Par esprit de saint esprit, la loi de finances 2020 n’a épargné aucune mesure pour venir au bout des associations sportives. Ces dernières, avec un esprit sportif, impose la cohabitation avec les sociétés sportives.
Une pluie de présents
Les pouvoirs publics, dans le cadre de la loi de finances 2020, ont médaillé le sport, en la personne des sociétés sportives, à plusieurs reprises. Il en a pleinement besoin, ça fait un bail qu’il a déserté les podiums. Généralement, les médailles sont décernées aux auteurs des exploits et en rétribution d’un service à la nation. Seulement, l’Etat veut faire quelque chose pour le sport et en la matière il est prêt à se passer du principe du service fait. Le sport a été primé dans tous les concours : l’impôt sur les sociétés, la taxe sur la valeur ajoutée et l’impôt sur le revenu. Et exploit inédit mérite à notre part l’intervention de l’Agence Mondiale Antidopage pour statuer sur sa naturalité.
Concrètement, les sociétés sportives : œuvre de la loi N°30-09 relative à l’éducation physique et aux sports, bénéficient d’une exonération quinquennale au titre de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée, d’une fiscalité très modérée au profit de son personnel sportif professionnel et d’un transfert sans impact fiscal du patrimoine jadis exploité par les associations sportives : cible à abattre par ladite loi N°30-09. Ceux qui croient que cette pluie de cadeaux, tombée juste avant Noël, va profiter de manière conséquente au secteur sportif, croient vraiment au père Noël. En effet, les pré-requis nécessaires à la création effective, non seulement administrative et juridique, des sociétés sportives sont loin d’être réunis. La programmation de ces exonérations parait très précoce. Le compteur a démarré hélas et sa réinitialisation sera difficile.
Qui ose dire « non merci » au cadeau de oncle Etat ? Les cadeaux ne se refusent pas. Commençons donc à les ouvrir pour les découvrir et éventuellement ouvrir les yeux du législateur sur certains vices de construction qui les grèvent. C’est vrai, au moment de la rédaction de ces lignes, le remboursement ou l’échange ne sont plus d’actualité.
Transfert « Gratos »
Au sujet du transfert du patrimoine de l’Association sportive vers la société sportive, cette opération s’avère non conforme aux dispositions de l’article 19 de la loi N°30-09. En effet, celui-ci traite du seul transfert des contrats qui s’attachent aux activités liées au sport professionnel. Les autres éléments du patrimoine et notamment les installations techniques et le capital immatériel de l’association sportive doivent faire l’objet d’une convention expliquant les modalités d’utilisation. Il s’ensuit que le transfert ne peut être légalement que partiel et jamais total. Alors que la loi de finances traite d’un éventuel transfert total.
Activités hors des radars fiscaux
Le deuxième paquet renferme l’exonération au titre de l’impôt sur les sociétés et de la taxe sur la valeur ajoutée. Cette exemption est ouverte aux seules sociétés sportives et exclut les associations sportives. Ces mesures sont contraires au principe de la neutralité fiscale prônée par le Droit fiscal. En effet, au terme de la neutralité relative, les impôts doivent avoir des effets proportionnels sur tous les assujettis de telle sorte qu’après l’imposition, chacun des redevables se retrouve par rapport aux autres redevables dans une situation relativement identique à celle qu’il avait avant l’imposition. L’exonération crée un avantage majeur au profit des sociétés sportives et prive les associations de ressources, ce qui déséquilibrera sans aucun doute leurs modèles économiques. Ces mesures rompent également avec le principe de l’équité fiscale. En effet, le droit fiscal veut que les contribuables se trouvant dans une même situation fiscale acquittent la même somme au titre de l’impôt. Sous ces mesures, le statut juridique du redevable conditionne le montant de l’impôt à acquitter ce qui fausse le principe constitutionnel de l’égalité devant l’impôt. Il parait donc que le législateur vise à travers ces mesures favoriser l’intégration économique et financière des sociétés sportives et guillotiner les associations sportives. Les manœuvres fiscales visent la création d’un système d’autodestruction des associations sportives. Seulement, ces dernières ont la peau dure et ne sont pas prêtes à se mettre en situation d’Hors-jeu.
Victimes collatéraux
Et pour fermer le bal, la loi de finances prévoit un avantage fiscal au profit du personnel sportif professionnel. En effet, les revenus perçus par ceux-ci ne sont taxés qu’après application d’un abattement de 50%. Cet avantage fiscal se traduira également positivement sur la masse salariale des sociétés sportives et par voie de conséquence sur leurs charges et handicapera les équilibres budgétaires des associations. Cette fois l’injustice de la loi des finances ne se limite pas aux associations sportives mais s’étend également à son personnel. Les pouvoirs publics sont alors décidés de déposséder les associations sportives non seulement de leurs moyens financiers mais également de leurs ressources humaines.