Interview réalisée par la Rédaction |
La « Déclaration de Tanger », présentée à l’issue de la première conférence politique continentale de l’Union africaine orgainsée à Tanger du 25 au 28 octobre, est un appel aux agences de développement et aux architectes de la paix et de la sécurité de l’Union Africaine, notamment son Conseil de Paix et de Sécurité que préside actuellement le Maroc à agir ensemble, de manière coordonnée, en créant davantage de synergies dans la programmation, la stratégie et la mise en œuvre de leurs projets. Le point avec Jean-Guy Afrika, directeur par intérim du Bureau de coordination de l’Intégration régionale au Groupe de la Banque africaine de développement (BAD).
Ecoactu.ma : Organisée à Tanger du 25 au 27 octobre, la première conférence politique continentale de l’Union africaine s’est terminée avec la présentation de la « Déclaration de Tanger ». Que contient cette déclaration et pourquoi est-elle importante ?
Jean-Guy Afrika : La « Déclaration de Tanger » reprend les principales actions à entreprendre par toutes les organisations qui ont participé à la conférence. C’est une étape importante. Nous avons réuni les acteurs du développement et ceux qui agissent dans le domaine de la paix et de la sécurité.
D’ordinaire ils ne se rencontrent pas, mais nous avons réalisé combien il était pressant de les réunir. Nous sommes convaincus en effet que les questions de développement doivent être intégrées aux problématiques de sécurité pour répondre de la manière la plus efficiente possible aux défis que posent les situations de conflit sur le continent. Leur nombre augmente significativement et il nous faut en effet agir plus rapidement. Prenons l’exemple d’un conflit qui approche de son terme, quand des pourparlers ont lieu ou que des accords sont pris entre deux parties : l’étape suivante est souvent celle du financement.
Cette capacité à agir vite est essentielle car c’est elle qui définit l’efficacité de notre soutien. Cela passe généralement par la création de comités qui travaillent précisément à instaurer de nouveau la confiance entre les communautés, à restaurer les services sociaux de base et les infrastructures endommagées, et à renforcer le contrat social avec le gouvernement. Or, ces compétences ne sont pas toujours celles des appareils sécuritaires.
La « Déclaration de Tanger » est donc un appel aux agences de développement et aux architectes de la paix et de la sécurité de l’Union Africaine, notamment son Conseil de Paix et de Sécurité que préside actuellement le Maroc à agir ensemble, de manière coordonnée, en créant davantage de synergies dans la programmation, la stratégie et la mise en œuvre de leurs projets. Nous sommes tout particulièrement redevables à Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour sa vision de l’Afrique et pour avoir fait du Maroc un champion du développement et de l’intégration régionale sur le continent.
La conférence a eu pour thème la promotion du triptyque « paix, sécurité et développement » dans la perspective d’une meilleure intégration régionale. Comment cette intégration va-t-elle permettre de concrétiser la « Déclaration de Tanger » ?
En matière d’intégration, le Groupe de la Banque africaine de développement a une approche globale qui est alignée avec l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Cette approche consiste en une stratégie continentale qui se décline et est opérationnalisée au niveau de chaque région en tenant compte de leurs particularités. En Afrique du Nord par exemple, la stratégie qui définit notre approche et nos investissements s’intitule le DSIR-AN, le Document de Stratégie d’Intégration Régionale pour l’Afrique du Nord. Il prend en compte les projets et ambitions de tous les pays de la région. Nos actions pour la promotion de l’intégration régionale se regroupent généralement en deux types d’interventions : immatérielles et matérielles.
Pour les premières, il s’agit de contribuer au renforcement des capacités institutionnelles des communautés économiques régionales afin de permettre la mise en place de cadres légaux adéquats en vue de consolider les institutions, de réglementer et d’harmoniser les politiques entre les pays, et cela dans la perspective d’un meilleur environnement des affaires et d’une libre circulation des biens, personnes, services et capitaux. Nous travaillons en étroite collaboration avec les gouvernements nationaux et régionaux. Pour les secondes, il s’agit d’aider au financement d’infrastructures régionales qui absorbent la plus grande partie de nos investissements.
On parle principalement du transport, qu’il soit maritime, aérien ou ferroviaire, puisque notre objectif est de favoriser une fois encore la libre circulation. Mais cela concerne également l’énergie, l’eau ou encore les systèmes d’information et de télécommunications. Au cours des six dernières années, nous avons investi près de 44 milliards de dollars dans l’infrastructure.
Comment le Maroc, à travers son modèle de développement, peut-il contribuer à impulser cette nouvelle dynamique en Afrique ?
Pour le Groupe de la Banque africaine de développement, le Maroc est un partenaire privilégié avec lequel nous travaillons depuis plus d’un demi-siècle et pour lequel nous soutenons de nombreux projets. Le Royaume est un champion dans l’utilisation des fonds mobilisés pour accélérer le développement et l’intégration régionale. Les infrastructures en sont un exemple. Une grande partie des participants à la conférence a ainsi atterri à Casablanca avant de rejoindre Tanger avec la ligne à grande vitesse roulant à plus de 300 km. Ce train est une première en Afrique.
C’est là l’Afrique que nous voulons et l’image que nous souhaitons : celle d’un continent connecté, intégré, avec des infrastructures de haut niveau. Le Maroc est également un partenaire d’investissement pour beaucoup de pays en Afrique subsaharienne, que ce soit dans la finance, l’agriculture ou la construction. Le pays a beaucoup investi dans sa relation avec le reste du continent à travers la multiplication d’accords bilatéraux ou de partenariats économiques au sein de l’Union africaine ou de la CEDEAO.
Aujourd’hui, le Maroc est l’un des plus grands investisseurs en Afrique et une partie très importante de ses investissements extérieurs cible le reste du continent. C’est un champion de l’investissement interrégional. C’est en cela aussi que le Maroc est une vraie terre d’inspiration pour l’Afrique.