Le confinement a-t-il servi le débat sur le milieu marin au Maroc ? On peut le penser car notre pays a organisé cette année deux conférences à distance à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Océan. L’une a l’initiative du Département Ministériel chargé de l’Environnement où a dominé le débat sur la façade atlantique de notre pays et sur l’aquaculture. L’autre, organisée par le Comité National des ONG affiliées à l’Union Internationale de la Conservation de la Nature (UICN) et qui a été exclusivement consacré à la Méditerranée. La référence commune à ces deux conférences a été le thème choisi cette année par l’ONU : « L’innovation au service d’un océan durable ».
Lors de la première conférence, on a enregistré deux constats importants : D’une part, malgré l’existence du plan de pêche « Halieutis », le Maroc ne dispose pas d’un plan d’action dédié à la lutte contre le changement climatique dans notre milieu marin. D’autre part, nos chercheurs travaillent de manière dispersée et ne collaborent pas suffisamment entre eux. La conséquence est que le niveau de notre performance en matière de mobilisation de nos ressources halieutiques est limité. En effet, avec 3500 km de côtes, notre Zone Economique Maritime (ZEM) s’étend sur environ 1,2 Mn de km2 représentant 70% de plus que la surface terrestre ; cependant elle ne rapporte que 2 à 3% de notre PIB. De plus, la durabilité de notre stock de poissons est menacée et le programme du développement de l’aquaculture a échoué.
Lors de la deuxième conférence, on a noté que, depuis 45 ans, de nombreux organismes régionaux ont été créés, plusieurs programmes se sont succédé et des budgets importants ont été mobilisés pour protéger la Méditerranée. On note particulièrement le Plan d’Action pour la Méditerranée et la Convention de Barcelone, avec ses huit Protocoles, qui ont décrété « La Protection du Milieu Marin et du littoral méditerranéen contre la pollution », ainsi que le Plan Bleu qui intègre de façon plus explicite le concept du Développement Durable avec ses composantes sociale et économique. Malgré ces efforts, les participants ont été unanimes sur le constat très inquiétant de ce Bassin en termes de pression démographique, du mode de vie dégradant la Nature adopté par les populations, de généralisation de la pollution, de détérioration de la biodiversité et, globalement, en termes de durabilité de ses ressources naturelles.
Les « constats d’échec » dressés dans ces conférences confirment la pertinence du message transmis par l’ONU « L’innovation au service d’un océan durable » et incitent à se poser deux questions : Suivons-nous la bonne approche pour gérer nos milieux marins ? Avons-nous la bonne Gouvernance ?
En réponse à la 1ière question sur l’approche, on est tenté de répondre « non » car l’interface entre la sphère scientifique et celle des décideurs politiques ne semble pas être la bonne. Ces derniers ont besoin, non pas de détails scientifiques, mais d’une approche globale qui intègre l’ensemble des composantes de la problématique afin de pouvoir bien évaluer le niveau de la menace et prendre les décisions qui s’imposent. Cette approche existe, elle consiste à mesurer le grand dépassement de « l’Empreinte Ecologique » exercée par la population par rapport à la « bio capacité » du milieu naturel dans lequel elle vit. Il importe d’adopter le plus rapidement possible cette approche et d’en faire un thème principal de renforcement de capacité et de vulgarisation par les différentes parties prenantes.
En réponse à la deuxième question posée, on est tenté de répondre qu’on n’a pas la meilleure Gouvernance pour gérer nos milieux marins. Il est proposé que toutes les composantes des Sociétés Civiles de la Région, puisent mieux s’organiser, se concerter, faire converger leurs programmes d’action et surtout se mobiliser ensemble et conjointement pour mener un plaidoyer « fort » et bien argumenté auprès des organisations internationales et des Etats concernés.
Elles sont aussi appelées à renforcer leurs actions de plaidoyer auprès de tous les partis politiques pour un plus grand éveil de la conscience écologique. Elles doivent également viser l’obligation des opérateurs économiques à appliquer les dispositions juridiques et réglementaires relatives au respect de la Nature. On ne peut pas conclure cette approche de plaidoyer sans souligner l’incitation des populations à apporter leur soutien aux partis politiques portant l’idéologie écologique.
Par Abdelhadi Bennis, Expert environnementaliste