soit 60,5%, 51% et 50% respectivement en moyenne sur la période 2011-2018, avec une tendance légèrement haussière par rapport à la période allant de 2005 à 2010.
De même, les exportations des machines et équipements et des équipements électriques recèlent une teneur importante en intrants importés, en moyenne sur la période 2011- 2018, soit respectivement 49,3% et 46,4%. Il est à signaler que le taux du contenu importé des exportations est important au niveau de certaines industries de transformation qui disposent d’un multiplicateur d’emploi très élevé.
Ce taux est plus faible, cependant, au niveau des industries extractives (14,5%) et des produits alimentaires, boissons et tabacs (21,8%), en moyenne sur la période 2011-2018, en quasi stabilité par rapport à la période 2005-2010. Les services aux entreprises (activités immobilières, intermédiation financière) sont les secteurs les moins intégrés, enregistrant les contenus étrangers les plus faibles dans les exportations.
Cela dit, l’analyse de la DEPF révèle qu’en l’espace de 13 ans, le Maroc a gagné 7,6 points dans sa participation dans les CVM pour s’établir à 46,7% en 2018, sous l’effet, principalement, de la composante relative à la participation en amont (5,1 points). Cependant, sa participation en aval a affiché une amélioration de 2,6 points entre ces deux dates en passant de 12,7% à 15,3% entre 2005 et 2018. Ce résultat dénote d’une dépendance des entreprises nationales à l’égard des intrants étrangers, supérieure à celle des entreprises exportatrices étrangères à l’égard des produits intermédiaires marocains.
Compte-tenu de cet état de fait, le taux de participation du Maroc aux CVM en 2018 est similaire à celui des pays tels que le Mexique, la Roumanie, la Russie ou le Chili, et supérieur à d’autres comme la Turquie, le Brésil et l’Inde. En revanche, des pays comme la Hongrie et la Slovaquie présentent des taux de participation plus importants que le Maroc compte tenu de leur insertion croissante dans les chaines de valeur, notamment européennes.
« Pour le cas du Maroc, la dépendance de la production nationale à l’égard de l’étranger s’est accrue, entre 2005 et 2018, du côté de l’offre passant de 13,3% à 16,1%. Quant à celle de la demande, elle est passée de 8,2% à 11,7% », lit-on dans le Polyci Brief.
Hasna Mrani Alaoui rappelle dans son analyse que sur le plan des dépendances sectorielles, le tissu productif marocain affiche une plus grande dépendance à l’offre étrangère qu’à la demande pour plusieurs branches du secteur manufacturier. Plusieurs secteurs industriels importants, comme le textile-habillement, la chimie, la métallurgie, l’informatique, les équipements électriques, les machines et matériel d’équipement, sont ainsi plus dépendants par l’offre, dans la mesure où ces secteurs utilisent une grande quantité d’intrants importés.
En revanche, la dépendance à la demande étrangère est plus importante pour les produits alimentaires et autres produits minéraux non métalliques. Quant au secteur de l’agriculture et pêche, il se trouve à côté de la bissectrice. Ce qui signifie qu’il présente la même dépendance à l’offre et à la demande étrangère.
L’analyse révèle que la participation du Maroc en amont des CVM a progressé à un rythme plus élevé que celle en aval ce qui rend l’économie nationale plus vulnérable aux chocs d’offre potentiels de pays positionnés plus en amont des CVM.
« Notre pays est contraint de déployer des efforts supplémentaires et de relever des défis pour monter en gamme et accélérer le processus de transformation structurelle », précise Hasna Mrani Alaoui.
Des défis qui sont liés particulièrement à l’investissement dans le capital intellectuel, le renforcement de l’intégration au niveau régional, l’adaptation du code de travail, l’amélioration de la qualité des institutions et des administrations qui pourrait être déterminante dans la décision d’investissement ainsi que la poursuite de l’amélioration de la qualité de la logistique compte tenu de son rôle dans la facilitation des échanges et le développement des CVM.